De plus en plus, les jeunes avocats sont les fers de lance des dĂ©marches pro bono au sein de la communautĂ© juridique canadienne. ArmĂ©s de la conviction que comme professionnels du droit, ils ont une obligation de dĂ©fĂ©rence et d’aide Ă l’Ă©gard des moins favorisĂ©s de la sociĂ©tĂ©, ils sont en train de crĂ©er une nouvelle traditionpro bono adaptĂ©e au 21e siècle. Nous vous prĂ©sentons deux de ces avocats.
Shannon Salter : faire une différence
Après avoir agi comme clerc Ă la Cour suprĂŞme de la Colombie-Britannique, Me Shannon Salter s’est jointe en 2006 au cabinet Farris, Vaughan, Wills et Murphy de Vancouver. Elle avait dès lors pour but de consacrer une partie de sa pratique Ă des dossierspro bono. Bien que ceci puisse, Ă première vue, paraĂ®tre inhabituel pour un ancien clerc, Me Salter relate que plusieurs de ses collègues clercs partageaient cette ambition. « Travailler Ă©troitement avec les juges nous amenait Ă voir les choses de leur perspective. Notre vision ne se limite plus au profane. Elle s’Ă©tend Ă la pression que leur prĂ©sence met sur le système judiciaire, et sur la façon dont les juges ressentent cette pression car ils doivent s’assurer que ces profanes obtiennent un procès Ă©quitable ».
Me Salter a tenu sa promesse. L’organisme Pro Bono Law of BC lui a d’ailleurs rendu hommage pour son dĂ©vouement. Entre autres, elle a aidĂ© une mère cĂ©libataire Ă Ă©viter l’Ă©viction et a reprĂ©sentĂ© avec succès un autre client dans le cadre d’une rĂ©vision de caution. Me Salter comprend l’angoisse de ses clients face Ă ces situations difficiles. Les faire bĂ©nĂ©ficier de son expertise lui procure une grande satisfaction. « Ils font face aux combats fondamentaux de la vie : perdre sa rĂ©sidence, perdre sa libertĂ© ».
Pour Me Salter, faire du travail bĂ©nĂ©vole est un devoir. Elle a eu la chance de faire des Ă©tudes en droit et estime que les contribuables, Ă leur façon, l’ont aidĂ©e dans son cheminement. Elle a la conviction que d’avoir des droits ne signifie pas grand-chose lorsqu’on n’a pas les moyens de les faire valoir. Les avocats qui font du travail bĂ©nĂ©vole aident au respect des droits de tous, incluant ceux des indigents.
Elle recommande fortement que les jeunes avocats fassent du travail bĂ©nĂ©vole lorsqu’ils le peuvent. Le cabinet de Me Salter valorise le bĂ©nĂ©volat en reconnaissant les heures qui y sont consacrĂ©es. Il offre, aussi, un programme d’acquisition d’expĂ©rience de plaideur en partenariat avec la cliniquePro bono de l’ArmĂ©e du Salut. Me Salter affirme que ce programme a Ă©tĂ© indispensable Ă son apprentissage des compĂ©tences de plaideur. « Le programme vous permet d’accĂ©der Ă une formation Ă laquelle vous n’auriez pas accès autrement dans les douze Ă vingt-quatre mois suivant votre assermentation. Ainsi, lorsque vous abordez votre cinquième annĂ©e comme associĂ©, vous ĂŞtes Ă l’aise devant les tribunaux et avez dĂ©jĂ de l’expĂ©rience. »
Parmi les dossiers pro bono, Me Salter prĂ©fère ceux qui concernent des clients organisĂ©s et bien informĂ©s qui ne peuvent aller de l’avant car ils n’ont pas le savoir-faire requis pour s’y retrouver au sein du système juridique. « C’est lorsque je suis en mesure d’aider des gens qui ne peuvent s’aider eux-mĂŞmes que je suis le plus fière d’ĂŞtre avocate. L’occasion vous est offerte de faire, pour ces gens, une Ă©norme diffĂ©rence ».
Josh Weinstein : DĂ©fendre ceux qui n’ont pas voix au chapitre
La dĂ©fense des causes qui n’ont pas la faveur du public est l’une des plus nobles traditions du barreau. Josh Weinstein la poursuit en reprĂ©sentant certains des membres les plus dĂ©munis de la sociĂ©tĂ© : les mendiants.
En juin 2005, la ville de Winnipeg adoptait un règlement crĂ©ant une nouvelle infraction punissable par l’amende ou l’emprisonnement : celle de mendier, mĂŞme de façon pacifique, au centre-ville de Winnipeg. Le Centre juridique de l’intĂ©rĂŞt public, un service indĂ©pendant de l’aide juridique du Manitoba, a demandĂ© Ă Me Weinstein de s’impliquer dans une contestation constitutionnelle pro bono dudit règlement au nom de l’Association nationale anti-pauvretĂ©.
« J’ai tout de suite su que je dĂ©sirais m’impliquer » rĂ©vèle monsieur Weinstein. « Pour moi, il est Ă©vident qu’un mendiant qui reçoit une contravention n’aura jamais l’argent ou les moyens d’entreprendre une contestation constitutionnelle » dit-il. Les raisons motivant Me Weinstein Ă s’impliquer n’Ă©taient cependant pas strictement limitĂ©es Ă l’intĂ©rĂŞt qu’il portait aux questions juridiques et sociĂ©tales du dossier. Il y voyait aussi une occasion de croĂ®tre sur le plan personnel.
« Pour moi, la partie la plus profitable de mon implication dans ce dossier Ă©tait de prendre conscience de mes faiblesses en ce qui concerne ma propre perception des mendiants. J’ai rĂ©flĂ©chi et tentĂ© de trouver ce qu’ils nous font ressentir, et je crois que leur prĂ©sence crĂ©e un malaise. Les gens ressentent beaucoup de gĂŞne quand la pauvretĂ© leur est jetĂ©e au visage. Ils ont peur de la voir en plein centre-ville. Les gens doivent nĂ©anmoins rĂ©aliser qu’il n’est pas nĂ©cessaire de faire un acte illĂ©gal. Ils doivent plutĂ´t rĂ©flĂ©chir et faire face Ă leur malaise. »
Le caractère particulièrement absurde de la loi le frappait. « Supposons que mon vĂ©hicule tombe en panne Ă l’extĂ©rieur de mon bureau. ThĂ©oriquement, il serait illĂ©gal que j’aborde quelqu’un Ă l’arrĂŞt d’autobus et lui demande deux dollars pour me rendre Ă la maison. Je peux cependant vous assurer que je n’aurais jamais d’amende Ă payer et que c’est strictement Ă cause de mon aspect ». Un sans-abri, dit-il par ailleurs, qui demanderait lui aussi deux dollars serait vraisemblablement accusĂ© d’une infraction Ă cause de son aspect.
Il dit souhaiter que d’autres avocats, s’ils sont en mesure de le faire, s’impliquent dans des dossiers semblables, mĂŞme s’ils exigent beaucoup de temps. Faire du travailpro bono dans un dossier qui vous intĂ©resse peut aussi donner Ă votre carrière de juriste l’Ă©lan motivateur que vous recherchez. Comme le dit Me Weinstein, « tout ce qui concerne ce dossier me passionne ».