S’il y a une route que plusieurs avocats prĂ©voient suivre, c’est celle qui mène de la pratique privĂ©e Ă la pratique en entreprise ou dans l’administration publique. L’idĂ©e qu’on se fait en gĂ©nĂ©ral est qu’un jeune avocat ou une jeune avocate peut parfaire ses compĂ©tences dans un cabinet privĂ©, mais qu’il ou elle dĂ©cidera en fin de compte — que ce soit pour avoir des heures de travail rĂ©duites ou pour son intĂ©rĂŞt pour une compagnie donnĂ©e — de transfĂ©rer dans un rĂ´le de conseiller ou de conseillère juridique Ă l’interne. Un tel transfert n’est en tout cas pas perçu comme exceptionnel.
Les conseillers et conseillères juridiques Ă l’interne qui veulent passer Ă la pratique privĂ©e sont toutefois confrontĂ©s Ă une situation bien diffĂ©rente. Tout en confirmant que de tels transferts sont certainement possibles, Warren Smith, deThe Counsel Network , constate que « c’est davantage un dĂ©fi pour une personne provenant d’un contentieux plutĂ´t que d’un cabinet privĂ© que de faire la transition vers un autre cabinet privĂ© ».
L’une des principales difficultĂ©s auxquelles doivent faire face les conseillers et conseillères Ă l’interne est de savoir rĂ©pondre Ă la questionpourquoi ils veulent faire cette transition. « Au cours de mon entrevue », raconte Ann Behennah, qui a travaillĂ© au service juridique de la Ville de Calgary avant de se joindre au cabinet Bull, Housser & Tupper s.r.l., Ă Vancouver, « l’une des questions qu’on m’a posĂ©es Ă©tait “Vous avez des conditions de travail très confortables avec un nombre d’heures fixe. Pourquoi vouloir passer Ă un cabinet important avec plus d’heures, plus de travail et plus de difficultĂ©s?” »
Dans sa rĂ©ponse Ă cette question, Mme Behennah a mis l’accent sur le dĂ©sir de se perfectionner. « Je voulais avoir de plus grands dĂ©fis », dit-elle. « Je voulais prendre des forces en tant que jeune avocate. Pour avoir l’expĂ©rience la plus riche possible, je voulais m’assurer d’ĂŞtre exposĂ©e le plus possible et le plus tĂ´t possible. »
C’est effectivement sur l’ampleur de l’expĂ©rience offerte par les cabinets privĂ©s que les candidats et les candidates issus de l’entreprise devraient insister, selon Warren Smith, deThe Counsel Network . « Pour les jeunes conseillers et conseillères qui veulent aller en pratique privĂ©e, je sais par expĂ©rience que l’un des arguments les plus persuasifs — si vous le pensez sincèrement — est de dire “Je veux exceller dans mon mĂ©tier”. Et il ne s’agit pas de dire qu’ils ont eu une bonne ou une mauvaise expĂ©rience dans un contentieux, mais simplement de reconnaĂ®tre que le contentieux a ses limites. »
Le mentorat est un autre aspect que les conseillers et les conseillères juridiques peuvent choisir de mettre en valeur. « Si vous ĂŞtes entrĂ©(e) dans un contentieux oĂą vous n’Ă©tiez que deux avocats », dit Carrie Heller deThe Heller Group , « et que l’autre avocat n’Ă©tait pas en position de vous encadrer suffisamment, cela peut vous amener Ă vous arrĂŞter et vous dire que vous devriez aller en pratique privĂ©e, oĂą il y a plusieurs avocats et avocates qui ont plus d’expĂ©rience que vous et qui peuvent jouer un rĂ´le de mentor. »
L’un de vos avantages en tant que conseiller ou conseillère Ă l’interne est d’avoir touchĂ© Ă une grande diversitĂ© de tâches. « Souvent, lorsque vous dĂ©butez et que vous travaillez dans un contentieux », dit Mme Heller, « on peut vous avoir donnĂ© un niveau de responsabilitĂ© plus Ă©levĂ© que celui qu’on vous aurait donnĂ© dans un cabinet privĂ© pendant vos premières annĂ©es. »
Il est probable Ă©galement, remarque Warren Smith, que les conseillers et conseillères juridiques Ă l’interne « auront eu des responsabilitĂ©s dans la gestion des conseillers externes et plus d’interactions avec des non-juristes, et que par consĂ©quent ils ou elles auront dĂ©veloppĂ© une compĂ©tence pour le cĂ´tĂ© “affaires” des choses et les rapports avec d’autres dĂ©partements. »
Chris Borden, qui est passĂ© d’un contentieux Ă la pratique privĂ©e chez McInnes Cooper Ă Saint-Jean (N.-B.), remarque que le fait qu’il soit capable de voir les choses du point de vue du client est un grand avantage. « Lorsque vous travaillez dans un contentieux », explique-t-il, « vous ĂŞtes la personne chargĂ©e d’engager d’autres avocats et de vous assurer que les avocats externes sont suffisamment attentifs Ă vos besoins et qu’ils fournissent un bon service. » Maintenant qu’il est de retour en pratique privĂ©e, M. Borden constate qu’il est naturellement portĂ© Ă voir les choses du point de vue du client et que cette aptitude est essentielle pour donner le meilleur avis ou le meilleur service possible.
Il y a certainement des bosses sur la route qui mène du contentieux Ă la pratique privĂ©e. « On s’habitue très vite au temps facturable », dit M. Borden. Toutefois, d’autres questions, comme la gamme changeante des clients ou la taille imposante des bureaux, peuvent demander un temps d’adaptation. « J’essaie de prendre l’initiative le plus possible pour entrer en contact avec des collègues et dĂ©velopper des relations », dit Mme Behennah, au sujet de son arrivĂ©e dans un bureau rĂ©parti sur cinq Ă©tages, « et je m’assure d’aller aux rĂ©unions des jeunes employĂ©s. Il y a tellement d’opportunitĂ©s Ă exploiter. »
En gĂ©nĂ©ral, ce genre de transition reste « très faisable », pour reprendre les termes de Mme Heller, spĂ©cialement en dĂ©but de carrière. Ce dont les conseillers et conseillères juridiques Ă l’interne doivent ĂŞtre conscients, cependant, est le fait qu’un cabinet privĂ© pourrait ne pas comprendre les heures ou les responsabilitĂ©s qu’ils et elles ont eues Ă l’interne. Tandis que deux avocats ou avocates de deux cabinets nationaux peuvent avoir une expĂ©rience similaire au terme de cinq annĂ©es de pratique, on ne peut pas dire la mĂŞme chose des conseillers et conseillères Ă l’interne. Ceux-ci peuvent avoir travaillĂ© au sein d’une Ă©quipe de soixante-dix personnes tout comme ils peuvent avoir travaillĂ© tout ce temps en solitaire.
Une personne dĂ©sirant faire la transition du contentieux Ă la pratique privĂ©e doit avoir une idĂ©e prĂ©cise de ce qu’elle fera valoir en entrevue, des raisons pour lesquelles elle fait cette transition et des forces et compĂ©tences qu’elle peut apporter dans son nouveau rĂ´le. Ce que confirme Warren Smith : « Il y a une charge beaucoup plus grande sur l’individu pour ĂŞtre capable de bien prĂ©senter son expĂ©rience de travail et expliquer en quoi cette expĂ©rience sera pertinente et utile pour un cabinet privĂ©. »
Emily White est rédactrice indépendante.