Jusqu’Ă l’après-guerre, les factures juridiques identifiaient, au-delĂ des heures travaillĂ©es, la nature du service rendu, les rĂ©sultats obtenus et les sommes en jeu. La dĂ©termination d’honoraires justes relevait du jugement professionnel.
Tout a changĂ© dans les annĂ©es 1960 quand les clients ont commencĂ© Ă demander des rapports de facturation prĂ©cis et que les avocats ont commencĂ© Ă utiliser les feuilles de temps comme outil pour amĂ©liorer l’efficacitĂ© de la gestion. Aujourd’hui, la plupart des avocats sont rĂ©munĂ©rĂ©s Ă l’heure et leur facturation se lit comme une liste : voici ce que j’ai fait, voici le temps consacrĂ© Ă ce mandat et voici ce que vous me devez.
Cette approche suscite une insatisfaction croissante chez les clients parce qu’elle met l’accent sur le coĂ»t au dĂ©triment de la valeur et des bĂ©nĂ©fices du service rendu.
Où est le problème?
Si les clients paient leurs factures sans se plaindre, les avocats supposent que leur mĂ©thode de facturation fonctionne bien. Cependant, des doutes devraient apparaĂ®tre quand le paiement n’est pas reçu après quelques semaines. En règle gĂ©nĂ©rale, le non-paiement d’une facture rĂ©vèle l’existence de l’un ou l’autre de quatre types de problèmes :
- Les clients ne comprennent pas les détails ou la valeur de ce que vous avez fait;
- Ils jugent excessive la somme facturĂ©e parce qu’elle inclut des choses qu’ils n’ont pas demandĂ©es;
- Ils ne ressentent aucune urgence Ă payer, prĂ©fĂ©rant mettre l’accent sur des factures ayant une importance plus personnelle;
- Ils n’ont plus d’argent malgrĂ© leurs bonnes intentions.
Soyez raisonnable et clair
Notez qu’aucun des problèmes Ă©voquĂ©s ci-dessus ne suppose une faute professionnelle de l’avocat dans la prĂ©paration de sa facture. De fait, le Chapitre XI du Code de conduite professionnelle de l’Association du Barreau canadien prĂ©voit que « l’avocat ne doit pas stipuler, demander ou accepter des honoraires clandestins, exorbitants ou dĂ©raisonnables ».
Bien sĂ»r, le concept du « raisonnable » demeure subjectif, et l’ABC ajoute dans son commentaire de la règle que « l’avocat doit chercher Ă Ă©viter les discussions avec son client Ă ce sujet. Il doit donc ĂŞtre Ă mĂŞme d’expliquer sur quelles bases il a Ă©tabli ses honoraires, surtout si son client est peu instruit ou mal informĂ© Ă ce sujet ».
La mention de « discussions » est particulièrement importante parce qu’au-delĂ du premier objectif de la facture (d’ĂŞtre payĂ©), il existe un objectif secondaire que les avocats nĂ©gligent souvent – celui de laisser au client une impression favorable des services reçus. Autrement dit, votre facture constitue aussi un outil de communication. La facture parfaite dit clairement et sans dĂ©tour au client que vous avez amĂ©liorĂ© sa vie.
Faites la démonstration de la valeur de votre travail
Pour s’assurer de bien communiquer, l’avocat doit au dĂ©but de chaque mandat remettre par Ă©crit autant de renseignements que possible sur ses pratiques de facturation. Une fois Ă©tablis les repères, facturez de façon rĂ©gulière et opportune, en incluant dans le relevĂ© de compte une description complète des travaux accomplis et des objectifs rĂ©alisĂ©s. Cela vous permet d’expĂ©dier des mises Ă jour rĂ©gulières et de dĂ©montrer que chaque action entreprise au nom du client avait un objectif prĂ©cis.
Les services juridiques Ă©tant souvent intangibles, plus vous fournirez d’information sur vos travaux et leurs rĂ©sultats, plus le client aura la perception d’une facture juste, Ă payer sans dĂ©lai.
« Bon service », « valeur » et « solutions » sont plus qu’un simple jargon Ă la mode. Tous les avocats, peu importe la taille du cabinet, peuvent dĂ©crire ce qu’ils font pour rehausser constamment la valeur perçue par le client. Voici quelques Ă©lĂ©ments de base d’une stratĂ©gie de renseignement :
- Rappeler les clients, personnellement ou par l’entremise d’un adjoint, dans un dĂ©lai de deux Ă quatre heures;
- Visiter les clients sans frais pour vous informer de leurs préoccupations et mieux comprendre leur travail;
- PrĂ©parer vos clients avant des rencontres interactives, telles que des sĂ©ances de nĂ©gociations, des dĂ©positions et des tĂ©moignages, pour qu’ils sachent Ă quoi s’attendre et y soient prĂŞts. Prenez votre temps : Ă©voquez diverses Ă©ventualitĂ©s pour que le client ne s’offusque pas si l’issue – que vous ne contrĂ´lez pas – ne rencontre pas ses attentes;
- DĂ©crire les promesses faites et tenues, avec des exemples de valeur et de service tels qu’ils sont dĂ©finis par les deux parties Ă la signature du mandat;
- Demander aux clients leurs commentaires (sans frais), pour savoir s’ils sont satisfaits ou non de vos services.
Ces Ă©lĂ©ments de valeur ajoutĂ©e vous permettront de produire des relevĂ©s de compte faciles Ă comprendre qui Ă©numèrent clairement les actions entreprises au nom du client et le temps requis pour les rĂ©aliser. Ces relevĂ©s de compte auront plus de sens pour le client et ne se limiteront pas Ă l’habituelle liste d’Ă©picerie.
Plusieurs de ces suggestions peuvent ĂŞtre incluses dans la facture avec la mention « sans frais ». Vous pouvez ainsi laisser savoir au client que mĂŞme si votre temps est prĂ©cieux, vous valorisez encore plus vos rapports avec lui.
Faites une facture détaillée
Bien sĂ»r, vous voulez Ă©numĂ©rer vos actions payantes de manière aussi dĂ©taillĂ©e. Trop d’avocats commettent l’erreur d’une brièvetĂ© excessive dans leurs factures (p.ex. honoraires pour jugement sommaire – 20 heures). ÉnumĂ©rez aussi les Ă©lĂ©ments de base de chacune des tâches, avec le temps requis pour chacune : passez en revue les documents clĂ©s et les tĂ©moignages de dĂ©position, l’Ă©noncĂ© provisoire des faits admis tel que le requiert la procĂ©dure de la cour, la recherche de jurisprudence dans quatre causes similaires et ainsi de suite.
Cette ventilation ne mettra pas Ă l’Ă©preuve la patience du client; elle l’aidera Ă mieux comprendre ce que vous avez accompli en son nom. Utilisez des verbes d’action pour dĂ©crire vos services. Indiquez clairement et en dĂ©tail ce que vous avez accompli. Cela donnera au client une apprĂ©ciation de l’effort requis pour rĂ©ussir.
Soyez accommodant
Si la facture parfaite est compréhensible et détaillée, le client doit aussi pouvoir la recevoir et la payer facilement en utilisant les nouvelles technologies.
Vous pouvez ainsi expédier une facture en fichier PDF (qui ne peut être modifié par le récipiendaire) plutôt que de la poster. La vitesse et la commodité favorisent un paiement plus rapide.
Pour les clients d’entreprise, envisagez un service de facturation Ă©lectronique. Cela nĂ©cessite une installation et une coordination substantielles au dĂ©marrage, mais cette technologie est bien justifiable pour les clients plus importants. Une fois le système installĂ©, le service de facturation accomplit une grande partie du travail routinier de conformitĂ© aux règles de facturation du client, et d’affectation des honoraires et des frais, par mandat et par avocat.
La commodité est un principe bien subjectif. Demandez donc à votre client ses préférences quant au mode de facturation.
Facturez en temps opportun
Finalement, la facture parfaite est acheminĂ©e en temps opportun. Si vous facturez quand un client est heureux d’avoir eu gain de cause quant Ă une requĂŞte ou nĂ©gociĂ© une issue favorable (mĂŞme si cela survient quelque peu avant ou après la date normale de facturation), il aura davantage tendance Ă payer promptement. Vous facturez ainsi le client au sommet de la « courbe de satisfaction », le moment de rĂ©sistance la plus faible au règlement des honoraires. Plus tard, le client risque d’oublier le rĂ´le important que vous avez jouĂ© et se demander pourquoi la facture est si Ă©levĂ©e. Dans cet Ă©tat d’esprit, la facture risque de demeurer impayĂ©e pour un temps indĂ©fini.
Une Ă©tude dĂ©montre qu’une facture impayĂ©e après 60 jours peut ĂŞtre recouvrĂ©e dans 89 % des cas. Ce pourcentage chute toutefois Ă 67 % après six mois et Ă 45 % après un an. Pourquoi prendre un tel risque? Acheminez les factures sans dĂ©lai.
Surtout, communiquez
L’importance d’une facture efficace ne se limite pas au document lui-mĂŞme et au paiement reçu. En tant qu’avocat, vous n’exercez pas le droit, vous rendez service aux clients. Sans clients, pourquoi deviendrait-on avocat? Vous devez alors offrir un service et un produit de qualitĂ© que vos clients trouveront utiles et avantageux. Si vos clients ne reconnaissent pas les avantages que vous leur procurez, leur taux de satisfaction diminuera et aucun effort de marketing ne pourra les fidĂ©liser.
Les avocats ont tendance Ă se concentrer sur la tâche qui les attend, sans avoir communiquĂ© au client ce qu’ils ont accompli auparavant. Vous pouvez avoir fait de l’excellent travail avec des documents, auprès du tribunal ou de la partie opposĂ©e, que restera-t-il si le client ne comprend pas ce que vous avez accompli?
Une facture qui ne porte que la mention « pour services juridiques rendus », une facture inexacte ou qui porte Ă confusion ne favorisent pas la comprĂ©hension du client. Faites savoir Ă vos clients qu’ils sont importants pour vous en leur communiquant de façon dĂ©taillĂ©e les avantages que vous leur procurez Ă titre de conseiller juridique.
Edward Poll (edpoll@lawbiz.com) est CMC et mentor de procureurs et de cabinets juridiques Ă Los Angeles pour les aider Ă devenir plus rentables. Il est l’auteur de Attorney and Law Firm Guide to the Business of Law : Planning and Operating for Survival and Growth, 2nd ed. (ABA, 2002), Collecting Your Fee: Getting Paid from Intake to Invoice (ABA, 2003) et, plus rĂ©cemment, de Selling Your Law Practice: The Profitable Exit Strategy (LawBiz, 2005).