« Kim Nayyer, bibliothĂ©caire de droit, affirme… » Si j’avais lu cette phrase quelque part il y a une dizaine d’annĂ©es, je serais d’abord tombĂ©e Ă la renverse, avant de chercher Ă savoir qui est l’autre Kim Nayyer Ĺ“uvrant dans le domaine juridique. [Pas besoin de faire la recherche, il n’y en a aucune.] Cette bibliothĂ©caire de droit, c’est moi.
Un poste de bibliothĂ©caire de droit peut prĂ©senter une intĂ©ressante solution de rechange ou un bon complĂ©ment Ă l’exercice du droit. Il convient toutefois de noter que pour bon nombre de postes, il y a une exigence supplĂ©mentaire : une maĂ®trise en bibliothĂ©conomie et sciences de l’information (MBSI) ou tout autre diplĂ´me d’Ă©tudes supĂ©rieures dans un programme agrĂ©Ă© par l’American Library Association. Il faut Ă©galement savoir que ce n’est pas toujours le cas. Le fait qu’un avocat doive ou non obtenir une MBSI pour assumer les diverses fonctions associĂ©es au rĂ´le de bibliothĂ©caire de droit dĂ©pend uniquement du contexte.
Gestionnaire de bibliothèque de droit, spĂ©cialiste de l’information juridique, gestionnaire du savoir et spĂ©cialiste des renseignements sur la concurrence; voilĂ quelques-uns des titres qui dĂ©crivent les diffĂ©rents aspects des multiples tâches assumĂ©es par un bibliothĂ©caire de droit. Bon nombre de bibliothĂ©caires ont obtenu une MBSI après leur diplĂ´me en droit, mais beaucoup d’autres n’ont pas Ă©tudiĂ© dans ce domaine. Il n’est pas rare non plus qu’un bibliothĂ©caire de droit n’ait qu’un diplĂ´me d’Ă©tudes supĂ©rieures en bibliothĂ©conomie, sans doctorat en jurisprudence. (Certains des meilleurs bibliothĂ©caires n’ont ni MBSI ni diplĂ´me en droit.)
Bien qu’une MBSI ne soit pas toujours essentielle, elle offre très certainement des options intĂ©ressantes Ă long terme. Les cabinets d’avocats, les bibliothèques de barreaux ou les entreprises embaucheront le bon avocat comme gestionnaire de ressources, gestionnaire du savoir ou spĂ©cialiste des renseignements sur la concurrence sans exiger qu’il s’inscrive Ă la MBSI. D’un autre cĂ´tĂ©, une universitĂ© n’embauchera sans doute pas un avocat Ă titre de bibliothĂ©caire de droit s’il ne possède pas de MBSI.
Mon cheminement vers un poste de bibliothĂ©caire de droit a Ă©tĂ©, comme j’y ai dĂ©jĂ fait allusion, plutĂ´t fortuit. J’ai obtenu ma MBSI, mais j’avais des raisons bien prĂ©cises pour le faire. Remontons quelque peu le temps. Avant d’ĂŞtre bibliothĂ©caire de droit, j’Ă©tais avocate-recherchiste. J’ai passĂ© les premières annĂ©es de ma carrière Ă m’occuper de litiges dans un cabinet. C’est alors que j’ai su que le style de vie et la culture de la profession ne me convenaient pas. Mais sur le plan intellectuel, mon emploi Ă©tait stimulant. J’aimais Ă©claircir des affaires juridiques complexes, creuser et trouver des solutions, communiquer les rĂ©sultats. C’est ce que je voulais faire, et je voulais le faire mieux. Je me suis rendu compte que les cours offerts dans le programme d’Ă©tudes supĂ©rieures en bibliothĂ©conomie et sciences de l’information de mon universitĂ© locale pouvaient m’ĂŞtre utiles, mais je ne savais pas qu’un jour, j’allais faire la transition sur le plan professionnel.
J’ai dĂ©cidĂ© de m’inscrire Ă la MBSI parce que les travaux Ă©taient utiles Ă mon travail d’avocate-recherchiste. Je voulais Ă©galement pouvoir prendre des dĂ©cisions Ă©clairĂ©es Ă propos de la gestion des ressources documentaires du cabinet pour lequel je travaillais. J’ai donc dĂ©cidĂ© de terminer la MBSI parce que les cours Ă©taient intĂ©ressants et que j’en voyais l’utilitĂ© Ă long terme. Ă€ dire vrai, je voulais Ă©galement un deuxième diplĂ´me en poche, au cas oĂą je voudrais faire une pause dans ma carrière d’avocate.
J’avais toutefois un poste gratifiant dans un milieu de travail stimulant que je ne voulais pas quitter. Heureusement, il est possible de dĂ©crocher une MBSI Ă temps partiel. (Il est maintenant possible de faire sa MBSI en ligne au Canada pour les gens qui souhaitent continuer Ă travailler pendant leurs Ă©tudes.) Fort heureusement aussi, mon employeur a su voir les avantages qu’une telle maĂ®trise offrait et m’a appuyĂ©e dans ma dĂ©marche. Il m’a fallu cinq ans pour terminer ma maĂ®trise, et grâce Ă mon emploi, j’ai pu mettre en pratique immĂ©diatement mes nouvelles connaissances.
J’Ă©tais alors avocate-recherchiste, mais aussi « bibliothĂ©caire de droit », mĂŞme si je n’avais pas encore obtenu mon diplĂ´me. J’Ă©tais responsable des ressources de recherche du cabinet : je devais rĂ©duire les dĂ©penses liĂ©es Ă la bibliothèque ainsi que son empreinte physique, tout en conservant les documents de recherche les plus utiles de la collection. J’ai fait des recommandations Ă la direction sur les abonnements Ă conserver ou Ă annuler, sur le passage du format papier au format Ă©lectronique, et sur la rĂ©organisation de la bibliothèque « physique ». J’ai organisĂ© et supervisĂ© la crĂ©ation d’une base de donnĂ©es sur les ressources de recherche contenues dans la bibliothèque, et j’ai mis au point un système de classification propre au cabinet. J’ai Ă©galement travaillĂ© de concert avec les responsables des technologies de l’information Ă l’Ă©laboration d’un site intranet et d’un système de gestion du savoir. Évidemment, j’ai aussi effectuĂ© beaucoup de recherches juridiques et extra-juridiques, dans les ressources papier et Ă©lectroniques.
VoilĂ le genre de tâches qu’un bibliothĂ©caire de droit peut ĂŞtre appelĂ© Ă accomplir, bien que souvent, un avocat directeur ou un praticien exerçant seul doive s’en charger lui-mĂŞme ou doive superviser le sous-traitant chargĂ© de les faire. Si un avocat plein d’initiative s’intĂ©resse aux ressources documentaires, s’intĂ©resse Ă la façon d’Ă©tablir un budget pour ces ressources et veut participer Ă la gestion des ressources d’une organisation, il peut devenir « bibliothĂ©caire de droit » sans nĂ©cessairement obtenir une MBSI. DiffĂ©rentes options sont offertes Ă ceux qui veulent poursuivre des Ă©tudes dans ce domaine, grâce Ă la formation juridique permanente ou Ă la formation professionnelle continue offerte par les universitĂ©s oĂą il est possible d’obtenir une MBSI.
Puisque j’avais conservĂ© mon titre d’avocate en exercice, lorsque je travaillais pour un cabinet d’avocats ou pour le tribunal, je pouvais mieux approfondir certains aspects que les bibliothĂ©caires de droit qui ne possèdent pas de doctorat en jurisprudence. Je pouvais effectuer des recherches et analyser les affaires qui figurent dans les dossiers de mes collègues, ou envisager des scĂ©narios et dĂ©terminer quelles questions devaient faire l’objet d’une recherche et d’une analyse juridiques. Comme bon nombre de bibliothĂ©caires de droit, je conseillais les Ă©tudiants occupant un emploi d’Ă©tĂ© ou en stage dans leurs recherches, et ensuite, Ă titre d’avocate-recherchiste, je pouvais Ă©galement rĂ©viser leur travail pour en vĂ©rifier l’exactitude et les conseiller.
La question salariale fait partie de toute rĂ©flexion concernant sa carrière. Pour les avocats qui travaillent dans de grands cabinets, qui plaident au tribunal ou qui sont employĂ©s par les gouvernements, le travail de bibliothĂ©caire de droit peut entraĂ®ner une diminution de salaire. Pour les avocats qui ont travaillĂ© Ă leur compte, dans un petit cabinet ou pour un organisme sans but lucratif, il peut s’agir d’un emploi mieux rĂ©munĂ©rĂ© et offrant une plus grande sĂ©curitĂ©. Une fois de plus, tout ça dĂ©pend du domaine de pratique et de l’intĂ©rĂŞt Ă obtenir un autre diplĂ´me.
Quelques annĂ©es plus tard, je connais bien mon travail. Je sais ce qu’un bibliothĂ©caire de droit peut accomplir, et c’est ce que je fais : je comprends comment l’information juridique est structurĂ©e, j’accrois son accessibilitĂ©, je la communique et j’enseigne Ă d’autres oĂą la trouver et comment l’utiliser. En tant que bibliothĂ©caire de droit possĂ©dant un doctorat en jurisprudence et une expĂ©rience dans le domaine juridique, je peux aller encore plus loin. En travaillant Ă la bibliothèque d’une facultĂ© de droit, je peux enseigner la recherche juridique qui me passionne tant et Ă©crire un cours complet Ă ce sujet. MĂŞme si le classement d’une note de service sur la recherche juridique n’est pas la partie la plus intĂ©ressante de mon travail, le rĂ´le de bibliothĂ©caire de droit est tout de mĂŞme une profession très intĂ©ressante.
Kim Nayyer est bibliothécaire de droit et a déjà été avocate-recherchiste.