Le triomphe de la vĂ©ritĂ© sur le mensonge, de l’Ă©thique sur les magouilles politiques, de la moralitĂ© sur l’immoralitĂ©... cela aurait très bien pu se dĂ©rouler dans n’importe quel prĂ©toire du pays. Cependant, le cadre Ă©tait autre : les planches d’un théâtre communautaire Ă Ottawa sur lesquelles des juristes se produisaient afin de lever des fonds pour une Ĺ“uvre de bienfaisance locale.
ParrainĂ©e par l’Association du Barreau du ComtĂ© de Carleton, la Pièce de théâtre des avocats est un Ă©vĂ©nement annuel maintenant dans sa quatorzième annĂ©e qui a permis de recueillir plus de 900 000 $ pour un vaste Ă©ventail de causes. La reprĂ©sentation de cette annĂ©e – The Best Man par Gore Vidal – s’est dĂ©roulĂ©e dans les locaux de la Great Canadian Theatre Company au dĂ©but mai au profit du Bureau des services Ă la jeunesse d’Ottawa.
« J’en suis Ă ma septième Pièce de théâtre des avocats », dĂ©clare Tara Berish, 33 ans, conseillère juridique auprès du ministère des Finances. « J’ai commencĂ© lorsque je suis arrivĂ©e Ă Ottawa pour faire mon stage. Je ne me souviens mĂŞme plus comment j’ai appris son existence, mais je n’en ai pas manquĂ© une depuis. Maintenant, je siège au comitĂ© et j’ai continuĂ©. »
Alors qu’elle venait d’arriver Ă Ottawa et cherchait Ă connaĂ®tre des gens et Ă s’engager dans sa communautĂ© d’adoption, la Pièce de théâtre des avocats Ă©tait parfaite. Elle n’en est cependant pas restĂ©e lĂ : Tara Berish siège Ă©galement au conseil d’un refuge pour femmes Ă Ottawa.
« Je me suis dirigĂ©e vers la fonction publique car je voulais, d’une façon ou d’une autre, rendre Ă la communautĂ© ce qu’elle m’avait donnĂ© et il existe tellement de façons de le faire et d’organisations qui ont besoin d’aide. C’est juste un des fantastiques moyens de le faire. »
Au fil de 13 annĂ©es, la Pièce de théâtre des avocats a attirĂ© plus de 240 avocats, juges et maĂ®tres ainsi que des politiciens et autres membres de la communautĂ© qui ont fait des apparitions ponctuelles. Kirk Shannon, 33 ans, dĂ©clare que c’est une façon unique, pour les jeunes juristes en particulier, de montrer leur talent et de s’engager lĂ oĂą ils vivent et exercent le droit.
« Je pense que de nombreux jeunes juristes tentent d’ajouter Ă ce qu’ils font dans leur profession en aidant et en utilisant leurs compĂ©tences ailleurs », dit-il. Juriste auprès du Commissariat Ă la protection de la vie privĂ©e du Canada, Kirk Shannon a passĂ© une audition et obtenu un rĂ´le dans la Pièce de théâtre des avocats de cette annĂ©e. Qui plus est, il fait du porte-Ă -porte pour la SociĂ©tĂ© canadienne du cancer, travaille Ă la banque d’alimentation locale et assume un rĂ´le bĂ©nĂ©vole au Centre canadien pour la justice internationale.
« Il s’agit, en partie, de travail de nature juridique », dit-il au sujet des heures qu’il consacre au CCJI. « L’organisation travaille Ă©galement beaucoup Ă l’Ă©chelle internationale et avec l’Organisation des Nations Unies, elle a donc parfois besoin que des articles soient rĂ©digĂ©s et que des recherches soient faites, ce qu’elle ne peut se permettre de se procurer ailleurs. Parfois, les besoins sont juste pĂ©cuniaires, particulièrement en raison de la conjoncture actuelle. J’ai donc aidĂ© Ă organiser un cours de deux jours sur les questions connexes Ă la justice internationale qui a rĂ©uni entre 20 et 30 confĂ©renciers et environ 75 participants. Cela s’est avĂ©rĂ© une très bonne source de recettes pour l’organisation. »
Le bénévolat présente des avantages tant personnels que professionnels selon Me Shannon.
« Il peut permettre de dĂ©velopper des contacts professionnels et avancer sur ce plan. Vous rencontrez plus de gens, entendez parler de plus de genre de travaux et de plus de possibilitĂ©s », dit-il. « Je ne suis pas originaire d’Ottawa et n’y ai pas Ă©tudiĂ©. Je suis donc un peu « Ă©tranger » et c’est, pour moi, un bon moyen de rencontrer les membres de la communautĂ© juridique - ce qui reprĂ©sente un avantage supplĂ©mentaire certain - et d’entendre parler d’organisations comme le Bureau des services Ă la jeunesse d’Ottawa. Alors, je pense vraiment que cela permet aussi de rĂ©seauter. »
Ashley Deathe, 30 ans, aime consacrer ses heures de bĂ©nĂ©volat Ă aider des Ă©tudiants en droit Ă l’universitĂ© oĂą elle a Ă©tudiĂ©, l’UniversitĂ© d’Ottawa. Maintenant avocate plaidante chez Nelligan O'Brien Payne LLP, Me Deathe Ă©tait dĂ©jĂ montĂ©e sur les planches et avait envie « de renouer avec son gĂ©nie crĂ©ateur ».
Voici deux ans, elle a répondu à une recherche de comédiens pour la Pièce de théâtre des avocats.
« La principale raison pour laquelle j’ai rĂ©pondu, c’est parce que je voulais crĂ©er quelque chose hors du prĂ©toire et au théâtre. Maintenant que j’y ai goĂ»tĂ©, je ne peux plus m’en passer. Je veux aider la Great Canadian Theatre Company. Et puis, c’est un peu la crĂ©ation d’une communautĂ© au sein de la communautĂ© juridique. Certes, ce sont des contacts mais c’est aussi, et surtout, une occasion d’interagir avec des gens similaires qui aiment se retrouver Ă cette occasion chaque annĂ©e. Et c’est tout un dĂ©fi. Nous sommes en reprĂ©sentation chaque jour devant les juges mais lĂ c’est diffĂ©rent et c’est un dĂ©fi, et c’est ce qui me plaĂ®t tant. »
Elle dit que la participation Ă la reprĂ©sentation lui a aussi offert des entrĂ©es par les coulisses dans la communautĂ© juridique qu’elle n’aurait peut-ĂŞtre pas eues autrement.
« L’an dernier, cela m’a servi d’excuse pour appeler tous les avocats de la partie adverse pour leur vendre un billet. Je ne sais pas si cela leur a plu! », s’esclaffe-t-elle.
Tara Berish estime que les activitĂ©s au sein de la communautĂ© peuvent profiter Ă tout juriste oĂą qu’il en soit dans sa carrière, mais sont encore plus importantes lorsqu’il la commence.
« Je connais des gens Ă qui cela a apportĂ© du travail, ou au moins des contacts pour en obtenir. C’est particulièrement utile pour les jeunes juristes qui ne connaissent pas encore beaucoup de monde. Pour ma part, j’adore rencontrer d’autres personnes de la communautĂ©, mĂŞme si cela n’est pas en vue d’obtenir un travail. »
Kirk Shannon dit que le bénévolat peut aussi ouvrir les yeux.
« Au fond, c’est l’envie de faire du bĂ©nĂ©volat, d’aider et d’offrir un soutien lĂ oĂą vous le pouvez, reconnaissant que nombre de juristes occupent une place privilĂ©giĂ©e dans la sociĂ©tĂ©. Il s’agit de reconnaĂ®tre que vous avez des compĂ©tences hors du commun qui peuvent aider des ONG, des personnes ou des groupes dĂ©favorisĂ©s par rapport Ă vous dans la conjoncture Ă©conomique actuelle. »
« Bref, pour moi c’est la communautĂ© », dĂ©clare Ashley Deathe. « Je ne veux pas me rĂ©veiller un matin avec mon ordinateur pour seule compagnie. Il s’agit de constamment trouver de nouveaux moyens de faire partie de la communautĂ©. »
Becky Rynor est journaliste indépendante à Ottawa.