Allyson Jeffs, une avocate spĂ©cialisĂ©e en litige civil chez Ackroyd s.r.l., Ă Edmonton, Ă©tait autrefois journaliste pour le Calgary Herald et l’Edmonton Journal, couvrant les procès et la lĂ©gislation. « Je n’avais pas une meilleure connaissance de base du droit que la plupart de mes collègues », se souvient-elle. « Comme journaliste, vous rencontrez des gens de tous horizons, et vous pouvez absorber et rĂ©sumer une grande quantitĂ© d’informations dans des dĂ©lais serrĂ©s. » Savoir bien Ă©crire l’a aussi « beaucoup aidĂ©e ».
Clayton Bangsund, avocat chez Layh & Associates Ă Langenburg, en Saskatchewan, ne savait pas que son premier mĂ©tier de professeur de mathĂ©matique au secondaire lui serait utile en droit. « L’enseignement consiste Ă simplifier des choses compliquĂ©es et Ă les transmettre aux Ă©lèves d’une manière accessible, une habiletĂ© comparable Ă celle de savoir expliquer des situations compliquĂ©es Ă des clients ou dans une plaidoirie », dit-il.
Bien que les chiffres soient difficiles Ă obtenir, il est clair que la profession juridique accueille un nombre croissant de personnes qui en sont Ă leur deuxième carrière, que ce soit des journalistes, des gens d’affaires, des enseignants ou des professionnels de la santĂ©. Et pour ces personnes, certaines questions se posent : Est-ce que mon expĂ©rience antĂ©rieure intĂ©ressera les cabinets d’avocats? Comment mes habiletĂ©s m’avantagent-elles? Et qu’est-ce que mes employeurs potentiels trouveraient de plus prĂ©cieux dans mon expĂ©rience antĂ©rieure? En fin de compte, le succès de ceux et celles qui parviennent Ă s’adapter rapidement au domaine juridique dĂ©coule, en partie, de leur capacitĂ© Ă tirer profit de leurs expĂ©rience et compĂ©tences antĂ©rieures.
Carol Fitzwilliam, fondatrice de Fitzwilliam Recrutement Juridique (MontrĂ©al et Toronto), dit que les avocats et avocates de deuxième carrière impressionnent les employeurs par leur maturitĂ© et leur professionnalisme. D’autres marquent des points en montrant que leur première profession leur a donnĂ© une capacitĂ© de jugement et des connaissances directement pertinentes pour le domaine qui les intĂ©resse. « Nous avons reprĂ©sentĂ© un pharmacien compĂ©tent qui, dans les minutes qui ont suivi son admission au barreau, a Ă©tĂ© happĂ© par une compagnie pharmaceutique », rapporte Mme Fitzwilliam.
Mais que faire lorsque le domaine dans lequel on dĂ©sire exercer le droit n’a pas de rapport Ă©vident avec notre expĂ©rience de travail? Selon Christian Petersen, associĂ© chez Bull, Housser & Tupper s.r.l., de Vancouver, et responsable du recrutement des Ă©tudiants, « il est important de mettre l’accent sur les expĂ©riences qui pourraient ĂŞtre utiles en droit, comme le fait d’avoir travaillĂ© dans un milieu oĂą les Ă©chĂ©ances sont serrĂ©es ». La nature des rĂ©alisations du candidat ou de la candidate mĂ©rite aussi l’attention. « Très franchement, si une personne a passĂ© moins de six mois dans cinq emplois diffĂ©rents, elle ne sera pas Ă©valuĂ©e de la mĂŞme manière qu’une personne qui a menĂ© une carrière rĂ©ussie auprès d’un seul employeur estimĂ©. »
Par-dessus tout, le candidat ou la candidate devrait mettre en valeur des qualitĂ©s personnelles apprĂ©ciĂ©es par la profession juridique. « Que vous ayez Ă©tĂ© violoncelliste professionnel ou ingĂ©nieur-gĂ©ologue, nous cherchons les qualitĂ©s requises pour atteindre l’excellence. Nous cherchons quelque chose qui tĂ©moigne d’une discipline de travail solide, et d’un sens du dĂ©vouement et de l’engagement », explique M. Peterson.
« En fin de compte, l’expĂ©rience de travail antĂ©rieure est Ă©valuĂ©e de la mĂŞme manière que toute autre expĂ©rience antĂ©rieure : est-ce que ces caractĂ©ristiques feraient du candidat ou de la candidate un bon Ă©lĂ©ment pour le cabinet? »
Clayton Bangsund a enseignĂ© les mathĂ©matiques dans une Ă©cole secondaire d’Edmonton pendant un an avant d’entrer en droit, attirĂ© par la « rigueur intellectuelle » qu’il reprĂ©sente. Il est aujourd’hui un spĂ©cialiste du droit des dĂ©biteurs et des crĂ©anciers chez Layh & Associates. « Plus jeune, j’Ă©tais très douĂ© pour les mathĂ©matiques, et le domaine juridique dans lequel j’ai fini par me diriger est très sĂ©quentiel, logique, codifiĂ© », explique-t-il. « Les mathĂ©matiques consistent Ă appliquer des principes, et Ă cet Ă©gard les transactions sĂ©curisĂ©es sont très analytiques. J’ai dĂ©couvert que mes habiletĂ©s dĂ©veloppĂ©es en mathĂ©matiques avaient façonnĂ© mes prĂ©fĂ©rences en droit. »
« En entrevue, j’ai mis l’accent sur mon dĂ©sir d’en apprendre plus, et j’ai insistĂ© sur le fait que je n’Ă©tais pas en train de fuir une autre profession », se rappelle M. Bangsund. « Je n’ai pas tournĂ© la page sur l’enseignement. Je n’ai pas dit “c’est du passĂ©”. J’ai plutĂ´t inclus l’enseignement dans mon bagage de compĂ©tences. »
Avoir l’assurance de prĂ©senter sa première profession comme un atout en droit est primordial, selon Allyson Jeffs, de chez Ackroyd s.r.l. Lorsqu’elle a passĂ© le LSAT (Law School Admission Test) il y a quelques annĂ©es, c’Ă©tait le premier examen qu’elle passait en quinze ans. « Quelques-uns de mes collègues journalistes pensaient que je prenais un gros risque en quittant le journalisme pour le droit, mais c’Ă©tait un risque calculĂ© — et un risque qui en valait largement la peine », dit-elle.
« Pour moi, le dĂ©fi Ă©tait de ne pas avoir peur de mon âge, de mettre en valeur mon expĂ©rience et ma confiance en moi. Le droit est une profession dans laquelle on vieillit bien. L’âge et l’expĂ©rience donnent confiance aux clients. »
Clayton Bangsund croit qu’un nombre croissant de jeunes gens qui entrent en droit aujourd’hui y apporte une expĂ©rience prĂ©cieuse tirĂ©e d’autres domaines et que les cabinets d’avocats en rĂ©coltent les bĂ©nĂ©fices. « Plusieurs Ă©tudiants sortent des facultĂ©s de droit avec un autre mĂ©tier derrière eux, et les cabinets apprĂ©cient la maturitĂ© qui en rĂ©sulte. »
Carol Fitzwilliam confirme. « Dans l’environnement d’entreprise d’aujourd’hui, nous allons voir de moins en moins de gens avec un parcours professionnel linĂ©aire. Par consĂ©quent, les personnes qui ont un parcours personnel unique ne seront pas mal vues, mais plutĂ´t mises en valeur, si elles savent mettre de l’avant les habiletĂ©s et les connaissances qu’elles ont acquises et qui sont transfĂ©rables d’une profession Ă une autre », dit-elle.
Mais cette capacitĂ© Ă mettre Ă profit les habiletĂ©s et les connaissances acquises antĂ©rieurement, aucune facultĂ© de droit ne peut vraiment l’enseigner. « C’est au candidat ou Ă la candidate de prendre le temps de rĂ©flĂ©chir Ă ce qui, dans son expĂ©rience, pourrait servir en droit. »
Michelle Mann est rédactrice indépendante.