Après une longue journĂ©e de travail, vous dĂ©cidez de passer Ă l’Ă©picerie. Vous sortez votre carte pour payer. Pas votre carte de crĂ©dit, mais plutĂ´t votre carte prĂ©payĂ©e de bitcoins. Il s’agit de l’une des idĂ©es de Matthew Burgoyne, associĂ© chez McLeod Law, dont la pratique dans les domaines des technologies financières et des cryptomonnaies prend de l’ampleur en Alberta.
« Un de mes premiers clients qui a Ă©voquĂ© les bitcoins voulait crĂ©er une carte-cadeau de bitcoins pouvant ĂŞtre vendue dans les dĂ©panneurs », raconte M. Burgoyne. « C’Ă©tait une excellente idĂ©e, mais le moment n’Ă©tait pas indiquĂ©. »
Les cryptomonnaies comme le bitcoin sont maintenant sous les feux de la rampe. MalgrĂ© le dĂ©bat dans lequel sont engagĂ©s des analystes sur le moment oĂą Ă©clatera la prochaine bulle de cette cryptomonnaie, de plus en plus d’institutions financières, y compris la Banque du Canada, cherchent Ă rĂ©glementer les cryptomonnaies ou Ă les intĂ©grer Ă leur système financier actuel.
Le phĂ©nomène des cryptomonnaies a commencĂ© en 2009 lorsqu’une personne anonyme se prĂ©sentant sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto a crĂ©Ă© le bitcoin, que l’on peut se procurer sur des sites numĂ©riques de change de devises et utiliser Ă l’aide d’un portefeuille numĂ©rique. Le bitcoin a Ă©tĂ© la première grande innovation Ă utiliser les chaĂ®nes de blocs. Chaque « bloc » d’une chaĂ®ne de blocs contient un Ă©lĂ©ment d’information se trouvant dans un registre partagĂ© et rĂ©parti. La dĂ©centralisation de ces blocs permet d’accĂ©der facilement Ă l’information. Une nouvelle transaction s’ajoute Ă la chaĂ®ne de blocs lorsque chaque bloc est vĂ©rifiĂ© par le biais d’un consensus. Les nouveaux blocs qui s’ajoutent ne peuvent ĂŞtre modifiĂ©s.
Le bitcoin et d’autres cryptomonnaies, comme Litecoin et Ethereum, reprĂ©sentent des solutions de rechange attrayantes pour les gens qui vivent dans des pays oĂą le système bancaire central est peu fiable et pour ceux qui souhaitent s’Ă©loigner du système bancaire traditionnel. L’achat de bitcoins ne constitue pas la seule mĂ©thode pour investir dans des devises numĂ©riques. Le forage de donnĂ©es se prĂ©sente comme un marchĂ© lucratif qui connaĂ®t une croissance rapide.
« Le forage est une mĂ©thode permettant d’obtenir des bitcoins mis sur le marchĂ© », affirme M. Burgoyne. « Au lieu d’une banque centrale qui Ă©met des devises, des gens possĂ©dant une grande puissance informatique rĂ©solvent des problèmes mathĂ©matiques complexes et sont rĂ©compensĂ©s en recevant des bitcoins. La personne qui rĂ©sout le problème touche une partie des frais de transaction ou est payĂ©e en bitcoins. En faisant du forage, des transactions font l’objet d’une vĂ©rification et des Ă©lĂ©ments s’ajoutent Ă la chaĂ®ne de blocs. »
Les rĂ©compenses augmentent en fonction de la fluctuation de la valeur des bitcoins. Une sociĂ©tĂ© qui fait du forage de bitcoins pourrait gagner 12,5 bitcoins, ou quelque 137 000 dollars, pour rĂ©soudre un problème mathĂ©matique complexe. Le QuĂ©bec et l’Alberta sont des endroits attrayants pour les sociĂ©tĂ©s de forage de donnĂ©es en raison du prix abordable de l’Ă©nergie. Bitmain Technologies, une grande sociĂ©tĂ© chinoise de forage de donnĂ©es, cherche Ă ouvrir un centre rĂ©gional au QuĂ©bec, alors que de nouvelles entreprises ont vu le jour en Alberta (Hut 8 Mining Corp.) et en Ontario (CryptoGlobal).
« Il y a quelques annĂ©es, les ordinateurs de bureau pouvaient exploiter des logiciels de forage de bitcoins », prĂ©cise M. Burgoyne. « Le niveau de difficultĂ© augmente, car de plus en plus de gens font du forage pour cette devise. ConsĂ©quemment, la puissance de calcul doit aussi s’accroĂ®tre, ce qui fait en sorte que le forage requiert une grande quantitĂ© d’Ă©nergie. »
Y aura-t-il un jour un Canuckcoin? En dĂ©cembre 2017, la Banque du Canada a Ă©voquĂ© la possibilitĂ© que le Canada fasse son entrĂ©e sur le marchĂ© en publiant un livre blanc s’intitulant Central Bank Digital Currency: Motivations and Implications.
« Il est plausible qu’Ă un moment ou un autre, la Banque du Canada ait sa propre devise numĂ©rique, mais pas dans un avenir rapprochĂ©, car il y a encore trop de risques et d’incertitudes », dĂ©clare M. Burgoyne. « La chaĂ®ne de blocs n’a pas atteint le point oĂą elle peut remplacer un système bancaire centralisĂ©. Le Canada s’intĂ©ressera Ă ce que font d’autres pays et analysera s’il est vraisemblable de crĂ©er une devise numĂ©rique Ă plus grande Ă©chelle. Je crois que le gouvernement fera preuve de prudence. »
Une autre tendance Ă observer est l’intĂ©gration des cryptomonnaies aux rĂ©glementations existantes. L’an passĂ©, la British Columbia Securities Commission a inscrit le premier gestionnaire de fonds de placement consacrĂ© uniquement aux cryptomonnaies. Au mois de dĂ©cembre, le Chicago Board Options Futures Exchange est devenu le premier marchĂ© boursier traditionnel d’AmĂ©rique du Nord Ă transiger des devises numĂ©riques.
« Ce mouvement vers les marchĂ©s boursiers met le bitcoin Ă l’avant-scène pour les gens qui ne comprennent pas les cryptomonnaies et qui ne veulent pas en acheter pour les utiliser comme une devise », affirme M. Burgoyne. « La bourse est assujettie Ă une rĂ©glementation, raison pour laquelle elle ouvre le marchĂ© Ă d’autres acteurs. Il s’agit d’un produit diffĂ©rent qui crĂ©e un marchĂ© de contrats Ă terme diffĂ©rent. »
Les États-Unis procèdent Ă un examen approfondi de la devise numĂ©rique. Au mois de fĂ©vrier, l’U.S. Senate Committee on Banking, Housing and Urban Affairs a entendu des audiences sur des devises numĂ©riques et a discutĂ© du rĂ´le que joue la Commission des valeurs mobilières des États-Unis dans la rĂ©glementation initiale des offres de monnaies. Entretemps, les cinq principales sociĂ©tĂ©s de cartes de crĂ©dit des États-Unis ont empĂŞchĂ© les consommateurs d’utiliser leurs cartes de crĂ©dit pour acheter des cryptomonnaies, invoquant la protection contre la fraude. Les dĂ©fenseurs de la devise numĂ©rique soutiennent que les banques tentent de faire obstacle aux investissements en cryptomonnaies.
« Au Canada, les sociĂ©tĂ©s qui travaillent avec les devises numĂ©riques Ă©prouvent de la difficultĂ© Ă ouvrir des comptes bancaires, car elles prĂ©sentent un profil Ă plus haut risque et les banques ne veulent gĂ©nĂ©ralement pas s’exposer Ă des risques Ă©levĂ©s », affirme Jacqueline Shinfield, associĂ©e chez Blake, Cassels & Graydon s.r.l., qui se spĂ©cialise dans la conformitĂ© rĂ©glementaire dans le secteur des paiements et des services financiers au dĂ©tail. « Cette rĂ©glementation du Chicago Board Options Futures Exchange pourrait aider les gens qui font des affaires avec des devises numĂ©riques Ă Ă©tablir des relations bancaires, car la rĂ©glementation rendra leurs activitĂ©s plus lĂ©gitimes. »
Il est difficile de dĂ©terminer ce qu’il adviendra du bitcoin, mais il est probable que l’utilisation de cryptomonnaies augmente. Mais Ă quoi ressemblera l’avenir lorsque plus de devises numĂ©riques seront sur le marchĂ©?
« La jeune gĂ©nĂ©ration n’utilise pas de devises numĂ©riques dans leurs transactions de tous les jours, mais elle n’utilise pas non plus de l’argent comptant », fait remarquer Mme Shinfield. « Ils ont une carte Starbucks sur leur tĂ©lĂ©phone et d’autres applications semblables pour payer ce qu’ils achètent. Pour cette raison, l’utilisation de devises numĂ©riques deviendra une rĂ©alitĂ©. Nous effectuons plus de transactions numĂ©riques et il y aura de plus en plus d’options de paiement. »
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Julie Sobowale est une avocate et une rédactrice à la pige établie à Ottawa.