Le système de gestion des relations avec la clientèle (SGRC) constitue la plus rĂ©cente expression d’une vieille vĂ©ritĂ© du marketing : pour rĂ©ussir la prospection de clientèle, il faut Ă©tablir de bons rapports avec les clientes et clients potentiels.
Dans un cabinet juridique, oĂą le dĂ©veloppement organisationnel devrait englober la totalitĂ© des contacts personnels de chaque avocat ou avocate, les technologies Internet semblent devoir apporter plus de cohĂ©rence et d’efficacitĂ© Ă un processus jadis dĂ©sordonnĂ©.
En partageant les bases de donnĂ©es du SGRC, tous les membres du cabinet peuvent accĂ©der par ordinateur Ă des donnĂ©es personnelles et historiques qui Ă©taient demeurĂ©es jusque lĂ enfouies dans les Rolodex et carnets d’adresses individuels ou pire, dans la mĂ©moire des avocats et avocates du cabinet.
Le problème, c’est que la « culture » d’un grand nombre de cabinets ne favorise pas l’utilisation du potentiel offert par la gestion des relations avec la clientèle. Souvent des associĂ©s « territoriaux » protègent leur information sur la clientèle, au lieu de la partager, parce que la rĂ©munĂ©ration et la gouvernance demeurent largement individuelles.
Aux dires de certains consultants et consultantes en marketing, certains cabinets ne sont guère plus que des « hĂ´tels pour avocats » - des individus qui partagent le mĂŞme bureau sans trop se soucier du succès de leurs collègues. Pour obtenir une gestion efficace de la relation client, ces cabinets doivent rejeter la notion « mon client » et la remplacer par le concept « notre client ». Ce qui est plus facile Ă dire qu’Ă faire.
Fonction du SGRC
En termes simples, une base de donnĂ©es SGRC centralise le savoir, la sagesse et l’expĂ©rience collectifs d’un cabinet en matière de clientèle (actuelle et Ă©ventuelle), et rend cette connaissance disponible Ă tous les utilisateurs et utilisatrices autorisĂ©s – avocats, professionnels, professionnelles du marketing, administrateurs, administratrices et secrĂ©taires.
Toute relation client d’un avocat devient une occasion d’ajouter de l’information Ă la base de donnĂ©es pour exercer un meilleur suivi des activitĂ©s de marketing, Ă©tablir un système de renvois entre donnĂ©es de pratique, Ă©largir les rĂ©seaux de contacts et renforcer les rapports avec les contacts.
Les bases de donnĂ©es SGRC Elite System, de Thomson Financial, et LexisNexis Interaction comptent parmi les plus populaires. Ces logiciels d’entreprise peuvent ĂŞtre installĂ©s dans tous les ordinateurs d’un cabinet. Les donnĂ©es sur les clients et contacts sont entrĂ©es dans des gabarits qui peuvent ĂŞtre personnalisĂ©s en fonction des besoins du cabinet.
Toutes les entrĂ©es contiennent des renseignements de base tels que l’adresse (postale et courriel), le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone, les contacts individuels et les codes d’industrie. Les entrĂ©es client comprennent le(les) nom(s) de l’avocat responsable du client, les honoraires professionnels et les services rendus.
Il est essentiel d’inclure dans la base de donnĂ©es l’historique complet de chaque activitĂ© de prospection de clientèle entreprise par le cabinet ou ses avocats – dĂ©jeuners, sorties de golf, sĂ©minaires, lettres publicitaires, visites personnelles, propositions d’affaires, etc. Les renseignements peuvent ĂŞtre entrĂ©s et visionnĂ©s par toute personne autorisĂ©e. Le service et la prospection de clientèle sont ainsi libĂ©rĂ©s du cloisonnement et l’accent est mis sur le client actuel ou potentiel.
Mise en œuvre du système de gestion des relations avec la clientèle
Des questions techniques importantes se posent au moment d’implanter un SGRC :
- Quelles données doit-il contenir ?
- Quelles donnĂ©es peut-on modifier ? (par exemple, la modification de certains champs tels l’adresse devrait-elle ĂŞtre interdite aux utilisateurs et utilisatrices occasionnels pour protĂ©ger l’intĂ©gritĂ© du système ?)
- Qui sera responsable de tenir l’information Ă jour ?
- Qui peut accéder, modifier ou entrer des données ?
Il faut répondre à ces questions techniques avant même de mettre en place un système de gestion de la relation client. Vous ne pouvez créer ces champs de données au hasard, voir comment cela fonctionne en pratique et réorganiser les données par la suite.
Les meilleures pratiques exigent que tout cabinet, petit ou grand, crĂ©e un système de classification normalisĂ© pour chaque renseignement ajoutĂ© Ă un dossier de client actuel ou potentiel. La mention « sortie de golf » n’informe personne de ce qui s’y est passĂ© ou de son rapport avec la prospection de clientèle.
Acceptation du SGRC
L’efficacitĂ© de la gestion des relations avec la clientèle est plus une affaire culturelle que technique, cependant. Dans plusieurs cabinets, les avocats et avocates vivent dans un rĂ©gime de chacun pour soi. Ils ne veulent pas partager des renseignements sur leurs clients actuels ou Ă©ventuels avec d’autres avocats qui pourraient les « marauder ».
Dans de nombreux cabinets, les avocats dĂ©fendent vigoureusement leur droit Ă l’autonomie et Ă l’individualisme – bien plus que dans d’autres professions. Le problème, c’est que les clients et prospects veulent s’associer Ă une entreprise qui leur offrent des services intĂ©grĂ©s et transdisciplinaires.
Un SGRC efficace facilitera de tels services, mais un environnement de mĂ©fiance le sapera. Le consultant David Maister, dans un article rĂ©cent publiĂ© dans la revue American Lawyer, rĂ©sumait bien le problème en citant un associĂ© anonyme : « Ce n’est pas que je manque de confiance Ă l’endroit de mes associĂ©s… Je ne veux pas ĂŞtre obligĂ© de leur faire confiance. Pourquoi devrai-je cĂ©der une partie du contrĂ´le sur mes propres affaires si je ne suis pas obligĂ© de le faire ? »
Tout cabinet qui encourage ses avocats Ă maximiser leur rĂ©munĂ©ration individuelle peut en retirer une croissance rapide Ă court terme. Mais la volontĂ© de prendre une approche institutionnelle Ă la prospection de la clientèle et Ă la rĂ©munĂ©ration porte une meilleure garantie de longĂ©vitĂ©. L’esprit entrepreneurial est sans doute nĂ©cessaire au dĂ©marrage d’un cabinet mais Ă plus long terme il faut adopter un esprit de gestion, et cette transformation s’avère difficile pour un trop grand nombre de cabinets. Un SGRC efficace peut faciliter la transition.
Avantages du SGRC
Voici un exemple des avantages d’un système de gestion des relations avec la clientèle dans un cabinet juridique :
Quand les meilleurs prospecteurs de clients atteignent la soixantaine, ils ralentissent et leurs sources de rĂ©fĂ©rences arrivent Ă l’âge de la retraite. Entre-temps, la gĂ©nĂ©ration suivante d’associĂ©s s’est habituĂ©e Ă hĂ©riter de leurs mandats et manque de contacts en marketing.
Avant qu’un associĂ© senior ne prenne sa retraite, un cabinet juridique peut se donner un avantage concurrentiel en utilisant le SGRC pour encourager le transfert de clients vers de plus jeunes avocats.
Les dossiers de contacts du SGRC peuvent ĂŞtre utilisĂ©s pour dĂ©velopper des occasions de ventes croisĂ©es entre avocats plus jeunes, en conformitĂ© avec un plan stratĂ©gique institutionnel qui cible les plans d’avocats individuels.
Les renseignements sur les relations client qui auraient pu ĂŞtre enfouis dans les dossiers de l’associĂ© senior en prĂ©retraite deviennent la fondation d’une transition sans heurts. Le cabinet, les avocats et le client ou prospect, tous en bĂ©nĂ©ficient.
Un SGRC permet d’organiser les renseignements de clientèle en rĂ©seaux ou en portefeuilles pouvant contenir autant les clients actifs que les renvois de sources professionnelles (banquiers, comptables, consultants, consultantes) qui, sans nĂ©cessairement devenir clients elles-mĂŞmes, peuvent diriger vers le cabinet certains de leurs propres clients avec qui des rapports peuvent ĂŞtre Ă©tablis.
Le SGRC permet au cabinet de transformer la prospection de clientèle en un processus systĂ©matique qui identifie les gens les plus susceptibles de retenir les services du cabinet et facilite la communication avec ces derniers pour Ă©tablir d’Ă©troites relations professionnelles. Pour devenir un as de la vente ou attirer des clients au cabinet, il ne faut pas avoir un type particulier de personnalitĂ©. Le SGRC, bien utilisĂ© dans un environnement propice, permet Ă tout avocat de devenir un as de la vente.
Edward Poll (edpoll@lawbiz.com) est CMC et mentor de procureurs et de cabinets juridiques Ă Los Angeles pour les aider Ă devenir plus rentables. Il est l’auteur de Attorney and Law Firm Guide to the Business of Law : Planning and Operating for Survival and Growth, 2nd ed. (ABA, 2002), Collecting Your Fee: Getting Paid from Intake to Invoice (ABA, 2003) et, plus rĂ©cemment, de Selling Your Law Practice: The Profitable Exit Strategy (LawBiz, 2005).