En fin de compte, ce sont les politiciens qui dĂ©cident qui va ĂŞtre juge au Canada. Les dĂ©cisions de nature politique, mĂŞme lorsqu’elles ne deviennent pas des cumuls flagrants et dĂ©libĂ©rĂ©s pour asseoir une idĂ©ologie, risquent de ne pas ĂŞtre dĂ©nuĂ©es d’un certain parti pris.
Alors que la dĂ©cision finale concernant la nomination des juges relève clairement des attributions du gouvernement, les considĂ©rations partisanes ne devraient pas entrer en ligne de compte pour le choix des meilleures candidatures. D’aucuns soutiendront que l’approbation des candidats et candidates Ă la magistrature, qui a lieu après le dĂ©pĂ´t des recommandations des comitĂ©s consultatifs Ă la magistrature, a Ă©tĂ© l’un des facteurs expliquant le nombre de postes de juges Ă pourvoir, ce qui contribue directement Ă l’accumulation des retards et Ă la crise de l’accès Ă la justice au Canada.
L’ABC appuie de longue date un processus ouvert et transparent pour les nominations Ă la magistrature qui soit fondĂ© exclusivement sur le mĂ©rite et en fin de compte reprĂ©sentatif de la sociĂ©tĂ© canadienne; processus qui se traduirait par une magistrature issue de choix Ă©quitables et indĂ©pendants.
En poursuivant le recours Ă un processus ouvert aux spĂ©culations au sujet de l’ingĂ©rence politique, le gouvernement risque de porter atteinte Ă la confiance du publie en l’indĂ©pendance et l’Ă©quitĂ© du système judiciaire mĂŞmes, particulièrement au sein des communautĂ©s marginalisĂ©es dĂ©jĂ convaincues que le système n’est pas adaptĂ© Ă leurs besoins.
Cependant, l’accroissement de la transparence ne signifie pas que le public pourrait examiner minutieusement l’intĂ©gralitĂ© du processus. Une partie du processus d’approbation se dĂ©roule, Ă bon escient, Ă huis clos. Cela permet de respecter la vie privĂ©e des candidats et candidates et d’Ă©viter toute ingĂ©rence. Porter atteinte Ă la confidentialitĂ© en publiant des noms et en commentant sur le caractère adĂ©quat des personnes qui pourraient ĂŞtre nommĂ©es ou non dĂ©valorise le processus de sĂ©lection et, en fin de compte, toutes les personnes qui occupent les fonctions de juge.
Dans son rapport publiĂ© en 1985, le ComitĂ© McKelvey de l’ABC sur la nomination des juges avait conclu que [traduction] « [L]e public a droit Ă un système de sĂ©lection qui ouvrira les portes Ă un plus grand nombre de candidats, permettra un examen attentif et mesurĂ© des qualifications et sera libre de toute influence partisane. »
Les rĂ©solutions et rapports successifs de l’ABC ont rĂ©itĂ©rĂ© l’appel pour un processus ouvert, transparent et apolitique qui garantira la nomination de candidats et candidates qualifiĂ©s. Depuis le rapport de 1985, des progrès ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s.
Selon le plus rĂ©cent en date, en 2016 le gouvernement fĂ©dĂ©ral a annoncĂ© l’apport de modifications au processus de nomination, y compris un processus de dĂ©pĂ´t de candidature ouvert, des critères de sĂ©lection publiĂ©s et des comitĂ©s consultatifs plus diversifiĂ©s et moins axĂ©s sur les idĂ©ologies, avec des intervenants, y compris les personnes mises en candidature par le ministre de la Justice, les tribunaux, la communautĂ© juridique et le public.
L’ABC s’est rĂ©jouie des changements. Cependant, quel que soit le degrĂ© d’indĂ©pendance connexe aux finalistes, l’approbation de ces candidats quant au soutien d’un parti teinte la dĂ©cision aux couleurs de la politique.
L’ABC ne pense pas que des activitĂ©s politiques antĂ©rieures devraient empĂŞcher une personne de se porter candidate Ă la magistrature. D’ailleurs, c’est une indication de son engagement au sein de la communautĂ© qui pourrait indiquer qu’elle fera un bon juge. C’est lorsque les activitĂ©s partisanes deviennent le facteur dĂ©terminant de la nomination qu’il y a un problème.
Il est temps de rendre le système plus imperméable aux manipulations partisanes.
Brad Regehr
PrĂ©sident de l’ABC