Ottawa – Les enfants doivent ĂŞtre protĂ©gĂ©s contre les dĂ©linquants sexuels. Mais le projet de loi du gouvernement fĂ©dĂ©ral sur les prĂ©dateurs d’enfants rĂ©pond mal Ă cet objectif, selon l’Association du Barreau canadien (ABC). En fait, il pourrait mĂŞme empirer certains aspects de la situation.
L’ABC recommande de recentrer le projet de loi, notamment en ce qui concerne l’enregistrement des renseignements sur les dĂ©linquants sexuels et l’imposition de peines consĂ©cutives.
Le projet de loi C-26 exigerait l’enregistrement de renseignements supplĂ©mentaires et crĂ©erait une base de donnĂ©es publique des dĂ©linquants sexuels Ă risque Ă©levĂ©. Il forcerait Ă©galement les juges Ă imposer des peines consĂ©cutives aux personnes reconnues coupables de plus d’une infraction sexuelle contre un enfant, dans certaines circonstances.
Il s’agit d’une mauvaise approche, soutient l’ABC. « L’expĂ©rience canadienne montre que les registres de dĂ©linquants sexuels, tel qu’ils sont actuellement administrĂ©s, ne sont pas efficaces », a dĂ©clarĂ© Paul Calarco, de la Section nationale du droit pĂ©nal de l’ABC. « Étendre leur portĂ©e ou exiger l’enregistrement d’un plus grand nombre de renseignements ne renforcera pas la protection des enfants. »
L’ABC propose plutĂ´t de recentrer les registres sur les dĂ©linquants sexuels qui prĂ©sentent un danger rĂ©el. On Ă©viterait ainsi de dĂ©penser de prĂ©cieuses ressources sur des gens très peu susceptibles de rĂ©cidiver.
L’ABC exprime Ă©galement de vives prĂ©occupations Ă l’Ă©gard du projet de rendre publics les renseignements enregistrĂ©s. Selon Paul Calarco, des registres publics auraient probablement pour effet de pousser les dĂ©linquants vers la clandestinitĂ© et de les Ă©loigner des traitements — augmentant de ce fait les risques pour le public.
En outre, l’expĂ©rience montre que les registres publics incitent les citoyens Ă jouer les justiciers, les encourageant Ă adopter un comportement criminel et Ă mettre en danger des personnes innocentes.
Quant aux peines, l’ABC fait valoir que forcer les juges Ă imposer des peines consĂ©cutives n’en augmenterait pas la force de dissuasion, ne prĂ©viendrait aucun crime et ne permettrait pas de cibler les dĂ©linquants les plus dangereux. Cela risque en outre d’avoir un impact disproportionnĂ© sur les groupes dĂ©jĂ surreprĂ©sentĂ©s dans les centres de dĂ©tention, notamment les Autochtones.
L’ABC s’est toujours opposĂ©e aux peines obligatoires, car elles minent d’importants aspects du système juridique canadien, notamment la capacitĂ© pour un tribunal d’exercer son pouvoir discrĂ©tionnaire et d’adapter la peine au dĂ©linquant et Ă l’infraction en cause.
En empilant ainsi les peines minimales obligatoires, le gouvernement risque de faire face Ă la contestation constitutionnelle de sa loi, prĂ©vient l’ABC.
« Quand l’objectif est la protection des enfants contre les prĂ©dateurs sexuels, il incombe plus que jamais au gouvernement de prendre les mesures les plus susceptibles d’ĂŞtre Ă la fois efficaces et conformes Ă la Constitution, en se fondant sur l’expĂ©rience et des donnĂ©es probantes », affirme Paul Calarco.
« Selon nous, le projet de loi C-26, tel qu’il est actuellement libellĂ©, est peu susceptible d’amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© du public et risque mĂŞme d’encourager des citoyens Ă jouer les justiciers. Nous suggĂ©rons par consĂ©quent qu’il soit attentivement rĂ©examinĂ© et que les amendements appropriĂ©s y soient apportĂ©s. »
Paul Calarco a comparu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes le 16 février 2015.
Le mĂ©moire de l’ABC est disponible en ligne.
L’ABC se voue Ă la primautĂ© du droit et Ă l’amĂ©lioration du droit et de l’administration de la justice. Elle compte 36 000 avocats, avocates, notaires du QuĂ©bec, professeurs, professeures de droit et Ă©tudiants, Ă©tudiantes en droit de toutes les rĂ©gions du Canada.