Affaires mondiales Canada (« AMC ») a fourni ses premières directives sur l’application des sanctions économiques prévues dans la Loi sur les mesures économiques spéciales et dans ses règlements, ainsi que dans la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (Loi Sergei Magnitsky).
Les entreprises canadiennes et internationales demandent depuis longtemps des conseils pratiques sur plusieurs éléments clés du régime de sanctions du Canada. Contrairement aux autorités chargées des sanctions dans d’autres territoires alliés, le manque d’orientation d’AMC ajoute des difficultés et de l’incertitude pour les entreprises canadiennes qui déploient des efforts pour se conformer aux lois.
En vertu des directives qui viennent d’être publiées, qui sont très attendues et, à certains égards utiles, AMC adopte une approche affirmée envers l’interprétation et l’application des lois canadiennes sur les sanctions. Les directives sont susceptibles d’entraîner des répercussions importantes tant pour les entreprises canadiennes que pour les entreprises non canadiennes en matière des sanctions associées aux lois canadiennes, particulièrement en ce qui concerne les infractions de facilitation.
Les sociétés canadiennes et internationales devraient demander l’avis d’un juriste en commerce international afin de tenir compte des conséquences des directives sur les conseils qu’elles ont déjà reçus relativement aux sanctions canadiennes.
(a) Présentation des directives
Nous présentons ci-dessous la position d’AMC sur des enjeux clés et nous discutons de différents scénarios.
(i) Transactions avec une entité qui traite avec une personne désignée (infraction de facilitation)
En vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (le « Règlement »), il est interdit à toute personne au Canada et à tout Canadien à l’étranger (une « partie canadienne ») de faciliter directement ou indirectement des transactions liées à des transactions portant sur un bien avec des personnes sanctionnées.
Il était généralement interprété que cette interdiction s’appliquait à deux parties canadiennes : la partie canadienne faisant affaire avec les biens d’une personne sanctionnée et la partie canadienne facilitant une telle transaction (parfois appelée l’exigence de « deux parties canadiennes »).
Toutefois, les directives affirment que cette interdiction de facilitation s’applique également aux transactions de personnes non canadiennes. Elles précisent que le Règlement interdit de faciliter directement ou indirectement des opérations avec une personne désignée.
Les directives fournissent également l’exemple suivant pour « faciliter » une opération interdite :
Scénario 1 : Une entreprise canadienne (A) est l’utilisateur final d’un type de produit qu’elle achète à un fournisseur étranger non désigné (B). L’entreprise B fabrique ce produit en utilisant des matériaux qu’elle obtient directement d’une entreprise récemment désignée en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (C).
Bien qu’il puisse être légal pour l’entreprise B de traiter avec l’entreprise C en dehors du Canada, les transactions résultant d’une transaction entre l’entreprise A et l’entreprise B sont maintenant considérées comme interdites en vertu des lois canadiennes sur les sanctions. Il s’agit d’un fait notable, car l’entreprise B est un fournisseur étranger, et le scénario met en évidence les profondes répercussions de la nouvelle interprétation des lois canadiennes sur les sanctions qu’impose AMC.
(ii) Quand une interdiction s’applique-t-elle?
Les directives précisent le calendrier des interdictions de sanctions et l’absence d’effet rétroactif. AMC fournit des exemples significatifs qui confirment que les contrats et les transactions conclus avant qu’une personne ne soit sanctionnée ne contreviennent pas à l’interdiction des transactions.
Plus instructif encore, les directives stipulent que la réception de marchandises d’une entité sanctionnée après sa désignation ne violera pas l’interdiction de transactions tant qu’aucune transaction ultérieure n’aura lieu avec l’entité inscrite sur la liste. En effet, AMC considère qu’il n’est pas interdit de recevoir des marchandises d’une partie sanctionnée s’il n’y a aucun autre paiement ou transfert d’avantages à la partie sanctionnée.
(iii) Traiter avec les filiales d’une société désignée
Tant la Loi sur les mesures économiques spéciales que la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers assujettissent à l’interdiction d’opérations les biens qui sont détenus ou contrôlés par une société sanctionnée. Historiquement, il n’était pas clair si le bien de la filiale d’une société désignée était le « bien » de la société sanctionnée, et donc aussi assujetti à l’interdiction d’opérations.
Pour régler ce problème, le gouvernement du Canada a introduit une disposition relative à la propriété présumée pour toute entité que la société désignée « contrôle ». Si l’une des conditions suivantes s’applique, une société sanctionnée est réputée « contrôler » la filiale et celle-ci est alors réputée être un bien « détenu » par la société désignée :
- la personne sanctionnée détient, directement ou indirectement, 50 % ou plus des actions ou des titres de participation de l’entité ou au moins 50 % des droits de vote;
- la personne sanctionnée est en mesure, directement ou indirectement, de modifier la composition ou les pouvoirs du conseil d’administration de l’entité;
- il est raisonnable de conclure que la personne sanctionnée est en mesure, directement ou indirectement et par tout moyen, de diriger les activités de l’entité.
Cette disposition a alimenté les doutes et ajouté beaucoup de complexité à tout ce qui touche les efforts de conformité.
Les nouvelles directives ajoutent de l’incertitude. La FAQ indique que lorsqu’une société désignée « exerce une influence considérable sur la prise de décisions stratégiques [de la filiale] », la règle de la propriété présumée s’applique. Il n’est pas clair si l’« exercice d’une influence considérable » tente d’élargir le sens ordinaire du critère de la « direction des activités de la filiale » prévu dans la loi ni dans quelle mesure.
(b) Conclusion
Nous ignorons si AMC publiera d’autres directives pour clarifier la première série de questions soulevées dans la FAQ. Dans un monde de chaînes d’approvisionnement mondiales complexes, ces nouveaux libellés exerceront une grande incidence sur les entreprises ou les particuliers canadiens, où qu’ils se trouvent, ainsi que sur les entreprises étrangères qui exercent leurs activités au Canada.
Neil Campbell, Jonathan O’Hara, William Pellerin et Jamie M. Wilks sont associés, alors que Tayler Farrell est sociétaire chez McMillan.