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Partout dans le monde, les assemblées législatives ont adopté des lois prohibant la corruption des agents publics étrangers afin d’obtenir ou de conserver des occasions d’affaires. La Foreign Corrupt Practices Act des États-Unis (la « FCPA ») attire beaucoup d’attention de la part du public en raison de diverses poursuites importantes. Cependant, la LCAPE — Loi sur la corruption d’agent publics étrangers — l’équivalent canadien de la FCPA, n’a pas encore été une préoccupation marquée pour la plupart des entreprises qui relèvent de son ressort. Mais les choses changent.
À la suite d’importantes pressions internationales, la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») a mis sur pied une unité spéciale qui se consacre aux enquêtes relatives à la corruption internationale et à l’application de la LCAPE. Le présent bulletin présente la LCAPE, la compare avec les dispositions anticorruption de la FCPA et résume l’évolution récente de cette question au Canada.
Origine législative
La LCAPE a été adoptée en 1999, plus de 20 ans après l'adoption en 1977 de la FCPA aux États-Unis. La LCAPE a été rédigée dans le cadre du processus de ratification de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales de l’OCDE. Cette convention était motivée par l’opinion que la corruption entrave les progrès politiques et économiques de diverses façons : elle décroît la qualité des biens, décourage les pratiques de concurrence loyale et fait obstacle au développement économique. Bien que la LCAPE soit en vigueur depuis une dizaine d’années, ce n’est que récemment qu’elle a fait l’objet d’une application minimale par les autorités canadiennes. Mais encore là, les choses changent.
Territoire
La FCPA et la LCAPE donnent toutes deux aux autorités le pouvoir de mettre en accusation des personnes tant physiques que morales; toutefois, la portée territoriale de la LCAPE est moins étendue que celle de la FCPA, car cette dernière s’applique aux émetteurs aux États-U nis, aux entreprises nationales (domestic concerns) et à toute personne qui entreprend des arrangements en vue de corrompre un agent public étranger alors qu’elle est sur le territoire des États-Unis. Le critère canadien pour déterminer le territoire, établi par la jurisprudence, est différent. Le Canada n'instruira que les causes qui ont un lien « réel et substantiel » avec le Canada. Cela signifie qu’une partie des activités illégales devra avoir été commise au Canada ou avoir des conséquences réelles sur les Canadiens. Bien que cette question n’ait pas encore été portée devant les tribunaux, la participation d’une société canadienne ou de la filiale en propriété exclusive d’une société canadienne pourrait suffire à déclencher l’application de la LCAPE. Les sociétés canadiennes peuvent également être tenues responsables des agissements de mandataires ou d’entrepreneurs si l’un de ceux-ci joue un rôle important dans la gestion des activités de la société, ou encore si un dirigeant de la société est au fait de la conduite du mandataire ou de l’entrepreneur et ne prend pas toutes les mesures raisonnables pour les faire cesser.
Il est important de noter que la portée de la LCAPE pourrait éventuellement être élargie. Le ministre de la Justice du Canada a récemment présenté un projet de loi qui propose de modifier la LCAPE en précisant qu’elle s’applique aux particuliers canadiens qui agissent à l’extérieur du Canada (comparable aux entreprises nationales aux termes de la FCPA). Le projet de loi a été lu une première fois à la dernière session de la Chambre des communes. Les infractions La LCAPE et la FCPA sont analogues mais non identiques; elles contiennent toutes deux des dispositions anticorruption, mais seule la FCPA comporte des dispositions concernant la comptabilité et la tenue de livres.
La LCAPE prévoit ce qui suit :
3. (1) Commet une infraction quiconque, directement ou indirectement, dans le but d'obtenir ou de conserver un avantage dans le cours de ses affaires, donne, offre ou convient de donner ou d'offrir à un agent public étranger ou à toute personne au profit d'un agent public étranger un prêt, une récompense ou un avantage de quelque nature que ce soit :
a) en contrepartie d'un acte ou d'une omission dans le cadre de l'exécution des fonctions officielles de cet agent;
b) pour convaincre ce dernier d'utiliser sa position pour influencer les actes ou les décisions de l'État étranger ou de l'organisation internationale publique pour lequel il exerce ses fonctions officielles.
Les infractions relatives à la lutte contre la corruption canadiennes et américaines sont semblables, rendant ainsi la conformité moins complexe pour les sociétés qui relèvent des deux territoires. Les deux lois interdisent de transférer ou d’offrir de transférer tout type d’avantage dans le but d’influencer un agent étranger afin qu’il abuse de son pouvoir ou de son influence. Ni l’une ni l’autre loi ne requiert que le transfert soit direct; les pots-de-vin donnés par l’entremise d’un mandataire ou reçus par une partie autre que l’agent sont interdits si le but ultime consiste à influencer un agent en octroyant un avantage. Les deux lois exigent que le pot-de-vin ait pour objectif d’obtenir ou de conserver un avantage commercial, mais aucune d’elles ne prévoit que l’arrangement commercial en question inclue le bénéficiaire du pot-de-vin ou que le pot-de-vin soit accepté. Enfin, les deux lois intègrent des définitions très semblables d'« agent public étranger », dont des membres des organismes gouvernementaux et des organisations internationales publiques. Une différence tient au fait que la LCAPE inclut expressément la magistrature.
Les sociétés accusées en vertu de la LCAPE peuvent également faire l’objet d’accusations en vertu du Code criminel pour fraude, commission secrète et complot. Les dispositions du Code criminel interdisent également le recyclage ou la possession des produits d’autres actes criminels. En outre, il existe un risque de sanction parles organismes de réglementation des valeurs mobilières.
Défenses
Les auteurs présumés d’une infraction peuvent faire valoir aux termes de la LCAPE et de la FCPA trois moyens de défense presque identiques. Le premier moyen de défense autorise les paiements licites aux termes des lois et règlements de l’État étranger où ils ont été reçus. Une différence importante est que la LCAPE n’exige pas que le paiement soit licite aux termes des lois « écrites » de l’État étranger, comme le fait la FCPA. Au Canada, la défense s’applique lorsque le paiement était « permis ou exigé par le droit de l’État étranger ou de l’organisation internationale publique ». En raison du manque de jurisprudence canadienne interprétant cette disposition, la portée du mot « permis » est ambiguë et peut se révéler plus large.
Le deuxième moyen de défense permet, dans le cadre de l’établissement de liens d’affaires, des dépenses raisonnables qui peuvent comprendre les paiements effectués dans le but de démontrer, de promouvoir ou d'expliquer les produits ou encore d'exécuter les obligations d’un contrat conclu avec un gouvernement étranger ou de s’en acquitter, mais elles ne peuvent comprendre les frais de représentation ou autres dépenses semblables.
Le troisième moyen de défense exclut de l’interdiction relative à la corruption les paiements de facilitation.
Ces derniers sont des paiements semblables à des pots-de-vin effectués dans le but de faciliter ou de hâter l’exécution d’un acte gouvernemental de nature courante. Par exemple, l’obtention de permis, la délivrance ou l’obtention de documents gouvernementaux (notamment les visas ou les ordres de travail) et la fourniture de services de protection policière, la collecte et la livraison du courrier, les services de téléphone, la fourniture d’électricité et les services d’aqueduc. La LCAPE et la FCPA énoncent expressément que les paiements effectués afin d’influer sur la décision d’un agent étranger « d’octroyer denouvelles affaires ou de reconduire des affaires avec la même partie » ne sont pas des paiements de facilitation.
Sanctions
Contrairement à la FCPA, qui peut être appliquée au moyen de sanctions civiles ou pénales, la LCAPE ne peut être appliquée qu’au moyen de poursuites au criminel. La personne déclarée coupable d’une violation de la LCAPE commet un acte criminel et est passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans. Il n’existe aucune limite légale aux amendes qui peuvent être imposées; le montant est laissé à la discrétion du tribunal. En outre, il n’existe aucune loi de prescription au Canada pour les actes criminels. En vertu du Code criminel, il est également interdit de retenir le produit de la criminalité; par conséquent, une société reconnue coupable peut aussi se voir ordonner de remettre tous les produits – et non seulement les profits – obtenus au moyen de l’acte de corruption. Les parties concernées doivent également savoir que les pots-de-vin ne sont pas déductibles d'impôt au Canada. C’est pourquoi, avant même de prendre en compte les incidences négatives possibles d'une condamnation au criminel sur le cours des titres et la réputation de la société, il est clair qu’une infraction à la LCAPE pourrait être très coûteuse.
Tendances
Des mesures coercitives importantes aux États-Unis, comme celles contre Baker Hughes et Siemens, ont rappelé à tous la gravité potentielle d’être accusé d’une infraction à la FCPA. Il est certain qu’il ne s’agit pas ici d’incidents isolés. Selon le Department of Justicedes États-Unis, celui-ci a porté plus d’accusations au cours des cinq dernières années qu’au cours des 26 années précédentes. Les autorités canadiennes n’ont pas encore emboîté le pas, mais cela risque de changer dans un avenir rapproché. La GRC a mis sur pied une unité spéciale qui s’occupe exclusivement des enquêtes relatives à la corruption à l’échelle internationale. Les efforts de l’unité ont porté fruit : plusieurs enquêtes sont en cours, dont la plus en vue porte sur des allégations de corruption par une société pétrolière de Calgary au Bangladesh. Dans son rapport annuel portant sur la mise en oeuvre de la convention, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada a énuméré une longue liste d’efforts de sensibilisation mis en oeuvre par un grand nombre de ministères au Canada pour assurer la conformité à la loi anticorruption canadienne. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, un autre changement d’importance vise les modifications proposées à la LCAPE, qui préciseraient que la LCAPE s’applique aux ressortissants
canadiens agissant à l'extérieur du Canada.
Stratégies proactives
À la lumière de l’application croissante de la LCAPE au Canada, des stratégies d’affaires proactives à des fins de conformité sont de plus en plus importantes. Il est primordial d’établir, de mettre en oeuvre et d’appliquer des politiques internes non seulement pour les employés, mais aussi pour les mandataires et les entrepreneurs. La présélection de mandataires qui oeuvrent outre-mer est également importante dans les pays à risque élevé.
Conclusion
Partout dans le monde, les sociétés ont appris l’importance de se conformer à la FCPA. Bien que la LCAPE n'ait pas représenté de menace imminente jusqu'à présent, cette situation pourrait changer à l’avenir. Pour les organisations qui font affaire avec le gouvernement, la conformité à la LCAPE devrait être une priorité.
Cet article a d’abord paru dans le site Web de Blakes. Reproduction autorisée.
Mark Morrison est un associé du groupe de litige qui, dans ce domaine, se spécialise dans la criminalité en col blanc, le droit des assurances, la discipline et la responsabilité professionnelle et les questions commerciales. Paul Schabas est un associé qui exerce en litige dans le cadre d'affaires très diversifiées, tant en première instance qu'en appel. Tony S. Wong est un associé qui exerce en litige.