Chère Advy,
Je constate une tendance troublante : beaucoup de mes collègues se tournent vers l’alcool ou d’autres substances pour composer avec le stress. Il y a une culture tacite de consommation d’alcool dans les événements de réseautage, dans les activités sociales des cabinets et même dans les réunions informelles avec des clients. Je m’inquiète de ma propre relation avec l’alcool, mais je ne sais pas comment m’en éloigner sans avoir l’impression de passer à côté de quelque chose ou de faire lever des sourcils. Avez-vous des suggestions?
Sincères salutations,
Sobre-mais-stressé
Cher Sobre-mais-stressé,
Vous avez raison. Boire de l’alcool fait partie intégrante de la culture des activités sociales des juristes, souvent de manière malsaine.
Je contesterais un peu votre commentaire sur le fait qu’il s’agit d’une tendance. C’est en effet un problème chronique dans notre profession depuis de nombreuses années. Cependant, ce n’est pas parce que cette tendance existe depuis longtemps que ce n’est pas quelque chose que nous pouvons essayer de réparer. J’ajouterais que, dans une profession de plus en plus diversifiée, insister pour qu’une personne prenne un verre lors d’un événement social crée non seulement de l’anxiété chez les personnes qui préfèrent ne pas boire, mais cela peut aussi mettre celles qui ont des raisons religieuses ou culturelles de refuser l’alcool (juristes de confession musulmane, membres de l’Église fondamentaliste de Jésus-Christ des saints des derniers jours et autres groupes) dans une position difficile. Cela peut même constituer un obstacle à leur participation à des activités professionnelles.
Une chose à retenir est que ce que vous faites et ne faites pas dans un événement public n’est pas remarqué autant que vous le pensez. Dans la plupart des cas, quelqu’un qui vous offre un verre lors d’un événement le fait parce que c’est ce que l’on attend de lui (du moins, c’est ce qu’il croit). Si vous dites non, même si quelqu’un a une réaction de surprise, il est fort probable que ce ne soit pas ce qu’il retient de vous. Cette petite voix dans votre tête qui vous dit que tout le monde vous regarde, en état de choc, parce que vous avez dit non à une boisson n’est rien de plus que ça, une petite voix dans votre tête. Ce n’est pas un fait, même si, sur le coup, c’est ce que nous pensons.
Dire non ou opter pour une boisson sans alcool est beaucoup moins controversé que vous le pensez. De plus en plus de personnes s’abstiennent de boire de l’alcool ou réduisent leur consommation. Une étude menée par Statistique Canada en 2023 a démontré que 59 % des femmes et 49 % des hommes disaient ne pas avoir consommé d’alcool du tout au cours de la semaine précédant le sondage et que les répondants plus jeunes sont encore plus susceptibles de déclarer avoir réduit ou limité leur consommation d’alcool. Cette tendance semble s’appliquer à une grande partie du monde occidental.
De plus, nous sommes beaucoup plus conscients aujourd’hui qu’il y a des décennies des dangers de la conduite en état d’ébriété et des autres effets nocifs de l’alcool sur des activités essentielles de tous les jours. Si vous pensez devoir trouver une excuse pour ne pas boire, il existe des ruses utiles et éprouvées pour éviter la désapprobation. Vous pourriez dire « je conduis », « je dois mettre mes enfants au lit plus tard », « je viens de prendre quelque chose pour mon mal de tête/mes allergies/quoi que ce soit », ou, ma préférée, « j’ai besoin de toute ma tête pour ma séance de parkour demain ». D’accord, peut-être que l’excuse du parkour n’est pas vraiment éprouvé et vrai, mais il vaut toujours la peine de l’essayer. Puisque personne ne fera un suivi pour savoir si la raison que vous avez donnée est vraie, il s’agit d’une rare occasion où l’honnêteté n’est pas entièrement requise.
Le fait demeure que vous n’êtes pas seul. J’ai la quasi-certitude qu’il y a moins de sourcils levés que vous ne le pensez.
Je remarque que vous mentionnez deux inquiétudes :
- La crainte qu’en vous abstenant de boire de l’alcool, vous passiez à côté de quelque chose.
- La préoccupation concernant votre propre relation avec l’alcool.
Non, je ne vais pas vous couvrir de honte parce que vous dites vous inquiéter des occasions que vous ratez peut-être. Nous, les humains, sommes des bêtes sociales. Pour le meilleur ou pour le pire, l’alcool a une longue histoire comme catalyseur de liens interpersonnels et collectifs. Votre inquiétude est à la fois naturelle et compréhensible.
Une façon d’aborder des craintes tenaces est d’en parler à quelqu’un d’autre. Verbaliser vos préoccupations vous aide généralement à mieux les gérer que de simplement y penser. Si en parler avec quelqu’un n’est pas une option, envisagez de prendre en note les inquiétudes qui vous rongent concernant les occasions à côté desquelles vous avez l’impression de passer. Essayez de réagir à vos pensées avec la même compassion dont vous feriez sûrement preuve si vous parliez à un ami qui vous confiait cette préoccupation.
La question importante est de savoir ce que vous ratez. Vous ne manquez probablement rien de particulièrement important ou utile en ne buvant pas. Cela dit, il est plus utile que vous nommiez, et non moi, les choses que vous craignez de rater et d’évaluer cette occasion manquée que vous percevez par rapport au coût de la consommation d’alcool.
Vous pouvez appliquer la même approche à votre crainte au sujet de votre relation avec l’alcool. Comme avec toute substance créant une dépendance, la relation avec l’alcool est souvent tendue. Puisque vous ne dites pas exactement ce qu’est cette relation que vous entretenez, tous les conseils que je peux vous donner sont d’une utilité limitée. Heureusement, le programme d’aide aux juristes de votre province ou territoire a des conseillers et souvent des intervenants en services de soutien aux pairs qui peuvent vous fournir une aide personnalisée et experte pour examiner cette relation. Vous n’avez pas besoin d’attendre une crise pour demander de l’aide. L’obtention de conseils ou l’accès à la rétroaction pour travailler sur vos préoccupations avant qu’elles ne se développent en quelque chose de plus sérieux est une utilisation parfaite des ressources que votre programme d’aide aux juristes met à votre disposition.
Cela peut également être une occasion pour vous de revendiquer pour le changement. Les juristes utilisent souvent par défaut l’alcool pour briser des barrières interpersonnelles, même lorsqu’il pourrait y avoir des façons meilleures et plus créatives (et plus saines) d’accomplir la même chose. Essayez de trouver des alliés dans votre communauté qui pourraient vous aider à organiser de nouvelles activités sociales ne nécessitant pas la consommation d’alcool.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’alcool peut créer des obstacles pour de nombreuses personnes qui aimeraient participer à des activités sociales de cabinets ou de groupes. Ne serait-il pas génial de normaliser le fait de permettre à quiconque d’opter pour la boisson de son choix? Vous pouvez aussi simplement adapter des activités existantes pour en soustraire l’alcool. En fait, l’inclusion de l’alcool dans des activités sociales ne doit pas nécessairement être un choix binaire. Vous pouvez simplement élargir les options pour les juristes comme vous qui veulent participer à des rencontres sociales entre juristes sans consommer d’alcool, même si certains participants veulent toujours y avoir accès.
Il y a de fortes chances que d’autres personnes qui prennent part aux mêmes activités que vous soient tout aussi mal à l’aise et souhaitent également avoir l’occasion de se libérer de cette situation.
Prenez bien soin de vous.
Advy