Chère Advy,
J’ai récemment lu le rapport de l’étude sur le mieux-être à laquelle l’ABC a participé et je dois dire que les résultats me semblent très troublants. Je suis un associé directeur dans un cabinet de taille moyenne et j’ai toujours pensé que nous gérions bien nos initiatives de bien-être en milieu de travail. Les résultats du rapport me font douter de cela, surtout à la lecture des nombreux obstacles que doivent surmonter les juristes qui cherchent à obtenir de l’aide. Je me demande quelle est la meilleure façon de réellement prendre le pouls de nos juristes lorsqu’il est question de bien-être. Est-ce que je reçois vraiment des commentaires honnêtes en ce qui concerne la culture de notre lieu de travail ou nos juristes nous disent-ils simplement ce que nous voulons entendre par crainte de représailles?
Sincères salutations,
Associé-directeur-déterminé
Cher Associé-directeur-déterminé,
J’aimerais d’abord répondre à votre dernière question : non, vous n’en recevez pas, et oui, ils craignent des représailles.
Quelle que soit la mesure du soutien que vous avez l’impression de fournir, je peux vous garantir que les juristes et autres employés de votre cabinet ne font pas preuve de franchise lorsque vient le temps de commenter la culture de votre cabinet en matière de santé mentale.
Ce préambule peut paraître extrêmement négatif, mais il faut se rappeler que la réticence à parler ouvertement et honnêtement de la santé mentale et de la maladie mentale est un problème que l’on observe à l’échelle de la société. Ce n’est pas parce que vous êtes une mauvaise personne ou parce que la culture de votre cabinet est néfaste. Le fait que vous posiez cette question me laisse croire que vous, et probablement votre cabinet, souhaitez réellement que le milieu de travail que vous offrez à vos employés leur apporte le plus grand soutien qui soit. De mémoire d’homme, le fait de révéler que vous souffrez d’un problème de santé mentale, comme la dépression ou l’anxiété, rimait avec un aller simple au bureau de chômage. En fait, c’est toujours le cas. Cette crainte que la révélation d’une maladie mentale mène à la destruction de votre carrière perdure depuis longtemps.
Il ne fait aucun doute que les gens vous disent ce qu’ils croient que vous voulez entendre. Cette règle s’applique au-delà du bien-être mental, mais nous allons nous en tenir à ce domaine dans la présente chronique. Vous assumez des fonctions que les employés de votre cabinet – peut-être à juste raison – associent à un poste qui a le pouvoir de changer leur carrière. Cela génère beaucoup de peur, surtout pour quelqu’un qui se sent déjà vulnérable. Il est peu probable que vous changiez cette dynamique à court terme.
Examinons un peu plus en détail le problème. Vous dites que vous gérez bien les initiatives de bien-être dans votre milieu de travail. Pourquoi ces initiatives sont-elles en place? C’est probablement parce que vous voulez que les gens avec qui vous travaillez aient la meilleure santé possible. Si c’est votre objectif fondamental, alors vous pouvez quand même avoir une réelle incidence sur le bien-être en milieu de travail en acceptant que les gens ne vous donnent pas leurs impressions honnêtes.
La chose la plus utile que vous pouvez faire actuellement pour réduire la stigmatisation associée à la santé mentale et au bien-être mental en milieu de travail est de modéliser ce que nous pourrions appeler un comportement non stigmatique. Parlez ouvertement de ce que vous faites pour gérer votre propre santé mentale. Si vous avez un cerveau, vous avez le potentiel de souffrir de problèmes de santé mentale, tout comme le fait d’avoir des dents signifie que vous avez le potentiel d’avoir des caries. Obtenez de l’aide de tiers, que ce soit par le biais de la thérapie en tant que telle ou par d’autres méthodes, comme le coaching ou le simple fait de suivre une formation sur les compétences qui vous aident à maintenir une bonne santé mentale, et parlez-en. Les gens commenceront à aborder la santé mentale comme quelque chose dont ils n’ont pas à avoir honte quand ils voient que d’autres personnes parlent sans complexe de leur propre bien-être mental. Si les gens qui vous entourent voient que vous considérez que ce n’est pas un drame de chercher à obtenir de l’aide et de reconnaître que votre cerveau n’est pas infaillible, ils seront plus susceptibles de vous emboîter le pas.
Pour adapter un dicton que le mouvement environnemental utilise depuis de nombreuses années, il s’agit d’une occasion de penser globalement et d’agir localement. Y a-t-il des changements importants qui doivent s’effectuer pour atténuer les effets du travail que nous faisons pour prendre soin de notre santé mentale? Bien sûr. Les objectifs d’heures facturables élevés, les exigences d’heures facturables pour les juristes en début de carrière, l’obligation pour ces juristes d’accepter des mandats qui vont à l’encontre de leurs valeurs et plusieurs autres facteurs qui semblent toujours faire partie intégrante de notre culture ne sont que quelques-uns des défis que nous devons relever. Cependant, aucune de ces questions ne sera résolue par une culture de travail qui stigmatise les problèmes de santé mentale. En tant qu’associé directeur, vous êtes l’une des personnes qui peuvent jouer un rôle extrêmement important dans le changement de la culture de votre lieu de travail en joignant le geste à la parole.
Votre cabinet pourrait profiter de cette occasion pour dresser un « inventaire » de ce qu’elle fait pour veiller au bien-être de ses employés. Les recommandations du rapport sont assez succinctes quant aux mesures possibles que pourraient prendre les cabinets. Vous pouvez donc comparer ce que la vôtre fait par rapport à ce que le rapport recommande et voir si des ajustements sont possibles. Quand je dis « vous », je ne veux pas simplement parler de vous personnellement. Un tel inventaire représente non seulement beaucoup de travail pour une personne à l’horaire chargé, mais c’est le genre de chose où l’avantage de la participation d’une équipe ne se limite pas à l’éventail des points de vue que vous pouvez mettre à profit. L’examen des initiatives de bien-être du cabinet peut montrer aux employés à quel point cet enjeu est pris au sérieux. Le résultat de cet examen peut être précieux, oui, mais il peut avoir encore plus de valeur si d’autres personnes examinent sérieusement les mesures que peut prendre le cabinet.
Bien sûr, il est important de permettre à la personne responsable de cet examen de réellement envisager un changement en profondeur. Comme vous le constaterez sans doute en lisant le rapport, l’état troublant dans lequel se trouve la communauté juridique n’est pas quelque chose qui va être résolu en ajoutant un cours de yoga à l’heure du dîner. Vous ne voulez pas aggraver le cynisme que les gens ressentent peut-être déjà en procédant à un examen qui ne remet pas en question les pratiques existantes et les déséquilibres de pouvoir au sein de votre cabinet. Cet examen doit être réel.
Envisagez aussi d’utiliser ou de créer des canaux externes pour que les gens puissent exprimer leurs préoccupations au sujet de la santé mentale dans votre milieu de travail. Les collègues, et surtout les personnes occupant des postes plus élevés, se trouvent dans une sorte de conflit d’intérêts lorsqu’ils essaient d’être réceptifs aux problèmes de santé mentale, car ils sont intimement liés aux cheminements de carrière des gens avec qui ils travaillent. Le supérieur ou le collègue à qui vous vous confiez au sujet de votre dépression aujourd’hui peut être la même personne qui décidera du travail qui vous sera délégué, de la possible promotion qui vous sera accordée ou même de votre situation d’emploi au sein du cabinet. La divulgation de vos problèmes de santé mentale présente un risque élevé lorsque vous pensez que cela pourrait un jour être utilisé contre vous.
Cependant, si vos juristes et autres employés savent qu’ils peuvent parler à quelqu’un à l’extérieur du cabinet, il est possible qu’ils fassent preuve de plus d’ouverture. Ce canal extérieur pourrait être le fournisseur de votre PAE, mais il pourrait aussi s’agir d’un programme de soutien par les pairs qu’offre votre programme d’aide aux juristes local ou d’un programme de douze étapes. Vous pourriez également obtenir de précieux renseignements sur ce que vous recherchez en participant vous-même à ces programmes. Vous n’obtiendrez pas directement de commentaires de vos employés, mais si vous ou votre cabinet participez à ce genre de programmes, vous aurez une idée de la façon dont la communauté en général se comporte. Encore une fois, en supposant que votre objectif fondamental est d’aider les gens de votre cabinet à se sentir le mieux possible, il n’y a rien de mal à avoir recours à ces ressources extérieures pour les aider.
Prenez bien soin de vous.
Advy