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Peur-de-fixer-des-limites

01 août 2025

Chère Advy,

Comment puis-je fixer des limites au travail si je suis la seule avocate salariée d’un petit cabinet? Sauf lorsque j’ai une conversation animée avec moi-même, j’ai du mal à refuser du travail supplémentaire. Et si notre source de clients se tarissait en raison de ces refus?

Sincèrement,
Peur-de-fixer-des-limites


Chère Peur-de-fixer-des-limites,

Vous cherchez l’équilibre entre vous protéger contre le surmenage et un possible épuisement, d’une part, et le risque que des clients ou des juristes de votre cabinet cessent de vous demander de l’aide si vous refusez les missions qu’ils veulent vous confier. Aucun de ces résultats ne peut vous aider, d’où la difficulté de bien s’y prendre.

Pour commencer par une définition, car nous sommes tous des juristes ici, une limite est « une ligne qui circonscrit un espace, un territoire, etc. » Puisque nous parlons dans le cas présent de délimiter un territoire comportemental ou psychologique, mettons l’accent sur la mention « etc. » de la définition. Déclarer que quelque chose est une limite ne change rien pour vous si vous ne pouvez pas respecter cette limite à long terme. Vous devrez appliquer et ajuster des limites tout au long de votre carrière, et ce qui fonctionne pour une personne ne fonctionnera pas nécessairement pour vous. Si vous souhaitez établir et respecter des limites durables, il est important que vous ne perdiez pas de vue qu’il s’agit d’un exercice d’équilibrisme personnel.

Abordons une question préliminaire. Je remarque que vous mentionnez avoir des conversations « animées » avec vous-même, mais que vous ne trouvez pas que ces conversations changent grand-chose. Je suppose que lorsque vous utilisez le mot « animée », vous voulez dire que vous êtes dure avec vous-même lorsqu’il est question de ce problème avec lequel vous êtes aux prises.

Nous croyons souvent que, pour nous motiver à changer, le meilleur moyen, et souvent le seul, consiste à nous faire des remontrances. En fait, c’est tout le contraire. Se traiter avec compassion nous aide non seulement à nous sentir mieux, mais cela nous place également dans une bien meilleure position pour réellement remédier à nos habitudes et comportements problématiques. Je vais vous demander de vous asseoir avec un stylo et une feuille papier, si vous le pouvez, pour un exercice. Si vous écrivez à la main, vous aurez tendance à intégrer plus efficacement les leçons que vous tirerez de cet exercice que si vous tapez ou enregistrez vos réflexions d’une autre manière. Mais pour que cela fonctionne, il ne faut pas que cette séance soit une simple occasion d’autoflagellation.

Posez-vous les questions suivantes et consignez vos réponses :

  1. Pourquoi acceptez-vous lorsque quelqu’un vient vous voir pour vous demander de vous occuper de travail juridique pour lui?
  2. Que pourriez-vous faire maintenant qui vous aiderait à soutenir une future version de vous qui serait tentée d’accepter alors que, en définitive, vous devriez refuser?

La façon dont vous fixez des limites durables dépend entièrement de vos réponses à ces questions.

Quand un juriste principal vient vous voir pour vous confier un dossier, comment répondez-vous exactement? C’est probablement une question pour laquelle vous avez plusieurs réponses (selon la personne qui demande, le type de dossier dont il est question, votre charge de travail immédiate, etc.), alors ne vous attendez pas à une réponse d’une seule ligne. Votre réponse sera probablement séquentielle. Autrement dit, vous avez une réaction immédiate, une réaction intermédiaire (après la présentation initiale de la demande, lorsque la personne est toujours là) et une réaction subséquente. Chacun de ces aspects de votre réponse mérite une réflexion et de les consigner par écrit.

Votre réponse diffère-t-elle si la personne qui sollicite votre aide est un client ou un juriste de votre cabinet? Si vous recevez ces genres de demandes et si votre réaction est différente pour les clients et pour les juristes, demandez-vous comment vous y réagissez. Vous pourriez même créer des catégories de demandes de clients, comme des « appels au sujet d’une pension alimentaire pour enfants » ou des « appels de personnes s’étant représentées elles-mêmes jusqu’à maintenant ».

Écrivez chaque question et réponse sur des pages distinctes selon le type de scénario. Vous pouvez avoir une page pour chaque juriste principal de votre cabinet si la dynamique de travail que vous avez avec chacun d’eux est différente. Vous aurez probablement encore une ou plusieurs pages pour les clients qui communiquent directement avec vous plutôt que de passer par des juristes plus établis.

Assurez-vous de répondre aux deux questions en vous y prenant de la même manière que si vous répondiez à un ami qui vous posait ces questions pour lui-même. Cet exercice consistant à imaginer comment vous répondriez à un ami qui vous ferait part de ses préoccupations peut vous aider à faire preuve de plus de compassion et à être plus efficace dans vos réponses sur les habitudes que vous tentez de modifier. Même si vous vous posez des questions difficiles, les poser avec bienveillance vous aidera à vous assurer que cet exercice est constructif. Écrire « je dis oui parce que je suis une personne faible qui déçoit sans arrêt les gens » une douzaine de fois ne vous fera pas vraiment de bien. Concernant les conversations « animées » que vous avez avec vous-même, sachez que vous nuirez à votre analyse si vous vous traitez avec dureté.

Oui, je me répète un peu ici, mais se traiter avec compassion est plus facile à dire qu’à faire. Heureusement pour vous, votre programme local d’aide aux juristes peut vous aider à obtenir de l’aide professionnelle dans cette réflexion et peut probablement aussi vous fournir des ressources et du soutien par les pairs. En plus, cette aide confidentielle vous est offerte à mon tarif préféré, car elle est GRATUITE!

Lorsque vous vous posez la deuxième question (« Que pourriez-vous faire maintenant…? »), rappelez-vous qu’espérer faire mieux la prochaine fois n’est pas un plan. Nous voyons notre prise de décision comme quelque chose que nous effectuons sur le moment en utilisant ce que nous appelons la « volonté ». Le problème avec le fait de compter sur la volonté sur le moment est que, comme vous l’avez vécu, il y a toutes sortes de distractions qui rendent plus difficile la prise des meilleures décisions possibles. Peut-être que vous n’avez jamais été approchée par un quelconque associé de votre cabinet et que le fait qu’il sollicite votre aide vous flatte et vous aveugle en dépit de la réalité, soit que vous n’avez tout simplement pas de temps en ce moment. Peut-être que le client qui vous a appelé pour vous exposer un gros problème personnel vous rappelle quelqu’un que vous connaissez et aimez, et que cette ressemblance vous incite à l’aider, même si vous n’êtes pas la personne idéale dans ce cas précis. Peut-être que vous rendez visite à des amis ou à de la famille bientôt et que vous aimeriez vraiment pouvoir parler de dossiers géniaux sur lesquels vous travaillez, même si les dossiers de votre charge de travail actuelle, loin d’être géniaux sont déjà plus que suffisants. Peut-être êtes-vous plus susceptible d’accepter un mauvais mandat lorsque vous avez faim ou que vous êtes fatiguée, ou que vous avez la bougeotte parce que vous passez trop de temps assise à votre bureau.

Ces types de distractions non rationnelles et instantanées dans la prise de décisions rationnelles sont parfois appelés « interférence » (Noise, A Flaw In Judgement – page 355).

Dans le monde réel, vous êtes constamment bombardée par ces interférences. Pour prendre de meilleures décisions, vous devez examiner le type d’interférence qui surgit lorsque vous décidez de vos tâches à accomplir. Vous devez aussi mettre au point des plans qui vous sont utiles pour filtrer cette interférence et qui vous permettent de prendre des décisions se fondant sur ce que vous pouvez réellement faire.

Alors, comment établir des limites, et surtout comment les maintenir pour rester en bonne santé? Il n’y a pas de réponse unique, c’est pourquoi cette quête empathique personnelle sur les raisons pour lesquelles vous permettez aux gens de dépasser les limites que vous vous fixez s’impose dès maintenant. Je peux imaginer quelques-unes de vos réponses à la première question. Je vais donc vous suggérer quelques règles pour vous aider à refuser lorsque « non » est la meilleure réponse à donner. J’espère que ces exemples vous donneront des idées de l’endroit où vous devez commencer, mais les meilleures solutions sont celles qui viennent de vos propres observations empathiques par rapport à ce que vous avez tendance à faire.

  • Certaines personnes ont du mal à refuser d’aider quelqu’un quand la personne semble vraiment en avoir besoin. Envisagez de rédiger une série de réponses « non, mais… » que vous pourrez utiliser lorsque des demandes qui vous touchent vous seront adressées. Votre impulsion à aider les autres est admirable, mais, dans la pratique, elle nuit à votre propre avenir. Dire « non, mais… » vous permet de fournir une certaine aide tout en évitant de prendre la responsabilité de la résolution du problème. Cela ne supprime pas votre prédisposition à aider, mais change la situation en visant un résultat plus sain pour vous. C’est comme du jujitsu pour vos instincts. Voici quelques exemples de bonnes réponses « non, mais… » :
    • « Non, mais j’ai le numéro de la clinique juridique communautaire gratuite ici. C’est le… »
    • « Non, mais ce serait un problème pour lequel un comptable pourrait vous aider mieux que moi. Voici les numéros de quelques bons comptables que je connais… »
    • « Non, je suis trop occupée en ce moment, mais si vous pouvez me rappeler en janvier, je crois que j’aurai plus de disponibilité qu’en ce moment. »
    • « Non, mais il y a un excellent guide d’auto-assistance sur le site Web de la cour ici… »
    • « Non, mais il y a un autre juriste qui fait de l’excellent travail dans ce domaine et qui serait heureux que vous communiquiez avec lui. Voici son adresse de courriel… »

Dire ces choses sur le moment est beaucoup plus facile si, en vous appuyant sur votre expérience professionnelle à ce jour, vous anticipez la demande problématique et que vous écrivez d’avance une réponse adaptée. Il est beaucoup plus facile de lire vos notes que d’improviser une bonne réponse « non, mais… » quand vous êtes distraite, fatiguée et accablée. Au fait, si vous essayez, mais que vous ne réussissez pas à donner une bonne réponse « non, mais… », voyez cela comme une occasion de rédiger une meilleure réponse pour la prochaine fois où une demande semblable vous sera faite.

Rappelez-vous que les recommandations de qualité que vous faites améliorent la perception que les gens ont de votre compétence. Vous renoncez à une tâche et, en même temps, vous affinez votre « marque » de bonne personne à qui s’adresser pour obtenir de l’aide avec des problèmes, même si cette aide peut parfois constituer une excellente référence pour quelqu’un d’autre. Recommander une aide plus efficace, immédiate ou peu coûteuse à quelqu’un est également plus utile pour cette personne à long terme que si vous prenez la responsabilité de régler son problème, et que vous la décevez plus tard en la laissant tomber ou, pire, en faisant du mauvais travail.

  • Si vous avez peur que votre patron vous punisse parce que vous avez refusé une tâche et qu’il ne se tourne plus vers vous à l’avenir, qu’il freine votre carrière au cabinet ou même qu’il vous licencie carrément, faites-lui part de cette préoccupation. Si des juristes chevronnés vous accablent collectivement en vous confiant des tâches, ce n’est probablement pas parce qu’ils complotent pour vous mener à l’épuisement. Il est beaucoup plus probable que le juriste principal 1 n’ait aucune idée de la quantité de travail que les juristes principaux 2, 3 et 4 vous demandent de faire. Rappelez-vous que votre cabinet a un intérêt marqué envers la qualité, et pas seulement la quantité du travail que vous effectuez.
  • Si vous dites « oui » lorsque vous devriez dire « non » en raison de la faim, de la fatigue, de l’anxiété ou de toute autre raison similaire, il est important que vous développiez et mainteniez une habitude délibérée d’alimentation saine (et régulière), que vous dormiez bien, que vous fassiez des promenades à l’extérieur du bureau et ainsi de suite. Créez une habitude saine pour contrer chaque impulsion malsaine que vous cernez.
  • Si vous vous rendez compte que vous dites « oui » parce que vous êtes trop critique envers vous-même et que vous ne pensez pas beaucoup à votre propre valeur, discutez avec l’un des conseillers de votre programme d’aide aux juristes. Envisagez aussi de créer une liste de chansons motivantes sur votre appareil de musique ou sur la plateforme de votre choix. Choisissez des chansons qui vous font vous sentir bien par rapport à vous-même et par rapport à vos capacités. Il s’agit certainement d’une solution temporaire à court terme, mais la musique peut être un excellent outil pour réorienter un esprit distrait et effacé, au moins pendant un certain temps. Une mise en garde émanant d’une expérience personnelle : chanter à voix haute « Eye of the Tiger » au bureau ou, pire, copier les coiffures du groupe peut nuire à votre carrière.

Apprendre à dire « non » lorsque vous devez dire « non » est une compétence que vous devrez apprendre et réapprendre au cours de votre carrière. Il est important et précieux de passer du temps à la développer à ce stade de votre carrière.

Prenez bien soin de vous,
Advy