Lorsque le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a lancé une étude sur les retards dans les audiences d’affaires criminelles au Canada au début du mois de février, l’ABC a eu l’occasion de discourir sur un sujet qui lui tient à cœur. Toutefois, elle a bénéficié de très peu de temps pour se préparer à exprimer ses points de vue.
Le 18 février, Tony Paisana, de Peck & Co. à Vancouver, et Ian Carter, de Bayne Sellar Boxall à Ottawa, se sont respectivement adressés au Comité dans une vidéoconférence et en personne au nom de l’ABC avec un mémoire regroupant des commentaires et mémoires antérieurement présentés au gouvernement par la Section nationale du droit pénal.
Dans une lettre envoyée le 16 février au sénateur Bob Runciman, président du comité, Suzanne Costom, présidente de la Section du droit pénal, affirmait que le court préavis dont la section avait disposé avait « limité grandement ses possibilités » et que ses membres seraient « heureux de paraître devant le comité à une date ultérieure moyennant un préavis plus généreux, car ils seraient alors en mesure d’entrer davantage dans le détail. »
Bien qu’il ait possiblement été rédigé à la hâte, le mémoire exposait néanmoins plusieurs secteurs de préoccupation et proposait de nombreuses solutions pour atténuer les problèmes que causent les longs délais dans les audiences d’affaires criminelles.
Par exemple, la section soulignait que l’obligation de divulguer – c’est-à-dire la collecte de renseignements, la préparation, l’ajournement d’affaires alors que davantage d’information est recueillie, et la révision – constitue l’un des facteurs les plus importants qui entraînent le retard de cas en instance. La section recommande « d’améliorer les politiques de la Couronne et des services policiers relativement à la préparation des documents à divulguer, notamment dans les affaires qui n’exigent pas une approbation immédiate de l’inculpation. Le but devrait être de fournir le plus de documents possible dès la première audience. » Elle propose également de permettre aux services policiers d’engager des conseillers et du personnel de soutien chevronnés pour vérifier les documents avant qu’ils soient remis à la Couronne.
L’incapacité à estimer avec exactitude la durée d’une affaire judiciaire explique souvent les retards. Toute affaire qui requiert plus de temps que prévu retarde les causes qui suivent et prolonge le procès, car l’avocat de la défense, la couronne et le juge agissent tous en fonction d’une date de résolution précise, et trouver un moment où ils seront à nouveau disponibles peut être problématique. « La section recommande donc l’adoption d’une procédure préparatoire plus exhaustive, exigeant une comparution devant le juge responsable de la gestion de l’instance et la production de prévisions approfondies sur la structure et la nature du procès et des audiences », précise la lettre. « Il vaut mieux prendre un peu plus de temps au début pour bien évaluer la durée des procédures, plutôt que de fixer l’horaire hâtivement et de devoir l’ajuster quand le manque de temps devient évident. »
Les technologies pourraient réduire la perte de temps en permettant à l’accusé ou à l’avocat de la défense de faire des apparitions électroniques lors de comparutions initiales de routine, « lorsque le différend ne nécessite pas une surveillance judiciaire. »
Autres recommandations formulées dans la lettre :
- Favoriser le règlement des causes en amont – Selon la section, plus de 90 pour cent des affaires criminelles se règlent sans procès. « Plus on évite les procès inutiles, moins on gaspille le temps des tribunaux. » Il s’agit d’un autre argument en faveur d’une communication de la preuve convenable, car le bien-fondé d’une affaire n’est souvent pas tout à fait saisissable avant que tous les documents n’aient été divulgués, ce qui peut prendre des mois. Les peines minimales obligatoires et les restrictions imposées à la Couronne ajoutent aux délais. Offrir une diminution plus considérable de la peine lors de plaidoyers hâtifs pourrait représenter l’une des solutions, tout comme l’instauration d’une rémunération des juristes de l’aide juridique qui incite aux résolutions rapides et d’un régime plus serré d’approbation de l’inculpation par la Couronne.
- Pourvoir les postes de juges vacants et nommer à la magistrature des criminalistes chevronnés.
- Augmenter aussi bien le financement fédéral que la responsabilité fédérale en matière d’aide juridique, et offrir plus de ressources aux régimes d’aide juridique et aux bureaux de la couronne pour attirer des juristes d’expérience.
- Restaurer la Commission de réforme du droit du Canada de façon à ce qu’elle continue à étoffer solidement les argumentaires qui étayeront l’évolution de la législation.
« Pour terminer, nous préconisons la prudence dans toute entreprise de réforme des concepts fondamentaux du droit pénal », écrit Me Costom.
« Les enjeux sont complexes et souvent reliés, et une modification mineure qui semble faire consensus pourrait avoir des répercussions imprévues. »