Soutien à la primauté du droit en Tunisie
Animatrice : Bonjour et bienvenue à Juriste branché. Je m'appelle Julia Thétrault-Provencher. Vous écoutez Juriste branché, présenté par l’Association du Barreau canadien. Dans la foulée de la révolution de jasmin 2011, qui a lancé le Printemps arabe, la Tunisie a accompli d'importants progrès vers la gouvernance démocratique et la primauté du droit. Quand la nouvelle constitution du pays est entrée en vigueur en 2014, elle établissait une série de 29 droits humains progressifs. En 2021, le président tunisien Kaïd Saïed a annoncé une suspension partielle de la Constitution. Il a en outre nommé un comité qui contribuerait à la rédaction d'amendements à la Constitution de 2014. La nouvelle Constitution a été adoptée en 2022 et comprend des amendements au chapitre 2 intitulé Droits et libertés. C'est dans ce contexte que s'inscrit notre épisode d'aujourd'hui qui portera sur les droits humains en Tunisie et l'important travail réalisé par l’Organisation internationale de droit du développement et l’Ordre national du droit tunisien en partenariat avec l'Association du Barreau canadien.
Cette initiative cherche à former les avocats tunisiens et les avocates tunisiennes en ce qui concerne les droits et les libertés fondamentales protégés par la Constitution de 2022. Le financement de cette initiative est assuré par le département des États-Unis. Pour nous parler de cette initiative, nous avons le plaisir d'être accompagné par Joseph Chedrawe du cabinet Covington & Burling et Neyrouz Jebalia sociétaire au cabinet Dentons Zaanouni. Ma première question s’est adressée à Joseph.
Pouvez-vous nous parler plus en détail de cette initiative et comment est-elle née?
Joseph : Cette initiative a commencé avant que je m'y joigne et elle a impliqué beaucoup de partenaires : l'Association du Barreau canadien, The US Deparment of State et l'OIDD ce qui est l'Organisation internationale du droit du développement, l’Odre nationale des avocats de Tunisie et d’autres. L'ABC m’a contacté en mars 2022 pour me demander si j'étais intéressé par la création et la mise en œuvre d'un programme de formation. Je suis un grand supporter de l'ABC depuis longtemps, et l'ABC m’a beaucoup aidé tout au long de ma carrière, donc j'ai été ravi d'y participer.
En ce qui concerne le programme de formation, franchement, nous partions de zéro. L'objectif était de créer et de donner un programme de formation sur les droits de l'homme pour les membres de l’Ordre national des avocats de Tunisie. Il n’y avait pas beaucoup d’écrits sur les droits et libertés dans la Constitution tunisienne. Il n'y avait certainement pas de programme de formation préexistant. Alors mon équipe et moi avons créé un programme de formation de deux jours dans lequel nous avons examiné chacun des droits et libertés dans la Constitution tunisienne. On a fait une analyse comparative aux dispositions équivalentes de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Constitution sud-africaine.
Bien qu’un financement de l'ABC ait été disponible, mon cabinet d'avocats Covington & Burling a eu le plaisir d'entreprendre la formation dans le cadre de son programme mondial de pro bono. C'était vraiment un honneur pour moi et pour Covington de participer à cette initiative.
Animatrice : Merci. Puis est-ce que vous avez dit, donc, que c'est l'ABC qui vous a rejoint et quel rôle joue l'ABC ici?
Joseph : L’ABC a joué un rôle déterminant dans la réalisation de ce programme, en plus de coordonner le financement, l'ABC a coordonné avec [00:04:15] en Tunisie toute la logistique pour la formation. Fondamentalement, l'ABC est un partenaire clé dans cette initiative. Ce qui veut dire que l'ABC a coordonné avec les autres sponsors et les autres parties prenantes. Je crois que l'on peut dire que la formation n'aurait probablement pas eu lieu sans l'ABC.
Animatrice : Vous avez mentionné que vous étiez vous-même… que vous connaissiez bien l'ABC. On comprend que vous avez commencé en 2011 avec le Programme international des jeunes juristes, qui est un programme de l'ABC. Est-ce que c'est bien vrai vous confirmez?
Joseph : Ah oui.
Animatrice : Moi aussi en fait, j'ai commencé avec le PIJJ, donc j'ai de bons souvenirs aussi.
Joseph : Ah OK !
Animatrice : Oui, tout à fait, je suis une grande fan moi aussi. Est-ce que vous pouvez nous dire quel impact le PIJJ a eu sur vous personnellement et professionnellement?
Joseph : Oui. En 2011, dans le cadre du PIJJ, j'ai été placé au sein du Constitutional Delegation Unit at theLegal Resources Center à Johannesburg où j'ai travaillé sur des litiges relatifs aux droits de l'homme ayant un impact sur le public. Ce qui a été mon expérience la plus significative du baccalauréat juridique jusqu'à présent. J’ai eu l’occasion de travailler avec Georges Bizos, si vous ne le connaissez pas, recherchez-le sur Google B I Z O S. C'était une personnalité très appréciée et très aimée et en Afrique du Sud, il est connu comme avocat de Nelson Mandela. On a travaillé ensemble presque tous les jours pendant plusieurs mois. Ça restera toujours un des plus grands privilèges de ma carrière. Monsieur Bizos est décédé il y a trois ans à l’âge de 92 ans, après avoir consacré près de 70 ans de sa vie en tant qu’avocat des droits de l'homme. Travailler avec lui a eu un impact profond sur ma façon de travailler. Une des plus grandes leçons que j'ai apprises de lui, c'est l'engagement pour une cause plus grande que soi.
Animatrice : On parle toujours de l’importance des mentors, vous dans ce podcast-ci, je pense que vous êtes un exemple ici, vous avez eu un mentor exceptionnel. Merci, c'est vraiment une belle expérience.
Vous êtes un Canadien de Nouvelle-Écosse d'origine libanaise, vous avez travaillé et étudié au Canada, en Angleterre et en Afrique du Sud. Si je ne me trompe pas, vous êtes actuellement basé à Dubaï aux Émirats arabes unis, c'est bien vrai?
Joseph : Oui
Animatrice : Oui voilà. Vous êtes vraiment un International Man of Mystery.Ce serait ce que l'on pourrait dire. Vous êtes partout à la fois, vous avez fait beaucoup de choses. Est-ce que vous pouvez nous dire qui vous a poussé à entreprendre le défi de développer et de donner une formation sur les droits humains en Tunisie pour les avocats et les avocates tunisiens et tunisiennes?
Joseph : J'ai toujours un profond sentiment de gratitude pour les opportunités et les expériences qui m'ont été offertes dans ma vie. J'ai toujours été reconnaissant à l'ABC de m'avoir donné l'occasion de participer au comité avec des collègues extraordinaires, de m'avoir fourni la bourse [Bennets 00:07:44] pour faire mes études supérieures à l'Université d'Oxford, et de m'avoir permis de travailler au sein du PIJJ. C'est avec un grand plaisir que j'ai pu rendre à l'ABC ce que l'on m'avait donné. Je suis également reconnaissant d'avoir travaillé dans le domaine des droits de l'homme à la fois à Oxford et au Legal Resources Center.Chaque fois que j'ai l'occasion le participer à une initiative de ce calibre dans le domaine des droits internationaux des droits de l'homme, je n'hésite pas.
Animatrice : Maintenant, je me tournerai vers vous aussi d’ailleurs Neyrouz qui êtes avec nous aujourd'hui pour ce podcast. On parle de Joseph qui est clairement un International Man of Mystery,Vous, une kick-ass younglawyerje dirais. Vous avez suivi les formations qui portaient sur les questions constitutionnelles. À la base, j'aimerais savoir d'où vous vient votre intérêt pour le droit, et pour la Loi constitutionnelle tunisienne plus spécifiquement.
Neyrouz : Mon choix d’études en droit généralement et en droit constitutionnel d'une manière spécifique est motivé par mon désir de protéger les victimes d'injustices et les groupes vulnérables qui ont souvent du mal à accéder à une justice équitable. Pour être honnête, depuis mon enfance je crois que chaque individu doit être traité équitablement et avoir la possibilité de faire entendre sa voix indépendamment de son statut social et économique. Pour moi, être avocat ne se limite pas à des transactions juridiques, mais c'est être un rempart pour la justice, une voix pour ceux qui sont dans l'ombre et pour briser les chaînes de l'oppression. En choisissant cette voie, je me positionne en défenseur des droits humains qui est déterminé à lutter contre les inégalités et à garantir à chacun la possibilité de faire respecter ses droits fondamentaux. Ce qui me plaît également dans le domaine juridique, c'est sa capacité à favoriser un changement social significatif. Les avocats ou les professionnels de droit ont la possibilité unique de défendre des causes vitales et d'influencer les lois et les réglementations de chaque pays.
D’autre part, je ne peux pas nier que les professionnels du droit tels que : les magistrats, les avocats, les huissiers et les juristes dans les entreprises publiques et privées sont généralement en demande sur le marché de l'emploi. Ils bénéficient, entre autres, d'une certaine stabilité professionnelle. Voilà pourquoi j'ai choisi les études en droit.
Animatrice : Merci beaucoup, c'est une réponse très complète et très convaincante aussi.
Maintenant, pour penser un peu plus aussi à l'aspect formation, Nérouze on va revenir à vous après pour votre expérience carrément. Avant tout Joseph, j'aimerais que vous nous parliez plus spécifiquement du programme et de ce que l'on attend des participants et des participantes, qui, si je comprends, on parle ici d'avocats et d'avocates, donc des gens qui ont passé le Barreau.
Joseph : Oui, exactement. Il y a en fait deux programmes. Le premier est une formation de deux jours au cours desquels, comme je l'ai mentionné, nous avons passé en revue tous les articles de la section relative aux droits et libertés de la Constitution tunisienne. Pour presque toutes les sections, nous avons donné des exemples très concrets, des cas soit de la Cour constitutionnelle sud-africaine, soit de la Cour suprême du Canada. Nous avons également réalisé plusieurs études de cas hypothétiques avec des exercices en petits groupes avec des participants afin de rendre la formation plus dynamique avec une formation active. Vous remarquez peut-être que je continue à dire « nous ». C'est parce que j'ai impliqué 4 de mes collègues de Covington qui parlent couramment le français et l'arabe. La formation s’est déroulée en français et en arabe.
J'ai participé en personne en Tunisie et mes collègues ont participé virtuellement. Quelques mois plus tard, l'ABC m’a invité à revenir en Tunisie pour donner une formation de formateur afin que les avocats tunisiens sélectionnés puissent donner la formation sur les droits de l'homme à d'autres Tunisiens. Au cours de cette formation, je me suis concentré sur une méthode de formation et les différents exercices qu’ils pouvaient entreprendre. J'ai également donné à chacun la possibilité d'effectuer une courte simulation de formation, afin qu'ils puissent avoir une expérience pratique.
Animatrice : Je suis personnellement une grande fan des formations de formateurs. Donc c'est très intéressant, peut-être qu'en privé je vous poserai plus de questions, parce que je trouve que c'est souvent la façon d’étendre ses connaissances. Don, c c'est vraiment très intéressant. Vous avez mentionné que vous utilisiez aussi les bonnes pratiques du Canada et de l'Afrique du Sud. Est-ce que vous pouvez un peu nous élaborer pourquoi ces deux pays que vous avez choisi sont des exemples de bonnes pratiques quand on parle de droit constitutionnel et de la protection du droit qui s'y réfère?
Joseph : Je crois savoir que la section de la Constitution tunisienne relative aux droits et libertés s'inspire de plusieurs sources, y compris la Charte canadienne des droits et libertés et la Constitution sud-africaine. Au Canada, nous avons développé notre jurisprudence de la Charte après son adoption en 1982. Ça représente 40 ans de jurisprudence. Il y a donc beaucoup à apprendre de l'expérience canadienne. La constitution sud-africaine est entrée en vigueur en 1997, après la fin de l'apartheid. Donc l'Afrique du Sud dispose également d'une riche histoire jurisprudentielle depuis ce temps-là.
Animatrice : Donc, dans vos formations vous avez vraiment utilisé un peu de… vous parlez du Canada et de l'Afrique du Sud?
Joseph : Oui, tout à fait.
Animatrice : OK. Ça aussi, l'utilisation des bonnes pratiques et les échanges entre systèmes juridiques, c'est le futur de beaucoup de choses, en droits humains. Notamment lorsqu'on parlait de préparer cet entretien, vous avez mentionné que vous utilisiez le système andragogique. Qu'est-ce que c'est? Et pourquoi est-ce important? Ça, c'est vraiment pour nos auditeurs et nos auditrices qui ne sont pas nécessairement des gens qui donnent des formations. Je me suis dit que ça pourrait être très intéressant d'en parler.
Joseph : Je dois dire d'abord que je ne suis pas un expert dans ce domaine. L’andragogie se réfère aux méthodes et principes utilisés par l'éducation des adultes. Avant de faire la formation des formateurs en Tunisie, j'ai dû suivre un certain nombre d'heures de formation à l'éducation des adultes avec [00:14:46] ainsi que passer un examen. Pour moi, il existe différents facteurs de différenciation dans l'éducation des adultes, mais la plus grande différence selon moi c'est qu'il doit y avoir un objectif plus clair, une motivation, un but, une raison pour la formation, de ce à quoi la formation va mener. Ici, l'objectif était d'équiper les participants pour qu'ils puissent former d'autres avocats tunisiens et avocates tunisiennes dans le même domaine.
Animatrice : Par curiosité, est-ce que cette formation que vous avez suivie de [00:15:32] est disponible en ligne ou c'était avec [00:15:35] parce que c'était un projet de l'ABC?
Joseph : C'est en ligne avec [00:15:40].
Animatrice : Ah, bien mon Dieu, je vais aller voir ça moi, ça m'intéresse. Également, encore une fois pour nos auditeurs et nos auditrices, évidemment je comprends que vous n'êtes pas un expert, mais vous avez quand même monté, donné et dispensé ces formations avec vos collègues. Est-ce que vous avez des conseils ou des bonnes pratiques en matière de développement de formation juridique que vous avez appris au fil de votre expérience?
Joseph : Je pense que le meilleur conseil que je puisse donner est de toujours se rappeler que d'habitude les participants sont des professionnels très intelligents et très compétents. Vous n'êtes pas là pour enseigner, ou simplement pour améliorer leur connaissance du sujet. Vous êtes là pour faciliter l'apprentissage. Ce qui veut dire que vous devez vous assurer que les participants prennent le contrôle du processus d'apprentissage.
Animatrice : J’aime beaucoup, c'est un excellent conseil. Quels sont les obstacles auxquels vous avez été confronté pour mettre en œuvre ce programme de formation? Comment avez-vous fait pour les mitiger ? S'il y a eu des obstacles.
Joseph : Lorsque l'on entreprend une formation dans un pays étranger, il est important d'être conscient des différences culturelles. En Tunisie, je pense que n'importe quel Tunisien vous dira que d'être à l'heure est un concept, disons, relatif. Ainsi, si quelque chose est prévu à 9 heures, peut-être que vous ne commencerez pas avant 10 heures. Nérouze peut confirmer tout de suite après. Moi je suis d'originaire arabe et je suis au Moyen-Orient depuis plus de 11 ans. Alors moi, j'étais préparée à cette situation et je savais qu'il me fallait réfléchir à la quantité du contenu dans le temps prévu. Mais, j'aimerais vraiment également souligner que j'ai beaucoup, beaucoup apprécié ma participation à cette initiative au niveau personnel. Le peuple tunisien est chaleureux, amical et ouvert d'esprit. Je me suis senti toujours le bienvenu en Tunisie.
Animatrice : Merci beaucoup, merci pour le temps, je comprends. On fait une planification d'horaire et finalement il faut toujours au moins avoir 1 heure 30, 2 heures de libres au cas ou.
Neyrouz, je me tourne vers vous. On a parlé des formations et de ce que c'était. Vous y avez participé. J'aimerais beaucoup savoir comment vous les avez trouvés ces formations? Évidemment, il y a Joseph avec nous, mais... est-ce que vous avez senti qu'elles ont eu un impact sur votre pratique et sur celle de vos collègues ?
Neyrouz : Je considère cette formation très excellente. Elle a été à la fois pertinente, complète, explicite et instructive, répondant parfaitement à mes attentes. Le programme, conjointement proposé par l’Ordre national tunisien [IDLO 00:18:58] et l'Association du Barreau canadien, m'a particulièrement enthousiasmée. Cette formation m'a offert l'opportunité d'approfondir mes connaissances en droit constitutionnel, de plonger en profondeur dans la manière dont la constitution reconnaît et protège les droits fondamentaux des individus ainsi que des groupes marginalisés. Comme maître Joseph l'a dit, nous avons une idée sur les droits constitutionnels et tout ça, nous avons fait des études à la faculté, concernant les études de la Constitution et des traités internationaux et tout ça. Mais, lorsque nous avons traité cette formation, lorsque j'ai participé à cette formation, je considère que c'est une très bonne opportunité pour approfondir mes connaissances en droit constitutionnel et de plonger en profondeur sur cette matière. Aussi, il est essentiel de noter que cette formation a été dispensée en petits groupes. Nous avons fait des workshopspar petits groupes, accompagnés d'un support papier pour le travail. Ce point est particulièrement remarquable, car ce support s'est avéré extrêmement efficace pour approfondir mes compétences juridiques et me préparer aux ateliers en groupe. J'ai particulièrement apprécié les exercices pratiques qui comprenaient des exemples ancrés, ainsi que les discussions enrichissantes entre le formateur et les participants, mis à part les jeux de rôles avec les participants pour échanger des idées.
Les sujets abordés ont été judicieusement sélectionnés. Si je me rappelle, du cas d'un nouveau parti politique, du patient sous dialyse, des [00:20:31]. Tous ces exemples ont facilité l'apprentissage et la mémorisation de cette formation. Cette formation m'a permis de consolider mes connaissances, ma doter des bonnes pratiques à adopter en cas d'incidents rencontrés durant le traitement de mes propres dossiers, tout en renforçant mes compétences de travail d'équipe. J'ai beaucoup apprécié le travail d'équipe et les workshopsqu'on a faits durant les jours de la formation.
Vous m’avez questionné tout à l'heure sur quel est l’impact. Bon, la formation que j'ai suivie a considérablement amélioré ma capacité à développer des arguments pour étayer mes conclusions, rédiger mes mémoires juridiques et présenter mes plaidoiries. J'ai appliqué les techniques avancées enseignées au cours de la formation pour structurer mon travail autant que possible. Cette formation avait une approche hybride. Tout d'abord, elle nous a permis d'approfondir, comme je vous ai dit tout à l'heure, mes compétences en matière de droits et libertés reconnus constitutionnellement et dans les conventions internationales. Ensuite, elle nous a équipé des compétences nécessaires pour évaluer la conformité des lois, la constitution, et pour garantir la préservation de l’exercice de ces droits dans le but de prévenir d'éventuelles violations de la part les pouvoirs publics et des tribunaux.
Donc, durant la formation, nous avons particulièrement pratiqué l'examen de la proportionnalité des lois afin de vérifier les constitutionnalités des articles, conformément à l'article 55 de la Constitution tunisienne. Aussi, je rebondis sur l'idée des workshopsqui ont souvent laissé une comparaison juridique avec d'autres systèmes radicalement différents d'une autre qui est basée sur une augmentation authentique, naturelle, conforme aux valeurs universelles du droit de l'homme, prenant en compte de leur contexte historique culturel, social et religieux. Tout cela nous a permis de percevoir la profondeur humaine de ces valeurs et d'ouvrir de nouvelles perspectives à l'humanité pour son auto-évaluation.
Cette approche diffère de la constitutionnalité en Tunisie qui semble un peu figée. La charte canadienne renvoie à ces valeurs. Je suis aussi convaincu que mes collègues partagent également cette appréciation de la formation.
Animatrice : Merci beaucoup Nérouze. Pour faire suite à ce que vous avez dit sur les capacités que vous avez améliorées et acquises, est-ce qu'il y a des exemples de cas présentement qui sont devant les tribunaux ou qui sont terminés dans lesquelles vous avez pu mettre en œuvre certaines de vos compétences acquises : par exemple la comparaison avec la constitution, etc.
Neyrouz : Oui, c'était en je crois en mars [2023 00:23:21]. Je me souviens d'un cas où un étudiant avait été accusé de violence dans un stade lors d'un match. Le juge d'instruction avait une initialement refusé de le libérer. Dans ce contexte, j'ai préparé un rapport en vue d'une demande de liberté provisoire en m'appuyant sur des textes constitutionnels et des conventions internationales. Dans mon rapport, j'ai souligné que le droit à l'éducation était un droit constitutionnel et consacré dans les traités internationaux ratifiés par la Tunisie. En particulier, étant donné que le prévenu était un étudiant, j'ai fait valoir que notre pays a la responsabilité de garantir le droit à l'éducation de chaque individu indépendamment de sa situation. De plu, s j'ai sollicité un exercice du principe de la proportionnalité. J'ai expliqué que dans notre cas ce principe exige un rapport et une adéquation entre les moyens utilisés par le juge d'instruction qui est la détention préventive et, bien évidemment, l'objectif qu'il poursuit. À savoir, dissuader les criminels et corriger les comportements illégaux. J'ai spécifiquement mentionné aussi l'impératif de passer les examens et de préserver l'année scolaire comme une situation de nécessité. J'ai également ajouté aussi que la présomption d'innocence était inscrite dans la constitution, affirmant que la liberté est la norme et que l'incarcération doit être une exception soumise à l'examen minutieux des pratiques de proportionnalité. Finalement, grâce à ces arguments l'étudiant a été libéré, heureusement il a été libéré. Sachant que l'affaire était encore en relais devant le juge d'instruction, l'affaire n'est pas encore clôturée. Cela démontre l'importance de l'application rigoureuse des droits et principes constitutionnels et les conventions internationales également, pour garantir les droits fondamentaux de chaque individu. En revanche, il y a d'autres mesures qui peuvent remplacer la détention préventive. Par exemple, il y a le bracelet électronique, je parle des autres cas, pour les autres prisonniers qui malheureusement ne sont pas libérés.
En fin de compte, comme je vous ai dit il a été libéré l'étudiant, mais l'affaire était encore en cours devant le tribunal. J'espère qu'il va être libéré définitivement, pas provisoirement juste pour, pendant les [00:25:52]. Voilà.
Animatrice : Merci, très intéressant et félicitations quand même pour les développements. Enfin, ma question, quand je vous entendais, là j'ai l'impression ici qu'on a une réponse positive des tribunaux. Mais en général, quelle est la réponse des tribunaux nationaux jusqu'à maintenant lorsque vous soulevez justement les aspects de [00:26:11] internationaux, constitution. Est-ce que vous sentez une certaine réceptivité, ou au contraire, pas vraiment ?
Neyrouz : Il est intéressant de noter que certains tribunaux nationaux intègrent dans leur jugement les dispositions de la Constitution ainsi que les conventions internationales des jugements, même, jusqu'à utiliser les outils comme le texte de la proportionnalité. Nous avons beaucoup approfondi le texte durant l'information. Pour étayer leurs arguments, cette approche reflète une interprétation plus souple et évolutive du droit, où les contextes constitutionnels et internationaux jouent un rôle important dans la prise de décision judiciaire. Il y a donc une partie jurisprudencier qui adopte cette mesure. Cependant, il y a d'autres tribunaux et d'autres jurisprudences, notamment les juges pénaux adoptent une vision plus traditionnelle. Ils se limitent à appliquer strictement les textes élaborés par le législateur pénal sans nécessairement tenir compte des exceptions, des nuances apportées par la constitution ou les sondeurs internationaux. Les avocats traitent [00:27:20] et moi aussi, j'arrive parfois à soulever des exceptions basées sur ces dispositions. Mais, malheureusement le juge pénal ne peut se concentrer pour principalement sur l'application directe des lois pénales nonobstant la constitution ou les traités internationaux. Ces deux approches reflètent des perspectives différentes sur le rôle et la portée du droit constitutionnel et international dans le système judiciaire. Tandis que l’une privilégie une interprétation plus holistique et adaptable, l'autre met davantage l'accent sur la stricte application des textes législatifs. Cette variation peut dépendre des traditions juridiques, des contextes nationaux et des préférences des juges. Bien évidemment, le juge tranche chaque litige au cas par cas, c'est le principe.
Animatrice : Merci beaucoup, je parlerais de ça pendant des heures et des heures parce que je trouve ça très intéressant. Aussi, d'utiliser la constitution, c'est un outil tellement puissant. Puis je pense qu’avec vos exemples vous le montrez. Merci beaucoup à vous deux déjà d'avoir partagé cette expérience. J'aimerais savoir avant de conclure quelles sont les prochaines étapes pour assurer la pérennité de ce projet. C'est toujours la question qu'on se pose : comment s'assurer que ça va durer dans le temps. C'est une question ouverte à vous deux.
Joseph : Nérouze, tu peux commencer.
Neyrouz : Merci Joseph. Alors, moi je crois qu'il est essentiel de renforcer les compétences des avocats tunisiens et canadiens en favorisant un échange d'expérience entre les professionnels des deux pays. C'est ce que l'on a déjà vu pendant la formation. Cette collaboration permettrait d'introduire de nouvelles perspectives et des stratégies novatrices pour aborder les défis complexes qui touchent notamment les droits des groupes vulnérables. De travailler conjointement sur des articles ou des études offrirait également une meilleure compréhension des problématiques juridiques et sociales, facilitant ainsi le développement des solutions adaptées à chaque contexte. On soutient également l'idée de créer des réseaux de collaboration et d'étendre cette initiative à l'échelle mondiale, bien évidemment en partenariat avec [LIGLO 00:29:42] et l'Association du Barreau canadien.
Je considère que cette démarche serait une opportunité pour partager notre expérience avec d'autres avocats et pour partager les valeurs universelles des droits de l'homme, tant à l'intérieur qu’à l'extérieur de nos frontières. Tout ceci s'inscrirait dans le cadre d'un échange constructif visant à améliorer les systèmes judiciaires et à promouvoir les droits de l'homme fondamentaux. À toi Maître Joseph.
Joseph : Merci Nérouze. Je voudrais commencer par dire à Neyrouz que je suis très reconnaissant pour ces commentaires généreux sur la formation, elle était vraiment une star dans les deux formations. Je suis très heureux d'entendre que son intérêt continue dans le domaine des droits de l'homme aujourd'hui en Tunisie.
Je pense qu'il y a 3 choses qui contribueront à assurer la pérennité de cette initiative. Premièrement, il faut démontrer aux parties prenantes les bénéfices qui découlent de cette formation non seulement pour les participants, mais aussi pour les pays. Ceci contribuera à garantir un soutien dans le futur. Deuxièmement, les formateurs doivent continuer à proposer des sessions de formation engageantes, dynamiques et significatives aux participants. Si l'information a un impact tangible, un plus grand nombre de participants seront encouragés à y assister. Troisièmement, pour moi c'est le facteur le plus important, cela dépend vraiment des participants. Après avoir bénéficié de la formation, il est important qu'ils mettent cette formation en pratique pour contribuer au développement des droits de l'homme dans leur pays. Comme Nérouze et d'autres avocats le font déjà.
Ces types de formation aux droits de l’homme sont si importants, en particulier dans les pays où la constitution ou la jurisprudence ou les deux, en sont encore à un stade précoce. Et j'espère que ces types de programmes d'information aux droits de l'homme se poursuivront non seulement en Tunisie, mais également dans d'autres pays du monde.
Animatrice : Merci beaucoup et je pense que ça va être aussi entendu par l'ABC de continuer a encourager ce partage d'expérience entre avocats et avocates. Merci beaucoup pour votre participation à ce podcast et de votre temps aussi. On est très content d'avoir pu finalement enregistrer ce podcast, qui, je pense, sera très utile pour les plus jeunes juristes et pour ceux et celles qui doivent monter des formations. Ça donne des idées aussi, je pense, comment on fait… personne ne travaille en silo finalement et on travaille tous et toutes ensemble, surtout dans le domaine des droits humains, je pense. Donc, tous les partages des bonnes pratiques sont essentiels. Donc merci à vous deux je ne sais pas si vous aviez quelque chose à rajouter, qu’on n’a pas couvert. Si oui, c'est le moment et sinon je vous remercie une dernière fois.
Joseph : Pour moi, j'aimerais vous remercier pour votre modération aujourd'hui et c'était un grand plaisir. Merci.
Neyrouz : Moi aussi, je vous remercie pour ce podcast très intéressant et à bientôt pour d'autres podcasts, peut être, ou bien j'encourage d'autres collaborations.
Animatrice : Définitivement, je pense qu'on pourrait faire une suite, juste votre expérience de comment c'est d'utiliser le droit international constitutionnel, puis avec d'autres avocats canadien et sud-africain, ce pourrait être super intéressant. À garder en tête.
Neyrouz : Je veux ajouter quelque chose si vous me le permettez.
Animatrice : Bien sûr.
Neyrouz : Il faut noter aussi que la formation avec l'Association du Barreau canadien elle continue encore. Oui, nous avons une autre formation d'ici le 12 ou le 13 septembre, avec Maître… je ne me rappelle pas de son prénom, portant sur les féminicides, les phénomènes de féminicides à travers les traités internationaux et la constitution. Peut-être que nous allons élaborer une plaidoirie stratégique basée sur la constitution et les traités internationaux, en traitant du sujet de féminicide qui existe en Tunisie et avec l'Association du Barreau canadien [00:34:48]. La formation continue jusqu'en septembre, est-ce que vous avez une idée sur ces informations?
Animatrice : Écoutez, je ne le savais pas, mais je trouve ça extrêmement intéressant. C'est le même principe de formation qui est donné en mode hybride? C'est ça?
Neyrouz : Oui c'est ça.
Animatrice : Vous la suivez?
Neyrouz : Oui bien sûr. D'ici septembre je vais rencontrer Maître… je ne me souviens pas de son prénom. Il est spécialisé en droit constitutionnel, il est Canadien. C'est un avocat canadien de l'ABC, spécialisé en droit constitutionnel. De toute façon, merci beaucoup pour cet enregistrement et cette participation.
Animatrice : Merci à vous, et moi je pense que si on pouvait faire un suivi sur cette formation sur les féminicides et comment ça a été je pense que ce serait vraiment très intéressant étant un enjeu tellement actuel. On le garde en tête, moi je serais tout à fait intéressé si jamais ça vous intéresse qu'on fasse…
Neyrouz : Bien sûr. Je suis intéressée.
Animatrice : Parfait et on pourrait parler de ça aussi l'enjeu des féminicides en plus avec l'ABC, donc super on garde ça en tête.
Neyrouz : D’accord avec plaisir.
Vous écoutez Juriste branché, présenté par l'Association du Barreau canadien.
Animatrice : C'était donc ma conversation avec Joseph Chedrawe à Dubaï et Nérouze Jébalia en Tunisie. Merci beaucoup de votre écoute et n'hésitez surtout pas à nous contacter sur podcast@cba.org. À la prochaine.