Les pandémies et les milieux de travail : êtes-vous prêt?
Annonceur : Vous écoutez Juriste branché, présenté par l’Association du Barreau canadien.
Katherine : Bonjour et bienvenue à Juriste branché. Je suis votre animatrice Katherine Provost. Aujourd’hui, nous explorons un sujet en plein dans l’actualité : les pandémies. Avant que la crise du Coronavirus ne nous frappe en début 2020, l’ABC avait déjà développé un guide de conseil pour les juristes sur le sujet afin de les préparer au pire. Le guide se veut être une compilation de la législation, de la jurisprudence et des pratiques exemplaires applicables à divers contextes professionnels. Pour en discuter, nous recevons Me Sheila Osborne-Brown. Je tiens à vous aviser que pour cet entretien je suis à l’extérieur du pays et que je parle donc avec notre invité au téléphone ce qui pourrait expliquer une différence dans le son. Me Sheila a été impliqué auprès de l’ABC tout au long de sa carrière juridique. Elle a siégé au Comité de perfectionnement professionnel et au Comité des initiatives internationales, entre autres. Elle est également avocate principale et chef d’équipe à la Commission canadienne des droits de la personne. Finalement, elle a été membre du groupe de la section nationale du droit du travail et de l’emploi qui a produit Les pandémies et les milieux de travail, une ressource pour les avocats en 2014. Bienvenue à Juriste branché Me Osborne-Brown.
Me Osborne-Brown : Bonjour, je suis contente d’être ici.
Katherine : Merci beaucoup d’être là. Donc en quelques mots pour commencer l’épisode et pour s’assurer qu’on est tous sur la même longueur d’onde pourriez-vous nous expliquer la différence entre une épidémie et une pandémie.
Me Osborne-Brown : Oui, bien sûr. Une pandémie c’est un résultat d’une apparition d’une nouvelle maladie contagieuse qui se propage sur une vaste zone géographique et souvent entraîne des décès. Et si on consulte le site web de l’Organisation mondiale de la santé on voit aussi qu’une pandémie de grippe survient lorsqu’un nouveau virus grippal apparaît et se propage dans le monde entier et, souvent, il a une absence d’immunité dans la grande majorité de la population. Et en fait pour une épidémie c’est… il y a… c’est semblable en fait, mais normalement c’est juste dans une région ou un pays ou une ville. Ce n’est pas nécessairement propagé sur d’autres pays. Alors une pandémie a un côté international.
Katherine : Et aussi un niveau de danger, si je comprends bien, qui est plus grand qu’une épidémie ?
Me Osborne-Brown : C’est ça, oui.
Katherine : Donc en soi aujourd’hui on parle du guide Les pandémies et les milieux de travail. Quel est l’objectif de ce guide ?
Me Osborne-Brown : En fait ce guide a été préparé par un groupe de travail de la section du droit du travail et de l’emploi de l’ABC. La raison d’être c’était que nous voulions donner un guide pour que les avocats et les avocates soient préparés à donner des conseils à leurs clients dans le cas où il y aurait une pandémie. Et c’est peut-être plutôt aussi pour préparer les clients, pour que les avocats et les avocates puissent préparer les clients à se préparer pour une pandémie. Normalement, ce n’est pas quelque chose qui se passe souvent bien sûr, heureusement, mais quand on lit les guides et les sites web on voit que les autorités gouvernementales souvent disent qu’une pandémie va venir. On ne sait pas quand et on ne sait pas où, mais un jour il va y avoir une pandémie dans la société alors il faut être préparé pour ça.
Katherine : Oui, donc mieux vaut savoir tout de suite quoi dire à nos clients que d’avoir à faire la recherche plus tard.
Me Osborne-Brown : Oui, c’est ça, exactement. Il faut le faire à l’avance.
Katherine : Donc justement si on plonge dans le guide directement, l’employeur à une obligation de se préparer à une pandémie. En quoi est-ce que c’est la responsabilité de mon employeur de me protéger contre ce genre d’événement extraordinaire ?
Me Osborne-Brown : Normalement, les employeurs doivent être conscients de toutes les lois qui peuvent s’appliquer dans le cas d’une pandémie. Ça veut dire les lois qui sont liées avec la santé au travail et aussi les lois qui sont liées qui parlent des mesures d’urgence, des normes d’emploi, des droits de la personne et la santé-sécurité au travail parce que bien sûr les employeurs ont l’obligation, le devoir de fournir un milieu sain et un milieu de travail où la santé et la sécurité du travail est mis de l’avant.
Katherine : Donc dans le cas d’une pandémie on ne parle pas juste d’employeurs du milieu de la santé. On parle d’employeurs à la grande échelle ?
Me Osborne-Brown : Oui, exactement. Bien sûr, les employeurs dans la profession de la santé et les organisations qui sont dans le domaine de la santé, les hôpitaux par exemple, vont avoir plus à faire parce que bien sûr les gens qui sont malades vont venir aux hôpitaux. Alors le niveau de protection qu’on doit donner aux employés qui travaillent dans ces domaines c’est, je dirais que c’est plus haut. Il y a plus à faire pour protéger leurs employés, mais en même temps si dans le cas, et c’est rare bien sûr, mais dans le cas rare d’une pandémie tous les employeurs doivent faire ce qu’il faut faire pour protéger leurs employés, mais aussi leurs clients, les gens qui utilisent les services que l’organisation va offrir.
Katherine : D’accord, et quels genres de mesures est-ce qu’un employeur peut imposer pour protéger ses employés ?
Me Osborne-Brown : Alors je dirais que la première chose c’est de vraiment communiquer avec, ou être ouvert aux communications qui viennent des autorités gouvernementales parce que ça va être le gouvernement qui dit oui nous avons une urgence publique, nous avons une situation de crise sanitaire par exemple. Alors pendant une pandémie ou même une situation d’épidémie, une situation de crise sanitaire par exemple, l’employeur doit premièrement être conscient de ce que disent les autorités gouvernementales parce que c’est le gouvernement qui peut déclarer s’il y a une crise, une situation d’urgence de la santé publique, etc. Alors ces communications… l’employeur doit suivre ces communications de près. S’il y a une situation comme ça, une situation d’urgence l’employeur doit prendre des précautions. Par exemple de protéger les travailleurs contre les risques en milieu de travail, donner le droit aux travailleurs de connaître ces risques et de refuser d’exécuter des tâches qui pourraient être dangereuses par exemple et aussi peut-être de donner… s’il y a une situation comme ça, si par exemple y a des gens qui sont malades, ça peut être les employés, ça peut être la famille ou les enfants de l’employé alors l’employeur devrait examiner qu’est-ce que je peux faire pour ses employés pour qu’ils puissent faire le travail si c’est possible et est-ce que ça veut dire que je devrais offrir le télétravail. Est-ce que je peux changer les heures de travail par exemple, les choses comme ça. Alors il y a beaucoup de choses qui sont soulevées quand il y a une situation d’urgence de la santé publique.
Katherine : Oui, donc il faut vraiment que l’employeur devienne davantage flexible avec ses employés ?
Me Osborne-Brown : Oui, exactement, oui.
Katherine : Et puis une des mesures qui est discutée dans le guide est les vaccins donc dans le cas d’une grippe par exemple on pourrait faire vacciner nos employés. Mais bon en 2020 on sait que il y a encore des gens qui ne croient pas dans les bienfaits des vaccins donc est-ce que ces personnes auraient des recours pour accéder à l’emploi même si elles ne sont pas vaccinées ?
Me Osborne-Brown : Oui, c’est difficile… ça, c’est une question difficile en fait parce que vous avez raison. Il y a des gens qui pensent qu’ils ne devraient pas être vaccinés, qu’il y a des risques à la santé, mais en même temps les vaccinations sont très importantes surtout dans le temps d’une pandémie ou d’une épidémie. S’il y a un avocat ou une avocate qui donne des conseils à un employeur au sujet des vaccinations, il faut vraiment mettre en survol sur toutes les décisions des tribunaux pour savoir est-ce que je peux forcer un employé à avoir une vaccination ou non. Ce n’est pas quelque chose de facile, mais je sais que à cette époque, quand nous avons fait le guide en 2014, il existait des décisions qui disaient oui dans certains cas on avait le droit comme employeur de forcer un employé à être vacciné et si l’employé disait : « Non, je ne veux pas. » ça veut dire que l’employé doit s’abstenir du travail.
Katherine : Donc dans ce cas-ci disons que l’employé fait une demande de cesser de travailler, quels sont les recours qu’on peut demander si l’employeur refuse cette demande ?
Me Osborne-Brown : Normalement pendant une pandémie ou pendant une épidémie quand il s’agit des accommodements par exemple pour les employés c’est pas si différent que normal. Ça veut dire que si quelqu’un demande de faire le télétravail ou d’avoir des heures supplémentaires ou des heures différentes au travail et si l’employeur dit : « Non, on ne peut pas. » la première chose à faire c’est d’avoir une conversation avec l’employeur et avec le gestionnaire et expliquer pourquoi c’est très important qu’un employé puisse travailler de la maison par exemple pour expliquer la situation. Et normalement l’employeur a le droit à quelques informations dans un temps normal même s’il s’agit d’un accommodement qui est lié avec la situation de famille. L’employeur peut demander pourquoi est-ce que vous avez besoin de cet accommodement? Est-ce que vous avez essayé de faire d’autres arrangements ? Etc. Dans un temps d’urgence, dans un temps de crise sanitaire souvent ça va être très clair que l’employé a besoin d’accommodement par exemple et souvent il y a d’autres lois qui s’appliquent. Alors il y a les lois qui sont liées avec les droits de la personne, mais aussi les lois des normes d’emploi. Il y a certains droits à un congé par exemple pour faire les soins pour les familles et ça dépend des circonstances. Ça peut être un congé sans solde et ça peut être un congé qui est payé. Et il y a des situations différentes bien sûr, mais quelque chose qui est très important c’est qu’il y ait une communication entre l’employeur et les employés. Et dans un temps d’une pandémie ou même juste dans un temps normal c’est une bonne idée d’avoir un comité qui est fait des représentants de l’employeur et des employés comme ça la communication a déjà commencé avant qu’il y ait une crise ou une urgence. Ça peut sembler trop simple peut-être juste de dire il faut avoir de la communication, mais c’est très très important et dans un temps de crise c’est essentiel.
Katherine : Est-ce que vous recommandez de consulter un avocat ou de peut-être engager un avocat pour directement agir en tant que médium entre l’employeur et l’employé dans un moment de crise comme une pandémie ?
Me Osborne-Brown : Ce n’est pas nécessaire. Il peut y avoir des cas différents, mais normalement les discussions sur l’accommodement, sur les congés et les choses comme ça normalement ça se passe entre l’employé et le gestionnaire ou l’employé, le gestionnaire et un représentant du syndicat. Alors ce n’est pas nécessaire, mais je dirais que dans un temps de pandémie ou dans un temps d’épidémie ou même juste dans un temps de crise publique, par exemple comme c’était à Terre-Neuve il y a quelques semaines quand il y avait beaucoup de neige et toutes les organisations, les écoles ont été fermées pendant une semaine, c’est une très bonne idée pour un employeur d’engager un avocat ou une avocate juste pour donner des conseils au sujet des lois et aussi parce qu’il y a beaucoup de lois différentes qui s’appliquent dans un temps de crise. Il y a beaucoup de lois dans un temps normal bien sûr, mais ça se peut que les obligations d’un employeur soient plus hautes ou différentes dans un temps de crise.
Katherine : Oui, donc embaucher un avocat peut aider à naviguer un peu toutes ces lois et toute la jurisprudence ?
Me Osborne-Brown : Oui, exactement, et aussi les, je dirais, les liens entre les lois ou comment une loi peut être affectée par une autre. Et je veux dire par exemple les lois sur la vie privée, sur la confidentialité. Ces lois peuvent être appliquées un peu différemment dans un temps de pandémie, d’une épidémie, d’une crise sanitaire. Alors ça veut dire que s’il y a par exemple des risques de la santé qui sont présents ça peut donner à l’employeur le droit de demander un peu plus d’information de l’employé qu’un employeur ferait normalement. Alors c’est bien d’avoir des conseils juridiques à cet effet parce que ça peut être un peu compliqué. On ne peut pas demander trop. On ne veut pas entrer dans la vie privée de l’employé si ce n’est pas nécessaire. On ne veut pas avoir de l’information dont on n’a pas besoin, mais de temps en temps dans une situation de crise les lois normales qui sont appliquées à l’information qu’on cherche d’un employé sont différentes.
Katherine : D’accord, je comprends, oui. Et si on prend un moment de recul. Donc on a parlé beaucoup de la responsabilité de l’employeur au moment de la pandémie. On a dit aussi que le guide était une ressource pour préparer les avocats avant une pandémie. Dans le guide on parle aussi des responsabilités de l’employeur de se préparer. Est-ce que vous pourriez nous en dire plus sur les lignes directrices du guide en lien avec les plans d’interventions ?
Me Osborne-Brown : Oui, en fait dans le guide c’est quelque chose que nous avons abordé. C’est la préparation et la bonne préparation. Parce qu’une bonne préparation peut permettre à une entreprise de poursuivre ces activités en cas d’épidémie et favoriser de bonnes relations de travail durant et après une pandémie. En fait, ça fait partie d’une bonne stratégie de gestion de risque et tous les employeurs, toutes les organisations veulent avoir une bonne stratégie de gestion de risques pour beaucoup de situations. Alors c’est une bonne idée d’avoir un plan d’intervention qui est à jour. Lorsqu’un plan est établi c’est important de l’examiner chaque année ou toutes les deux années pour vérifier l’exactitude des noms, des coordonnées parce que bien sûr les gestionnaires changent. Aussi de temps en temps certains employeurs peuvent souhaiter mettre en pratique des parties de leur plan pour s’assurer qu’il fonctionne comme prévu. Alors les principaux éléments d’un plan d’intervention, il y en a beaucoup et ils sont listés dans le… énumérés dans le guide. Mais il faut avoir une planification de communication au personnel et au public comme par exemple qui les employés doivent appeler lorsqu’ils ne peuvent pas rentrer au travail, comment l’entreprise restera opérationnelle, quels postes sont ciblés pour la réaffectation. Alors ça, c’est très important. Ce sont des éléments du plan qui sont essentiels. Aussi juste la gestion des risques : quelles stratégies peuvent être mises en place pour réduire la propagation de la maladie en milieu de travail, la bonne hygiène, amélioration des procédures de nettoyage, etc. Et aussi le processus d’identification de gestion des employés qui se présentent au travail malade ou qui tombent malades au travail. Alors il y a beaucoup d’éléments.
Katherine : Mais la règle d’or, de ce que je comprends, ça serait autant pour les entreprises que pour les juristes que pour les employeurs et les employés on devrait être prêt en avance à réagir à une pandémie plutôt que d’y faire face et de devoir un peu improviser au fur et à mesure.
Me Osborne-Brown : Oui, c’est exact.
Katherine : Donc pour terminer notre épisode est-ce que vous pourriez nous dire un peu ça serait quoi le grand conseil pour un juriste qui se retrouve en plein cœur d’un cas légal de pandémie ? Avec quelle jurisprudence est-ce qu’on devrait se familiariser ou avec quelle loi est-ce qu’on devrait aller… sur laquelle se pencher ?
Me Osborne-Brown : Oui, en fait c’est vrai que vous allez voir… les gens vont voir dans le guide qu’il y a beaucoup de catégories de lois qui sont applicables au temps d’une pandémie ou d’une épidémie. Les lois qui sont liées avec les mesures d’urgence et avec la santé publique et bien sûr les normes d’emploi et aussi les lois sur les droits de la personne et la protection de la vie privée et aussi les lois l’accessibilité. Je dirais qu’aussi les avocats et les avocates devraient regarder le guide pour voir les types de décisions des tribunaux et des cours qui sont applicables et puis après ça bien sûr de voir dans les ressources quelles sont les autres décisions qui sont apparues depuis 2014 et ça veut dire les lois aussi bien sûr. Et puis je dirais que, juste pour donner un dernier mot, je dirais que pour traverser une crise sanitaire majeure et généralisée il est essentiel d’entretenir des communications efficaces et d’excellentes relations en milieu de travail. En fait, les meilleurs conseils dans une situation comme ça sont, je dirais, être conscient des risques pour la santé, avoir un comité ou une équipe active de santé et sécurité et je dirais que c’est essentiel de tenir à jour un plan d’intervention en cas de pandémie. Ça, c’est très important. Et que les avocats et les avocates apprennent comment donner des conseils aux employeurs quand il y a un temps de crise juste comme ils donneraient des conseils dans un temps normal.
Katherine : Merci Me Osborne-Brown de votre participation à notre série de balado. Vos explications ont certainement jeté des lumières sur plusieurs aspects moins bien connus des pandémies. À nos auditeurs maintenant, je vous invite à vous rendre au CBA.org/pandémies pluriel pour trouver Les pandémies et les milieux de travail. Vous aurez besoin de votre numéro de membre pour y accéder. N’hésitez pas à partager cet épisode sur vos réseaux sociaux et à nous suivre sur Twitter, Facebook, LinkedIn ou Instagram. Pour nos épisodes précédents et futurs, abonnez-vous à Juriste Branché sur Apple Podcasts, Stitcher et Spotify et n’hésitez pas à nous laisser des évaluations sur ces plateformes. Vous y trouverez également notre balado en anglais The Every Lawyer. Merci encore et à la prochaine.