Annexe A
L’ACCÈS DES PERSONNES TRANS À LA JUSTICE
Recommandations
Nos recommandations visant à éliminer les obstacles mentionnés dans le rapport sur cinq facteurs clés :
- Les personnes trans doivent être soutenues pour diriger l'élaboration et la mise en œuvre de toutes les recommandations, ainsi que l'élaboration du matériel, des outils, etc., associés aux recommandations.
- Une perspective intersectionnelle qui tient compte des différentes expériences des personnes trans ayant différentes identités et circonstances doit être utilisée à toutes les étapes de l'élaboration et de la mise en œuvre des recommandations.
- Sans revenu, logement et accès à des services sociaux et des services de santé appropriés, la vie des personnes trans ne s'améliorera tout simplement pas.
- Remanier les règles, les politiques, les lois ou les règlements ne suffit pas. La réforme des lois et un changement systémique sont plutôt nécessaires, car bon nombre des causes profondes des problèmes juridiques des gens découlent des règles, politiques, lois, règlements et systèmes passés et actuels. Dans le cadre de cette réforme, il faut mettre en œuvre des processus d'intervention préventive et de règlement précoces, par opposition aux seuls processus dans les tribunaux, pour répondre efficacement aux besoins juridiques des personnes trans.
- Ce travail doit être accompli de manière à respecter les droits souverains des peuples autochtones du Canada, à intégrer les approches de justice autochtone et à répondre aux appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et aux appels à la justice de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Les personnes trans et bispirituelles autochtones doivent être soutenues pour diriger ce travail essentiel.
SOUTIEN AUX PROFESSIONNELS ET PROFESSIONNELLES DU DROIT TRANS
Les personnes trans devraient être encouragées à suivre une formation juridique et être soutenues, encadrées et financées pour le faire. Les personnes trans devraient être soutenues pour qu’elles puissent diriger des initiatives qui visent ou touchent leurs communautés.
Recommandations
- Les personnes trans devraient être soutenues pour qu’elles puissent diriger des initiatives en lien avec les personnes trans et les enjeux propres aux personnes trans.
- Les établissements d’enseignement juridique devraient financer les efforts de recrutement d’étudiantes et d’étudiants issu·e·s de communautés trans.
- Les établissements d’enseignement juridique devraient offrir un financement complet et des ressources, y compris du mentorat, pour soutenir les étudiants et étudiantes trans.
- Les personnes trans devraient être soutenues pour qu’elles puissent diriger des initiatives visant à éliminer la discrimination à laquelle elles sont confrontées dans la profession juridique.
- Les établissements d’enseignement juridique devraient éduquer tous les membres du personnel et du corps professoral sur les identités trans et veiller à ce que les étudiants et étudiantes, les membres du personnel et les membres du corps professoral qui sont trans soient traités avec respect et dignité.
- Les établissements d’enseignement juridique devraient inclure du contenu sur les personnes trans dans les cours portant sur l’éthique, la gestion des clients et des pratiques, ainsi que dans les domaines juridiques importants qui ont une incidence sur les personnes trans. Dans la mesure du possible, ce contenu devrait être développé et livré par des personnes trans.
- La Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et les barreaux devraient mettre à jour les codes de déontologie afin de rendre explicite que le fait d’utiliser un morinom, de mégenrer ou de maltraiter les renseignements personnels des personnes trans de manière intentionnelle constitue un manquement à la responsabilité professionnelle d’un juriste, et faire appliquer les règles existantes exigeant la non-discrimination et la civilité.
- Les barreaux devraient mettre à jour leurs ressources professionnelles, leurs programmes d’admission à la profession juridique, leurs listes de vérification et leurs exigences en matière de formation continue pour améliorer le niveau de compétence et de sensibilisation des juristes pour leurs clients trans, ainsi que la connaissance des problèmes juridiques importants propres aux personnes trans.
- Les barreaux devraient mettre à jour leurs bases de données pour que les juristes puissent dresser une liste de leurs pronoms, de leurs titres et de leurs noms exacts afin d’éviter le mégenrage et l’utilisation de morinoms.
- Les professionnels du droit devraient participer activement au changement de la culture de la profession afin de lutter contre la transphobie endémique qui touche les clients et clientes trans, les juristes trans et les étudiants et étudiantes trans.
FORMATION PROFESSIONNELLE
Tous les acteurs du système de justice, ainsi que les prestataires de soins de santé, devraient être éduqués sur les identités trans.
Recommandations
- Au Canada, les barreaux devraient exiger au moins trois heures de formation obligatoire sur l’équité, la diversité et l’inclusion par cycle de rapport, y compris une heure de formation sur les compétences requises pour aider les personnes trans.
- Tous les tribunaux judiciaires et administratifs devraient mettre en œuvre des politiques relatives à l’utilisation des pronoms, de la langue et des titres, y compris celles relatives à la sécurité et à la confidentialité.
- Tous les juges et le personnel des tribunaux judiciaires, ainsi que les interprètes qui aident les clients et clientes ou qui comparaissent devant les tribunaux, devraient recevoir une formation obligatoire et continue sur les compétences nécessaires en lien avec les clients et les clientes trans.
- Tous les juges et le personnel des tribunaux administratifs, ainsi que les interprètes qui aident les clients et clientes ou qui comparaissent devant les tribunaux, devraient recevoir une formation obligatoire et continue sur les compétences nécessaires en lien avec les personnes trans.
- Les établissements d’enseignement juridique devraient intégrer l’éducation et la formation sur les enjeux en lien avec les personnes trans à leur programme.
- Les barreaux devraient évaluer la compétence sur les enjeux en lien avec les personnes trans dans le cadre de l’admission au barreau et à titre de parajuristes.
- Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient exiger et financer une formation continue sur les compétences nécessaires pour aider les personnes trans, adaptée aux employés de l’aide juridique (notamment les juristes), aux cliniques juridiques, aux juristes en pratique privée et aux parajuristes.
- Les organismes de réglementation pour les professionnels de la santé au Canada devraient exiger au moins trois heures de formation obligatoire sur l’équité, la diversité et l’inclusion par cycle de rapport, y compris une heure de formation sur les compétences nécessaires pour aider les personnes trans.
- Les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux devraient exiger que les fonctionnaires suivent une formation obligatoire et continue sur les questions liées aux personnes trans.
SERVICES JURIDIQUES
De nombreuses personnes trans n’ont pas accès à des renseignements juridiques et à des services juridiques spécifiques aux personnes trans. Les services juridiques requis comprennent des conseils juridiques, une représentation et des renvois, ainsi que des activités de développement communautaire et de réforme du droit. Ce besoin devrait être comblé.
Recommandations
- Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient assurer un financement adéquat et durable des services d’aide juridique partout au Canada, particulièrement dans les communautés autochtones et racialisées.
- Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient financer des cliniques juridiques dirigées par des personnes trans, financées par le gouvernement, mais indépendantes de celui-ci, qui fournissent des services juridiques gratuits.
- Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient financer les services juridiques à distance pour les clients trans. Au besoin, les frais de déplacement et l’accès aux données et au matériel informatique devraient être correctement financés pour accroître la gamme de services juridiques.
AMÉLIORATION DE LA TRANSPARENCE ET DE LA RESPONSABILISATION À L’ÉGARD DU PUBLIC
Les expériences vécues par les personnes trans mettent en lumière des obstacles systémiques intégrés dans des règles, des politiques, des lois, des règlements, des systèmes, des programmes et des organisations, ou créés par ceux-ci. Les organisations publiques qui jouent un rôle dans l’expérience des personnes trans en matière de justice doivent améliorer leur transparence et leur responsabilisation à l’égard du public, avec une surveillance accrue et des mesures correctives pour améliorer l’inclusion des personnes trans.
Recommandation
- Les entités publiques et privées devraient être tenues responsables des systèmes existants et des exclusions individuelles fondées sur l’identité ou l’expression de genre et être amenées à les corriger. Les entités publiques et privées devraient évaluer de façon critique leurs politiques et leurs pratiques, rendre compte publiquement de leurs conclusions, mettre en œuvre des mesures correctives et rendre compte publiquement des progrès réalisés.
TRIBUNAUX JUDICIAIRES ET TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS INCLUSIFS
Les personnes trans devraient être en mesure d’accéder au système de justice sans craindre de voir leur identité trans divulguée contre leur gré, d’être victimes d’agressions, d’être victimes de mégenrage ou d’être appelées par un mauvais nom. Les tribunaux judiciaires et les tribunaux administratifs doivent être un endroit sécuritaire où les personnes trans peuvent travailler ou interagir avec d’autres personnes.
Recommandations
- Tous les tribunaux devraient :
- Mettre à jour leurs pratiques courantes afin d’y inclure les pronoms et les titres à utiliser lors de la présentation des participants et participantes.
- Utiliser le terme « maître » comme titre pour les avocats plutôt que de continuer à utiliser les titres genrés.
- Adopter un langage épicène pour les postes officiels du tribunal, comme « Juge », afin d’éviter les termes genrés, comme « Madame la juge » ou « Madame la greffière », créant ainsi un environnement plus sûr pour les personnes de diverses identités de genre qui veulent être nommées à des postes du tribunal ou qui pourraient dévoiler leur identité au travail.
- Utiliser un style de rédaction épicène et inclusif.
- Évaluer leurs installations afin de garantir qu’il y a des toilettes et des salles d’apparat sécuritaires et accessibles pour les personnes trans, y compris les personnes non binaires.
- Examiner leurs politiques de communication interne pour s’assurer que tous les courriels reçus ou envoyés par le tribunal utilisent les bons pronoms et un langage inclusif.
- Examiner leurs pratiques d’embauche pour le personnel et les greffiers et greffières afin de s’assurer que les normes en matière de genre ne mènent pas à l’exclusion de candidats et candidates trans qualifié·e·s.
- Les tribunaux qui disposent de directives de pratique et d’avis à la communauté juridique au sujet des pronoms et des formules de politesse devraient les appliquer et empêcher le recours aux tribunaux et aux procédures judiciaires pour divulguer l’identité trans de participants et participantes trans dans le système de justice, ou les morinommer ou mégenrer.
RÉFORME DES LOIS RELATIVES À L’ÉQUITÉ EN MATIÈRE D’EMPLOI
La discrimination continue en matière d’emploi exclut les personnes trans de l’emploi. Des mesures de protection supplémentaires devraient protéger les personnes trans contre la discrimination en milieu de travail.
Recommandation
- Toutes les lois relatives à l’équité en matière d’emploi au Canada devraient protéger explicitement toutes les personnes qui font face à la marginalisation fondée sur le genre, y compris les personnes trans de toutes identités.
RÉFORME DU DROIT PÉNAL
La loi elle-même cause de nombreux problèmes aux personnes trans. Une réforme est nécessaire, en consultation avec les communautés les plus touchées. Toutes ces réformes devraient s’appuyer sur une analyse intersectionnelle de l’équité, de la diversité et de l’inclusion.
Recommandations
- Le gouvernement fédéral devrait éliminer les peines minimales obligatoires.
- Le gouvernement fédéral devrait adopter un régime de peines révolues, où le casier judiciaire d’une personne est automatiquement scellé après un certain temps.
- Le gouvernement fédéral devrait modifier les lois criminelles qui contribuent à la criminalisation des personnes trans, y compris en ce qui concerne la non-divulgation du VIH, le travail du sexe et les drogues, en consultation avec les personnes trans vivant avec le VIH, les personnes trans qui se livrent au travail du sexe et les personnes trans qui consomment des drogues.
- Tous les niveaux des services de police, y compris l’ASFC, devraient être contraints de cesser de cibler les personnes trans et de leur demander de présenter une pièce d’identité, et cesser d’intervenir de manière excessive.
PIÈCES D’IDENTITÉ
De nombreux régimes administratifs gouvernementaux liés aux pièces d’identité reposent sur des stéréotypes nuisibles au sujet des personnes trans et comprennent des obstacles inutiles comme une preuve d’identité onéreuse, des coûts prohibitifs et le contrôle exercé par les juristes, les notaires, les commissaires et les médecins. Cela prive de nombreuses personnes trans d’avoir accès à des pièces d’identité, ce qui est non seulement discriminatoire et déshumanisant, mais a une incidence sur leur pleine participation à la société. Il devrait être aussi facile de mettre à jour une pièce d’identité que de mettre à jour son adresse.
Les personnes trans doivent recevoir des pièces d’identité qui reflètent leur identité.
Recommandations
- Les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral devraient modifier immédiatement leurs pratiques actuelles de délivrance de pièces d’identité pour éliminer les obstacles auxquels sont confrontées les personnes trans, y compris les processus de demande onéreux, le manque de coordination entre les ministères gouvernementaux et les exigences relatives au consentement des parents.
- Les frais associés à l’émission ou à la modification de pièces d’identité devraient être annulés pour tout le monde, en particulier les personnes trans ou bispirituelles autochtones qui veulent reprendre le nom de famille de leur lignée.
- Des réparations pour les conséquences d’avoir dû subir une chirurgie génitale qui rend stérile comme condition préalable à la mise à jour du marqueur de genre devraient être payées.
- Les personnes trans ou bispirituelles autochtones devraient être soutenues pour se réapproprier des noms autochtones. À cette fin, les gouvernements devraient notamment :
- Mettre à jour leurs systèmes à Unicode afin de produire des pièces d’identité et d’autres dossiers utilisant des caractères autres que l’alphabet latin (comme des caractères en langues autochtones) et des marques diacritiques (qui indiquent la prononciation).
- Modifier la législation sur les noms pour permettre les noms à un seul mot.
- Les organismes gouvernementaux provinciaux et territoriaux devraient mettre fin à l’exigence d’attribution obligatoire du sexe ou du genre dans les dossiers de naissance et tous les dossiers gouvernementaux, et supprimer les exigences actuelles relatives à l’affichage obligatoire ou aux marqueurs de sexe ou de genre sur les pièces d’identité gouvernementales.
- La citoyenneté ne devrait pas constituer un obstacle à l’obtention ou à la mise à jour des pièces d’identité.
- Quel que soit le statut des pièces d’identité d’une personne trans, tous les ordres de gouvernement, les prestataires de services juridiques et les tribunaux devraient :
- Adopter la langue et les marqueurs de genre que les personnes trans demandent et donner accès aux services et aux installations nécessaires, comme les toilettes et les vestiaires.
- Mettre à jour les procédures et les pratiques de gestion des données afin de protéger les personnes trans contre une divulgation involontaire.
FINANCES, LOGEMENT, SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX
Les personnes trans ont un revenu statistiquement inférieur à celui des autres personnes au Canada et sont souvent victimes de discrimination, notamment en matière d’emploi et de logement. Beaucoup manquent de soutien financier, social et émotionnel en raison de leur isolement de leur famille. Les personnes trans devraient avoir accès à des services sociaux adaptés aux personnes trans.
Recommandations
- Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient mettre en œuvre des programmes pour assurer la sécurité du revenu de toutes les personnes trans.
- Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient mettre en œuvre des programmes pour assurer que toutes les personnes trans ont accès à un logement abordable.
- Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient assurer un financement adéquat pour la santé des personnes trans, ce qui inclut la santé mentale et les services sociaux, pour toutes les personnes trans.
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