Comment transformer votre cabinet en bureau (presque) sans papier

  • 05 juin 2008
  • Ann Macaulay

Arbres de la planète, réjouissez-vous! Le bureau sans papier n’est plus une utopie, c’est déjà une réalité pour plusieurs avocats. Les progrès technologiques des dernières années ont permis aux avocats d’arrêter de classer des rames de papier, et facilité une conservation électronique des dossiers. Un jour, tous les avocats travailleront vraisemblablement ainsi, affirment plusieurs juristes qui ont déjà dit adieu aux classeurs remplis de documents.

Selon les partisans du bureau sans papier, la commodité pour les avocats, l’efficacité pour les clients et, éventuellement, de substantielles économies pour les cabinets juridiques justifient pleinement ce passage du papier à l’électronique.

« L’électronique, c’est l’avenir du milieu de travail », affirme Carole Curtis, avocate en droit de la famille à Toronto. « Il ne sera pas possible d’éliminer complètement le papier, mais il peut et il devrait y en avoir beaucoup moins. » Son cabinet juridique a entrepris de passer du papier à l’électronique en 2000. « Nous avons commencé à tout scanner sur le disque dur et à nous débarrasser du papier. Quand l’avocat de la partie adverse nous envoie une lettre, nous la scannons, elle est conservée électroniquement dans l’ordinateur et le papier est recyclé. Nous ne conservons pas le papier. Nous ne le classons pas dans le dossier du client. Nous n’imprimons pas nos courriels. Le dossier réel est électronique. »

Quand elle prononce des conférences sur le bureau sans papier, Me Curtis affirme que la plupart des avocats adhèrent au principe, et que certains sont même enthousiastes. Elle est toutefois surprise que l’idée se soit propagée si lentement dans les milieux juridiques : « La résistance des avocats à reléguer le papier à un statut inférieur est très intéressante », déclare-t-elle.

Selon Me Curtis, plusieurs avocats aiment bien l’idée de scanner des documents sur le disque dur, mais ils hésitent à se débarrasser du papier. « Ils sont horrifiés à l’idée d’un vrai monde sans papier. » Plusieurs personnes s’inquiètent que la méthode actuelle de lecture des documents tombe en désuétude dans un proche avenir, alors que la conservation de documents a fait ses preuves depuis des siècles. « J’ai cette inquiétude aussi, dit Me Curtis, mais cela ne m’empêche pas d’aller de l’avant. J’aurai tout simplement à transférer les données à un format différent. »

Les avocats veulent conserver certains dossiers en format papier, tels les documents de cour ou l’information financière. La décision qui devra être prise à cet égard ne sera pas « blanc ou noir ».

Le fait que ses secrétaires ne passent pas leur temps à classer et à manipuler du papier constitue l’un des principaux avantages du bureau électronique, dit Me Curtis. « Nous payons nos secrétaires bien trop cher pour en faire des employées qui trient et classent du papier. Mon personnel a trouvé merveilleux de ne pas être responsable de papier, dit-elle. Et personne, au cours des six dernières années, n’a eu à demander : où est le dossier Jones? Parce que tout le monde sait où il se trouve, dans l’ordinateur. »

Changer d’attitude

Les adversaires argumentent que le bureau sans papier est annoncé depuis des décennies et que l’utilisation du papier a de fait augmenté. Les utilisateurs d’ordinateurs peuvent facilement presser le bouton « Imprimer » et accumuler un vaste éventail de documents en format papier. Certains évoquent l’importance de toucher le papier et de conserver un dossier. « Le véritable bureau sans papier sera accepté par les avocats quand ils accepteront une véritable toilette sans papier. »

Le plus grand obstacle au bureau sans papier « n’est pas technologique, il est conceptuel », déclare John Salloum, avocat responsable du groupe national de marketing et de publicité au cabinet Heenan Blaikie s.r.l. L’information n’est plus conservée dans une chemise, elle se trouve dans un répertoire sur le disque dur. Personne ne peut manipuler le dossier ou toucher le papier – et certains avocats y voient un concept difficile à gérer. Il faudrait d’abord examiner les attitudes.

« Vous devez changer votre façon de voir les dossiers des clients », poursuit Me Salloum. Choisissez le domicile du dossier : est-il conservé à une seule adresse électronique ou à plusieurs? Par exemple, les courriels peuvent être conservés dans des dossiers électroniques avec d’autres documents et de la correspondance, plutôt que dans Outlook.

Me Salloum conserve dans Outlook des dossiers classés selon les clients et les causes. « Dans le dossier du client se trouve chaque affaire à laquelle j’ai travaillé. Et toute la correspondance reçue de ce client est classée au même endroit. J’ai aussi un répertoire dans Windows organisé selon la même méthode : il y a le nom du client et chacune de ses affaires. Alors, si je cherche quelque chose de ce client, je sais que je n’ai qu’à vérifier à deux endroits. »

Ce dont vous aurez besoin

Voici quelques outils qui vous aideront à réaliser un bureau sans papier :

  • un scanner
  • un programme comme Adobe Acrobat pour créer des documents PDF
  • un moteur de recherche pour la gestion de vos documents
  • un système de secours

Achetez un bon scanner et scannez chaque document dès qu’il est reçu par le cabinet. Il y a sur le marché un vaste éventail de scanners, des petits portables aux copieurs numériques à haute vitesse qui peuvent même remplacer la photocopieuse du bureau. Procurez-vous un scanner avec un alimentateur de documents pour que personne n’ait à se tenir debout près de l’appareil en scannant une feuille à la fois.

Les documents scannés peuvent être conservés comme une image Tiff ou en format de document portable (PDF). Achetez le logiciel Acrobat Reader pour créer ou modifier des documents PDF.

Une fois le document scanné, utilisez un logiciel de reconnaissance optique de caractères (ROC) pour traduire le texte et le rendre interrogeable. « Une fois que le document est passé par la ROC, classez-le à un endroit oùGoogle Desktop peut l’indexer, dit

Me Salloum. Et voilà, en gros, comment le système fonctionne. »

Me Salloum se souvient que son adjoint administratif a regimbé quand il a commencé son système « scanner et déchiqueter ». L’adjoint lui a demandé : « Vous voulez vraimentdéchiqueter les originaux? » Il reconnaît que certains avocats peuvent justifier la conservation de documents – ceux avec des signatures par exemple. Mais Me Salloum dit ne pas avoir besoin de conserver les dossiers originaux dans son cabinet.

Recherche de fichiers dans votre ordinateur de bureau

Recherchez le moteur de recherche qui fonctionne le mieux dans votre système. L’utilisation d’un moteur de recherche ne rallie pas tout le monde, mais il peut faciliter la recherche de fichiers et de courriels. Me Salloum fait l’éloge de Google Desktop (http://desktop.google.com), logiciel gratuit qu’il utilise comme gestionnaire de documents personnels. Google Desktop sert d’outil de recherche pour ses dossiers de courriels, pour les entrées à l’agenda, les répertoires de réseau, ainsi que les dossiers et fichiers dans le répertoire Windows, et même des répertoires partagés entre praticiens. La recherche se fait simultanément dans tous ces répertoires. « Par conséquent, si je n’ai jamais travaillé dans un dossier en particulier, ou s’il s’agit d’une thématique que je ne connais pas, je peux entrer une locution et je trouve souvent des documents que j’ai écrits dans le passé et cela m’aide à cerner la question plus rapidement », dit-il.

Simon Chester, collègue de Me Salloum à Heenan Blaikie, utilise Copernic(http://www.copernic.com)  comme moteur de recherche pour son ordinateur de bureau. Il s’agit d’un produit gratuit conçu par une entreprise montréalaise. « J’utilise constammentCopernic Desktop sur mon ordinateur pour tout indexer, y compris mon historique Web, déclare Me Chester. Alors, si j’ai visité un site Web il y a trois jours et ne m’en souviens pas, ces renseignements seront également affichés. »

Selon Me Chester, l’efficacité d’une recherche rapide l’attire particulièrement – et il n’est pas le seul. Des avocats de tout âge s’intéressent à ces outils de recherche. Il s’est récemment adressé à un groupe de praticiens solo ou en petits cabinets de région dont l’âge moyen était de 60 ans. « J’étais renversé par leur ouverture à cette technologie », poursuit Me Salloum.

Cela n’est guère surprenant, compte tenu de l’amélioration constatée par Me Chester dans son propre cabinet avec la gestion numérique des documents. Il évoque notamment « un service à la clientèle amélioré, un accès organisé à toutes les composantes d’un dossier. Le logiciel améliore la vitesse de réaction et la constance. Vous savez que vous avez un outil qui trouvera la jurisprudence plutôt que de dire : Ah oui, je pense que ce jugement était dans une de ces quatre boîtes… là-bas… sur un de ces trois dossiers. Je ne me souviens pas exactement où je l’ai mis, mais je prendrai le temps qu’il faut pour le retrouver. »

En dépit de la paranoïa qui entoure l’abandon définitif des documents papier, les entreprises sont généralement de plus en plus à l’aise avec les formats numériques. Et comme le souligne Me Chester, « les lois ont été modifiées au point où tout document numérique est maintenant considéré comme l’équivalent fonctionnel du document papier. Alors, il n’y a vraiment aucune raison – du point de vue juridique – pour affirmer la supériorité du papier sur les documents électroniques. »

L’enseignement du maître

Adobe Acrobat est l’ingrédient clé du bureau sans papier, affirme David Masters, un avocat de Montrose (Colorado) et auteur de volume The Lawyer’s Guide to Adobe Acrobat. Selon lui, le format PDF est idéal pour conserver et manipuler des documents. La cour fédérale des États-Unis et tous les systèmes de classement judiciaire qu’il connaît utilisent les systèmes de classement des causes en format PDF.

Après avoir transformé son propre bureau en milieu sans papier et déposé ses documents électroniquement au tribunal au moyen de fichiers PDF, l’avocat Masters a compris qu’éventuellement, tous les avocats seraient obligés d’apprendre à faire la même chose. « Si vous voulez devenir un avocat efficace durant ce siècle, vous devrez pouvoir fonctionner avec des fichiers PDF. » Il conseille cependant aux avocats de ne pas tenter de s’en tirer avec le programme gratuit d’Acrobat Reader. « C’est insuffisant. Vous devez dépenser de l’argent » et mettre Adobe Acrobat à niveau.

La plupart des avocats affirment vouloir reproduire jusqu’à un certain point la façon de travailler avec des documents papier, par exemple pour annoter les documents. AvecAcrobat, un avocat peut prendre une pile de documents, y attacher des notes et surligner des choses, dit Me Masters. Les usagers peuvent annoter les documents, ajouter des signets et souligner des sections. Ils peuvent ajouter des pages, les retirer ou les faire pivoter. « Toutes ces démarches ressemblent à la manipulation de documents papier dans les dossiers. C’est très facile avecAcrobat et avec des fichiers PDF. Au fond, c’est tout ce que la plupart des avocats ont besoin de faire. »

Adobe a récemment ajouté des caractéristiques à l’intention du marché juridique, y compris le numérotage et la rédaction Bates.

Faites une sauvegarde de votre système… souvent!

« Qu’arrive-t-il à mes documents si mon ordinateur se plante », s’inquiètent plusieurs avocats. « Ma réponse, dit Me Masters, est la suivante. Qu’arriverait-il à vos documents si votre bureau était incendié, ou inondé, ou détruit par un séisme, une tornade ou un ouragan? Où sont les copies de sauvegarde de vos dossiers papier? Les documents numérisés peuvent être sauvegardés et copiés. Vous pouvez en distribuer des copies à divers endroits. C’est bien plus sécuritaire que des documents sur papier. »

Le meilleur moyen de sauvegarder des fichiers, c’est de le faire de plusieurs façons, dit Me Masters. « Ruban magnétique, disques durs portables, synchronisation, copies CD/DVD périodiques. Copiez les données et sortez-les du bureau. Faites-le souvent et testez régulièrement votre capacité à récupérer des fichiers dans les médias de sauvegarde. »

« La sauvegarde, c’est le sine qua non du bureau sans papier », dit Me Curtis. À son bureau, les fichiers sont sauvegardés tous les jours, tâche qui ne s’avère pas difficile. « Nos ordinateurs sont programmés pour commencer une sauvegarde à minuit. Cela prend environ cinq heures. Et tous les matins, ma secrétaire ou mon commis comptable prennent le ruban magnétique, la mettent dans leur bourse et la transportent à l’extérieur du bureau chaque jour. Au plus, nous pourrions perdre une journée de données. À tous les trois mois, j’emporte une bande à la maison et je la conserve à domicile pendant deux ans. J’ai donc une seconde sauvegarde. Et tout ça peut se faire rien qu’en mettant une bande grosse comme une cassette dans un sac à main ou dans une serviette, et en l’apportant à la maison tous les jours. Mais là n’est pas le débat. C’est la sauvegarde elle-même, qui constitue un élément essentiel du programme. Cela nécessite vraiment un effort minime. »

Allez chercher de l’aide

Si vous ne connaissez pas beaucoup la technologie, embauchez une personne pour vous aider à démarrer. Me Curtis emploie un expert externe qui travaille beaucoup avec des petits cabinets juridiques et des entreprises. « C’est ce que doivent faire les avocats, dit-elle. Je suis choquée quand des avocats me disent – et ils sont nombreux – que leur fils ou leur fille de 14 ans sont leur ressource informatique. C’est ridicule. » Ils sont peut-être habiles en informatique, mais ils n’ont pas le sens des affaires.

Me Curtis utilise GoToMyPC (www.gotmypc.com), un site qui assure une connexion sécuritaire et privée entre ordinateurs branchés sur Internet. Le logiciel permet à l’utilisateur, où qu’il soit sur la planète, de communiquer avec son ordinateur. Même sa personne-ressource peut communiquer à distance avec les ordinateurs du cabinet et effectuer au besoin des réparations. La capacité de travailler à distance dans des dossiers de clients durant les voyages d’affaires constitue un grand avantage.

« C’est fantastique de pouvoir communiquer avec mon ordinateur à partir d’une chambre d’hôtel, dit Me Curtis, qui n’apporte pas dans ses voyages de clé USB ou de disque, ni même un ordinateur parce que la plupart des hôtels ont maintenant des centres d’affaires où vous avez accès à des ordinateurs. »

Vous avez déjà fait un bout de chemin

Le passage à un bureau sans papier n’est pas aussi difficile que vous le croyez. La plupart des cabinets juridiques utilisent déjà la facturation électronique et plusieurs font leurs inscriptions au rôle de cette façon, soit en utilisant Outlook ou un logiciel de gestion de la pratique comme Amicus ou AbacusLaw. « Il y a donc deux éléments importants de la pratique qui s’effectuent sans papier, déclare Me Masters. Et les gens n’y pensent même pas. »

Regardez de près votre pratique. Avez-vous des dossiers qui traînent pendant des années? Travaillez-vous en équipe? Comment travaillez-vous avec votre adjoint? Quelles sont les attentes de vos clients? Utilisez-vous un télécopieur ou vos documents sont-ils surtout expédiés par courriel? Les réponses à ces questions détermineront l’ampleur de la tâche qui vous attend si vous décidez de transformer votre cabinet en bureau sans papier.

Presque personne n’utilise une machine à écrire de nos jours – la grande majorité des cabinets produisent des documents électroniquement au moyen d’ordinateurs et de logiciels de traitement de texte. Ainsi, la préparation de documents se fait déjà sans papier. « Il ne reste que l’entretien des dossiers des clients », déclare Me Masters, estimant que 90 % des cabinets juridiques conservent toujours leurs dossiers de clients en format papier. Il se demande pourquoi. « Trois quarts de leur pratique s’effectuent déjà sans papier et pourtant ils ne veulent pas franchir cette dernière étape. »

Me Masters recommande aux avocats de s’asseoir et d’examiner leur méthode d’organisation des dossiers de clients en format papier, et simplement de reproduire cette méthode dans le monde numérique. Il conseille de faire d’abord des petits pas et d’atteindre graduellement un rythme de croisière. « N’attendez pas. Faites-le tout de suite, dit-il. Quand une masse critique de cabinets, de tribunaux et d’entreprises clientes auront complété leur transformation, les autres devront suivre ou être laissés de côté. Quand vous aurez vous-même atteint votre point de basculement, vous vous hâterez d’en finir et vous demanderez pourquoi vous aviez attendu si longtemps. »

Commencez avec la prochaine affaire qui se présente à votre cabinet et traitez-la numériquement, ou prenez un dossier existant et transformez-le, pour l’entretenir ensuite électroniquement pendant un certain temps. Développez un système au sein duquel vous êtes confortable, et trouvez une façon simple de nommer et de sauvegarder des fichiers.

Ce n’est pas très complexe, poursuit Me Masters. Bien sûr, il y aura des obstacles à franchir. « Il nous a fallu quelques années pour régler le titrage des fichiers, l’organisation des dossiers et des choses du genre. Mais une fois que vous avez trouvé ce que vous cherchez, prenez cette structure et commencez à l’appliquer aux nouveaux mandats. Et commencez à transformer les dossiers existants, dans la mesure du temps disponible. À un certain point – et je vous assure que les gens agissent ainsi – après qu’ils ont deux ou trois affaires sans papier, ils se hâtent de tout transformer! C’est tellement plus facile. »

Me Masters exerce le droit dans une petite ville et ses clients ne sont pas des entreprises du Fortune 500, mais il croit qu’éventuellement, les grandes entreprises qui emploient de grands cabinets juridiques presseront leurs conseillers juridiques à l’externe de communiquer avec eux électroniquement. Il estime que la technologie est au moins dix fois plus efficace que le système des documents en papier.

Il conseille fortement aux avocats de considérer le passage à l’électronique aussi rapidement que possible. Me Masters cite à cet égard une maxime employée depuis longtemps par les avocats « électroniques » : « Les ordinateurs ne remplaceront pas les avocats. Mais les avocats avec des ordinateurs remplaceront les avocats sans ordinateur. »

Ann Macaulay est une rédactrice de Toronto.