Le Commissaire De La Concurrence Continue À Rechercher Des Accords De Coopération De Deuxième Génération : Évolutions Récentes

  • 09 juin 2017
  • Subrata Bhattacharjee et Gregory McLean

Vue d’ensemble

La communautĂ© internationale antitrust a constatĂ© une rĂ©cente expansion des accords de coopĂ©ration de soi-disant deuxième gĂ©nĂ©ration passĂ©s entre des instances nationales spĂ©cialisĂ©es dans la concurrence. La principale caractĂ©ristique qui distingue ces accords de ceux de la première gĂ©nĂ©ration est qu’ils autorisent les signataires Ă  Ă©changer des renseignements confidentiels sans avoir Ă  obtenir prĂ©alablement le consentement de leurs sources. De façon gĂ©nĂ©rale, l’Australie et les États-Unis sont les premiers pays qui ont conclu ces accords, en 1999. Les pays scandinaves ont suivi en 2001. En 2013, le nombre de ces accords s’est accru avec la signature d’accords entre la Nouvelle-ZĂ©lande et l’Australie, et l’Union europĂ©enne et la Suisse. L’Australie et le Japon ont signĂ© un accord en 2015Note de bas de page1.

Le Canada cherche aussi Ă  instaurer une coopĂ©ration de deuxième gĂ©nĂ©ration. Le Commissaire de la concurrence (le commissaire) a signĂ© deux de ces ententes, l’une avec la New Zealand Commerce Commission (Commission du commerce de la Nouvelle-ZĂ©lande) (NZCC) le 12 avril 2016Note de bas de page2, et l’autre avec la Japan Fair Trade Commission (Commission japonaise des pratiques commerciales loyales) (JFTC) le 11 mai 2017Note de bas de page3. Il a en outre annoncĂ© que les nĂ©gociations avec les instances europĂ©ennes en vue d’une coopĂ©ration de deuxième gĂ©nĂ©ration se poursuiventNote de bas de page4. Dans son Plan annuel 2017-2018, le Bureau de la concurrence (le Bureau) prĂ©sentait la recherche de ces accords comme une prioritĂ©Note de bas de page5. Selon le commissaire, il tire son pouvoir de communication de renseignements sans le consentement de leur source de l’article 29 de la Loi qui l’autorise Ă  communiquer des renseignements « dans le cadre de l’application ou du contrĂ´le d’application » de la LoiNote de bas de page6

Il importe de comparer les modalités des deux accords de deuxième génération contractés par le commissaire.

Les accords avec la NZCC et avec la JFTC

Renseignements fournis par les demandeurs d’immunitĂ© ou de clĂ©mence

En règle gĂ©nĂ©rale, les accords avec la NZCC et la JFTC autorisent le commissaire Ă  communiquer Ă  l’autre entitĂ© « tout renseignement en sa possession ou sous son contrĂ´le » sans obtenir le consentement de la source de ces renseignements.

L’accord avec la JFTC quant Ă  lui, interdit expressĂ©ment aux instances de communiquer « les renseignements obtenus dans le cadre d’une demande d’immunitĂ© ou de clĂ©mence » sans le consentement du demandeur d’immunitĂ© ou de clĂ©mence. Alors que cette dĂ©rogation expresse encourage les demandeurs d’immunitĂ© ou de clĂ©mence, elle brille par son absence dans l’accord avec la NZCC. Elle est nĂ©anmoins probablement implicite puisque l’accord avec la NZCC exige du commissaire qu’il communique les renseignements conformĂ©ment Ă  ses « politiques, lignes directrices ou pratiques ». Parce que les lignes directrices du Bureau indiquent que les renseignements fournis par un demandeur d’immunitĂ© ou de clĂ©mence ne seront pas divulguĂ©s Ă  une instance Ă©trangère sans le consentement du demandeur, on ne s’attendrait pas Ă  une communication Ă  la NZCC des renseignements concernant un demandeur en l’absence de renonciation.

Les raisons pour lesquelles les deux accords sont diffĂ©rents Ă  cet Ă©gard ne sont pas claires. Cependant, l’inclusion de la dĂ©rogation expresse dans les futurs accords amĂ©liorerait la certitude et la prĂ©visibilitĂ© pour les personnes qui envisageraient de dĂ©poser une demande en vertu des programmes. Qui plus est, dans tout document de programme mis Ă  jour publiĂ© par le Bureau Ă  l’issue de son examen de ses programmes d’immunitĂ© et de clĂ©mence, on s’attend Ă  ce que le Bureau doive clarifier sa politique concernant les renonciations Ă  la confidentialitĂ© Ă  la lumière des accords de deuxième gĂ©nĂ©ration existants et Ă  venir.

Renseignements protégés par un privilège

Les accords signĂ©s par le commissaire diffèrent Ă©galement sur un autre point important. Alors que celui signĂ© avec la NZCC contient des mesures de protection expresses des renseignements protĂ©gĂ©s par un privilège, ce n’est pas le cas de l’accord conclu avec la JFTC. Plus prĂ©cisĂ©ment, l’accord passĂ© avec la NZCC prĂ©voit que lors de la communication de renseignements protĂ©gĂ©s, l’instance qui les divulgue ne sera pas rĂ©putĂ©e avoir renoncĂ© Ă  ce privilège (une clause de non-renonciation) et le bĂ©nĂ©ficiaire de la communication recevra les renseignements sous le sceau de la confidentialitĂ© et (dans toute la mesure du possible) s’abstiendra de les communiquer sans le consentement de l’instance qui les lui a divulguĂ©s. L’accord conclu avec la JFTC ne contient pas de clause Ă©quivalente.

Alors que le droit de la confidentialitĂ© peut ne pas ĂŞtre le mĂŞme en Nouvelle-ZĂ©lande et au Japon, tout accord futur qui rĂ©gira la communication de renseignements par le commissaire (renseignements qui pourraient ĂŞtre protĂ©gĂ©s au Canada contre une communication Ă  des tiers au motif de la confidentialitĂ© d’intĂ©rĂŞt public) Ă  des instances Ă©trangères devrait inclure une clause de non-renonciation. MĂŞme si les protections de la non-renonciation sont tacites, leur inclusion expresse accroĂ®trait le degrĂ© de confort des personnes qui envisageraient de coopĂ©rer en vertu des programmes d’immunitĂ© et de clĂ©mence du Bureau.

Ă€ l’avenir

Bien que pour les instances les accords de coopĂ©ration de deuxième gĂ©nĂ©ration constituent un ajout utile Ă  l’arsenal existant des mĂ©thodes de coordination et de collecte des renseignements en collaboration avec des homologues Ă©trangères, certaines questions importantes devraient faire l’objet d’un examen. Du point de vue pratique, la plus rĂ©cente initiative de deuxième gĂ©nĂ©ration survient Ă  un moment oĂą le commissaire envisage par ailleurs d’apporter de considĂ©rables modifications aux programmes d’immunitĂ© et de clĂ©mence. Il est manifeste que l’interaction entre ces programmes (et plus particulièrement le traitement des renseignements confidentiels et l’utilisation des renonciations) et la coopĂ©ration de deuxième gĂ©nĂ©ration devraient ĂŞtre examinĂ©es. En outre, les accords de deuxième gĂ©nĂ©ration diffèrent sur le fond, ce qui implique la nĂ©cessitĂ© d’un examen des modalitĂ©s particulières de chacun d’entre eux, comme le prouvent les diffĂ©rences entre les accords respectifs conclus par le commissaire avec la NZCC et la JFTC. Ă€ une Ă©poque oĂą les intervenants sont très prĂ©occupĂ©s par le maintien de l’intĂ©rĂŞt suscitĂ© par les programmes d’immunitĂ© et de clĂ©mence du Bureau, il demeure essentiel de se pencher sur ces questions.

Subrata Bhattacharjee et Gregory McLean sont avocats dans le cabinet de Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l.