L’air empoisonné, c’est parfois payant

  • 03 juin 2022
  • Greg Kanargelidis

C’est bien connu, les vêtements importés sont assujettis à des droits de douane élevés (18 %), sauf si une disposition d’exonération a pour effet de réduire ou d’éliminer ces droits. Cependant, les vêtements protecteurs spécifiques, comme les scaphandres et gants de protection conçus pour un « milieu nocif », peuvent être importés en franchise de droits. Il semblerait donc que la nocivité soit avantageuse, du moins en ce qui concerne les droits de douane.

Au Canada, les tarifs douaniers s’appliquent à au moins 10 positions énumérées différentes désignées par la mention « devant être utilisées dans l’air empoisonné ». Quand le texte de classification du tarif contient cette mention, les « scaphandres de protection » et les « gants de protection » peuvent être importés en franchise de droits, tant qu’il est démontré que ces marchandises seront bel et bien utilisées « dans l’air empoisonné ».

Mais qu’est-ce que veut dire le terme « air empoisonné »? L’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») a tout récemment publié une version révisée du Mémorandum D10-15-26, qui porte sur les positions énumérées couvrant les « marchandises devant être utilisées dans l’air empoisonné ». Cette publication est utile, car elle résume les décisions du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE), qui s’est penché sur la définition de cette expression.

D’après le Mémorandum de l’ASFC, le terme « empoisonné » signifie « dangereux, nuisible (vapeurs nocives); synonymes : empoisonné, mauvais, toxique, néfaste ». Le terme « air » est réputé signifier « l’air dans un lieu particulier, en particulier s’il est déplaisant ». Il est important de noter qu’en outre, le TCCE a jugé que le terme « air empoisonné » inclut non seulement « les milieux potentiellement mortels », mais aussi ceux « potentiellement dangereux pour la vie, nuisibles à la santé et/ou mortels ».

Selon les décisions du TCCE, la définition de l’expression « air empoisonné » s’applique entre autres aux milieux hospitaliers et aux cabinets dentaires. Par conséquent, les blouses de contagion que doivent parfois porter le personnel hospitalier et les visiteurs peuvent être importées en franchise de droits, car ce sont des marchandises devant être utilisées « dans l’air empoisonné ». Même chose pour certains gants utilisés en milieu hospitalier. Le TCCE a aussi conclu que les combinaisons portées pour le retrait de l’amiante étaient des marchandises devant être utilisées « dans l’air empoisonné ».

C’est d’abord une question de prouver l’utilisation finale, étant donné que le privilège d’importation en franchise de droits accordé pour ces marchandises représente une « exonération conditionnelle ». Autrement dit, il ne suffit pas que ces marchandises soient « conçues pour » ou « prévues pour » une utilisation dans l’air empoisonné; elles doivent être effectivement utilisées dans un tel environnement, et l’importateur doit pouvoir le prouver. Le type de preuve exigé n’est pas nécessairement fixe. Les factures et les certificats d’utilisation finale peuvent être acceptables dans certains cas.

Même si les dispositions d’exonération conditionnelle pour les utilisations « dans l’air empoisonné » sont plus générales qu’on pourrait le croire, elles ne s’appliqueraient pas aux marchandises qui ne sont pas utilisées dans l’air empoisonné. Par exemple, les mêmes vêtements ou gants jetables utilisés dans un spa ou un salon de manucure ne donneraient pas droit à l’importation en franchise de droits. Enfin, sont aussi exclus les « milieux un peu inconfortables ou les conditions mineures (p. ex. pluie, froid, boue, choc électrique mineur) ».


Greg Kanargelidis est un avocat spécialisé en droit des douanes et du commerce ayant sa pratique sous le nom de KANARGELIDIS Global Trade & Customs Law. Il est le président sortant de la Section de la taxe à la consommation, douanes et commerce de l’ABC.