Les politiciens privilégiés

  • 24 janvier 2023
  • Christopher Wirth et Alex Smith

En ce qui concerne l’affaire Ontario (Premier ministre) c. Canada (Commissaire de la Commission sur l’Ă©tat d’urgence), 2022 FC 1513, la Cour fĂ©dĂ©rale a conclu que le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford et sa vice-première ministre Sylvia Jones ne sont pas contraints de comparaĂ®tre comme tĂ©moins dans le cadre de l’enquĂŞte sur la Loi sur les mesures d’urgence en raison de leurs privilèges parlementaires.

La Commission sur l’Ă©tat d’urgence (« la Commission ») a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e le 25 avril 2022 en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi sur les mesures d’urgence, LRC, 1985, c 22 (4e supp.) et de la partie I de la Loi sur les enquĂŞtes, LRC, 1985 c I-11, en vue d’enquĂŞter sur les circonstances ayant menĂ© Ă  la dĂ©claration de l’Ă©tat d’urgence entre le 14 et le 23 fĂ©vrier 2022 en ce qui concerne le convoi, les barrages et les manifestations Ă  Ottawa, ainsi que sur les mesures prises pour faire face Ă  la crise.

Le 24 octobre 2022, la Commission a dĂ©livrĂ© des sommations au premier ministre, Ford et Ă  sa vice-première ministre, Jones (les « demandeurs ») les obligeant Ă  tĂ©moigner devant la Commission le 10 novembre 2022.

Les demandeurs ont prĂ©sentĂ© une demande de contrĂ´le judiciaire Ă  la Cour fĂ©dĂ©rale pour contester les sommations au motif que l’AssemblĂ©e lĂ©gislative de l’Ontario siĂ©geait et qu’en tant que reprĂ©sentants Ă©lus, ils jouissent du privilège parlementaire qui les exonère de tĂ©moigner. Les demandeurs ont allĂ©guĂ© que les sommations avaient Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©es en l’absence de compĂ©tence et qu’elles devaient ĂŞtre annulĂ©es. Ils ont Ă©galement demandĂ© l’audition urgente d’une requĂŞte visant Ă  surseoir aux sommations jusqu’Ă  ce que la demande principale puisse ĂŞtre tranchĂ©e sur le fond.

La seule question qui se posait Ă  la Cour Ă©tait de savoir si elle devait surseoir aux sommations en attendant que la Cour rende sa dĂ©cision sur la demande principale d’annuler les sommations pour absence de compĂ©tence. Afin de rĂ©pondre Ă  cette question, la Cour a appliquĂ© le critère bien Ă©tabli pour une injonction interlocutoire dĂ©fini par la Cour suprĂŞme du Canada dans l’arrĂŞt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), 1994 CanLII 117. Premièrement, une Ă©tude prĂ©liminaire du fond du litige doit Ă©tablir qu’il y a une question sĂ©rieuse Ă  juger. Deuxièmement, il faut dĂ©terminer si le demandeur subirait un prĂ©judice irrĂ©parable si sa demande Ă©tait rejetĂ©e. Troisièmement, il faut dĂ©terminer laquelle des deux parties subira le plus grand prĂ©judice selon que l’on accorde ou refuse la suspension.

Points Ă  retenir

Cette affaire fournit une analyse utile de l’application et de la portĂ©e du privilège parlementaire, en particulier en ce qui concerne l’immunitĂ© contre l’obligation de tĂ©moigner. La dĂ©cision de la Cour confirme l’application large de ce privilège Ă  tous les types de procĂ©dures, limitant ainsi la possibilitĂ© d’exĂ©cuter les sommations Ă  comparaĂ®tre comme tĂ©moin dĂ©livrĂ©es aux parlementaires pour des enquĂŞtes publiques. L’affaire sert Ă©galement d’exemple d’une exception Ă©troite par laquelle un tribunal peut procĂ©der Ă  une analyse dĂ©taillĂ©e du fond d’une demande et prendre une dĂ©cision finale sur une requĂŞte interlocutoire.

Ceci est un rĂ©sumĂ© de l’article. L’original n’est disponible qu’en anglais.


Christopher Wirth est un associĂ© et Alex Smith est un avocat chez Keel Cottrelle LLP.