Devoir d’aviser le prêteur des faits importants
La trousse d’instructions hypothĂ©caires procure des conseils pratiques aux avocats qui rĂ©pondent aux demandes du prĂŞteur lors de transactions immobilières rĂ©sidentielles. Cette page porte sur le devoir d’aviser le prĂŞteur des faits importants.
La situation
Lorsque vous prĂ©parez une hypothèque pour un prĂŞteur, vous devez l’aviser de tout « fait important » qui « vous est connu ».
Mais que veut-on dire par « vous est connu »? Qu’est-ce qu’un « fait important »?
Modèle d’instructions du prĂŞteur
Vous devez prendre toutes les mesures que prendrait un avocat prudent et diligent au nom de son client, notamment aviser le créancier hypothécaire de tout fait important qui vous est connu et qui pourrait influencer sa décision de consentir le prêt.
Conseils pratiques
Sens de « vous est connu »
Vous n’ĂŞtes pas tenu de vĂ©rifier l’exactitude des renseignements fournis par votre client emprunteur.
- Documentez vos interactions avec lui et consignez l’information qu’il vous donne.
- Informez le prĂŞteur que vous n’avez pas menĂ© d’enquĂŞte ou de vĂ©rification indĂ©pendante sur l’emprunteur ou le bien grevĂ©. PrĂ©cisez que vous vous fondez sur :
- les renseignements fournis par l’emprunteur et par d’autres parties quant au respect des instructions du prĂŞteur et aux dĂ©clarations et garanties Ă©noncĂ©es dans les documents de prĂŞt hypothĂ©caire;
- les documents qui vous ont Ă©tĂ© fournis ou dont vous avez autrement pris connaissance en lien avec le prĂŞt, que vous tenez pour authentiques ou, s’il s’agit de copies, que vous tenez pour des reproductions intĂ©grales et conformes Ă l’original.
Sens de « fait important »
Pensez Ă ce que vous savez. N’est pas seulement « important » ce qui ferait changer d’avis au prĂŞteur, mais plutĂ´t tout fait qui aurait un certain poids dans la balance. Savez-vous quelque chose qui, de l’avis d’un prĂŞteur raisonnable, remplirait vraisemblablement ce critère? Si oui, il s’agit d’un fait « important »; vous devez le communiquer au prĂŞteur.
S’il Ă©tait saisi de la question, le tribunal tiendrait compte des circonstances particulières, des renseignements dont vous auriez informĂ© le prĂŞteur et de ceux que vous auriez gardĂ©s pour vous.
En 2011, la Cour suprĂŞme du Canada a fixĂ© un critère pour l’importance dans un pourvoi concernant des parties qui avaient investi dans deux copropriĂ©tĂ©s hĂ´telières Ă proximitĂ© d’un aĂ©roport. Or bien que l’affaire concernait des investisseurs, le critère est des plus Ă©clairants pour les avocats qui reprĂ©sentent des institutions financières. [Note : Absent du jugement, le mot « prĂŞteur » est ajoutĂ© pour illustrer la pertinence du critère pour les institutions financières dans le contexte d’une hypothèque.]
En bref, voici les principaux Ă©lĂ©ments du critère de l’importance :
- L’importance est une question mixte de droit et de fait qui s’Ă©value objectivement, du point de vue d’un investisseur [prĂŞteur] raisonnable ;
- Le fait omis est important s’il existe une probabilitĂ© marquĂ©e que l’investisseur [le prĂŞteur] raisonnable l’aurait jugĂ© important au moment de prendre sa dĂ©cision, et non qu’il aurait pu le juger important. Autrement dit, il doit y avoir une probabilitĂ© marquĂ©e que l’investisseur [le prĂŞteur] raisonnable aurait jugĂ© que le fait en question aurait modifiĂ© de façon significative l’ensemble des renseignements mis Ă sa disposition s’il lui avait Ă©tĂ© communiquĂ©;
- Il n’est pas nĂ©cessaire de prouver que le fait en cause aurait amenĂ© l’investisseur [le prĂŞteur] Ă prendre une autre dĂ©cision, mais plutĂ´t qu’il existait une probabilitĂ© marquĂ©e que l’investisseur [le prĂŞteur] raisonnable en aurait tenu compte dans le cadre de son analyse;
- L’Ă©valuation de l’importance comporte l’application d’une norme juridique Ă des faits prĂ©cis. Elle repose sur un examen des faits propres Ă l’espèce Ă la lumière de l’ensemble des facteurs pertinents et des circonstances, soit l’ensemble des renseignements mis Ă la disposition des investisseurs [prĂŞteurs];
- La partie qui allègue l’importance d’une dĂ©claration, d’une omission ou d’un fait doit prĂ©senter des Ă©lĂ©ments de preuve Ă l’appui de sa thèse, sauf dans les cas oĂą des infĂ©rences fondĂ©es sur le bon sens sont suffisantes. Le tribunal doit d’abord examiner les renseignements communiquĂ©s aux investisseurs [prĂŞteurs] et ceux qui ne l’ont pas Ă©tĂ©. Il peut Ă©galement prendre en compte les Ă©lĂ©ments de contexte qui permettent d’expliquer, interprĂ©ter ou analyser les renseignements omis Ă la lumière d’un contexte factuel plus gĂ©nĂ©ral, pourvu qu’il le fasse au regard des renseignements communiquĂ©s. De plus, la preuve qui fait Ă©tat de certains actes ou Ă©vĂ©nements contemporains ou ultĂ©rieurs qui expliqueraient le comportement que des personnes dans des situations identiques ou similaires adoptent ou sont susceptibles d’adopter est Ă©galement pertinente. Toutefois, l’examen de l’importance doit constituer d’abord et avant tout une considĂ©ration contextuelle des renseignements communiquĂ©s par l’Ă©metteur de valeurs ainsi que des faits ou des renseignements que ce dernier a omis d’inclure dans les documents qu’il a fournis.
Source : Sharbern Holding Inc. c. Vancouver Airport Centre Ltd., 2011 CSC 23, [2011] 2 R.C.S. 175, par. 61.