Parlons stress et santé mentale

Katherine Provost : Vous écoutez Juriste branché, présenté par l'Association du Barreau canadien. Bonjour et bienvenue à Juriste branché, je suis votre animatrice Katherine Provost. Saviez-vous que cette année le thème Bell cause pour la cause est : En santé mentale tous les gestes comptent. Avec un tel slogan, Bell veut mettre en lumière les façons dont on peut transformer la sensibilisation et l’acceptation en matière de santé mentale en actions concrètes qu’elles soient petites ou grandes. Comme à chaque année, Bell versera 5 sous pour chaque message texte ou appel admissible, Tweet, visionnement de la vidéo dans les médias sociaux et utilisation de leur cadre sur Facebook ou du filtre sur Snapchat.

Au sein de l'Association du Barreau canadien, nous faisons également la promotion d’une bonne santé mentale et travaillons à faire tomber les stigmas. L’étude aujourd'hui parlera donc de ce sujet en compagnie de Me Sabine Neuman, avocate à son compte et coach certifiée de professionnels. Me Neuman se dit avocate et bien plus. Elle pratique le droit depuis l’an 2000 et au fil des années elle a développé une méthode pour permettre à ses clients avocats de trouver leur propre façon d’être juriste. Une façon qui leur permet de concilier leurs besoins personnels et professionnels tout en maintenant une saine santé mentale. Elle a également dirigé le webinaire sur le stress qui est publié sur le site de l’ABC. Vous trouverez le lien dans la description de l’épisode.

Bienvenue à Juriste branché Me Neuman.

Sabine Neuman : Merci de m’accueillir Katherine.

Katherine : Donc, pour commencer le podcast, j’aimerais qu’on parle un peu du stress. Donc on a du bon stress, du mauvais stress, c'est quoi vraiment la différence entre les deux?

Neuman : D’accord, c'est une très bonne question. La première chose déjà c'est de définir le stress en général. C'est quoi le stress? Ben c'est juste une réponse du corps à toute chose qui vient nous perturber dans notre quotidien, dans notre environnement et là, ç’a pour objectif d’assurer notre survie, c'est quelque chose de très ancien. Après effectivement y a du bon stress et du mauvais stress. Le bon stress c'est celui qui va être ponctuel déjà, la première chose c'est que normalement un stress c'est pas censé durer. C'est fait pour nous remettre dans notre situation habituelle. Donc c'est celui qui va faire que vous avez le petit shot d’adrénaline et que vous donnez le meilleur de vous-mêmes, que vous avez envie de vous dépasser. Et là, c'est super en fait, ça peut faire monter le rouge au jaune, mais c'est très positif. Le mauvais stress de l'autre côté, c'est quand ça devient chronique. C'est le stress aussi qui… ou parce qu'il dure trop longtemps, ou parce que c'est une situation trop difficile à vivre, y va vous paralyser parfois, y va vous épuiser. En tout cas y a va être trop demandant.

L'autre chose, en fait, y faut comprendre parce qu'il y a trois étapes au stress. La première chose comme je vous ai dit, c'est le bon stress quand on a juste le système d’alarme qui se met en route et on a de l’adrénaline. Si ça commence à durer plusieurs jours, par exemple je sais pas, des périodes d’examen, un très gros dossier ou une très grosse procédure, donc là, on va rentrer dans ce qu'on appelle dans une phase de résistance. C'est le corps qui va s’adapter au stresseur et il commence à puiser dans les réserves. D’accord? Mais si ça dure encore plus longtemps, alors là, y a trop de tensions et on peut arriver vers l’épuisement. C'est-à-dire que le corps n’arrive plus à s’adapter il est comme en surrégime. Et là, si ça dure vraiment très longtemps et que ça amène d’autres choses, ça peut avoir des conséquences très embêtantes. Y peut y avoir des troubles à plein de niveaux différents, et amener avec d’autres choses, on en parlera peut-être plus tard, au burnout également.

Katherine : Et puis en soi, est-ce qu'on doit se débarrasser de tous ces mauvais stresseurs? Ou on doit apprendre à juste vivre avec eux?

Neuman : D’abord, il y a ce qu’on appelle la réalité de la vie qui est qu’on ne peut pas… y en aura toujours. Y a forcément des stress, je sais pas : des maladies, des mauvaises nouvelles autour de nous, donc, y en a toujours. On cherche naturellement, et on est tous comme ça, à essayer d’éviter de les ressentir. C'est ce qu’on appelle tamponner : c'est d’éviter de ressentir ça et de les vivre. C'est pour ça qu’on va avoir souvent des comportements compulsifs, ou des plaisirs rapides, par exemple passer son temps devant la télévision, aller faire du shoping, manger trop, boire trop, jouer trop souvent à Candy Crush pour éviter de penser et d’être dans ce mauvais stress.

Mais, comme vous l’avez deviné, ça ne fonctionne pas sur le long terme. Effectivement la solution c'est d’apprendre à y faire face. Et y a différentes techniques pour ça.

Katherine : Donc, que le stress soit bon ou mauvais, on doit l’accepter. Il ne faut pas nécessairement se sentir mal d’avoir plusieurs mauvais stress dans sa vie?

Neuman : Ben non! Y faut pas se sentir mal. En plus la culpabilité ça ne sert à rien du tout. Au contraire, y faut se relâcher un petit peu par rapport à ça, se rendre compte que c'est normal, et qu’on en a tous. Justement vous me faites penser à une chose, c'est que justement dans le monde juridique, dans le monde du droit, on a l’impression, moi c'est ce que j’entends beaucoup avec mes clientes, que… tout est facile, tout est lisse, tout le monde est beau, tout le monde arrive à faire les choses naturellement, alors que c'est pas du tout le cas. Ce ne connaît pas une seule personne qui ne soit pas sujette au stress, qui n’a pas des moments de sa vie où des choses dans sa vie qui sont difficile. Donc il faut vraiment se déculpabiliser par rapport à ça. Ce qui compte par contre c'est de se dire, OK on le regarde en face quand même et on va mettre des actions en place pour travailler dessus.

Katherine : Donc, malgré qu’on ne soit pas faits égaux ou qu’on ne soit pas, disons, égaux envers le stress, j’imagine qu’y a quand même des techniques qui sont applicables à tout le monde.

Neuman : Oui!

Katherine : Dans votre webinaire sur le stress, vous en parlez, vous parlez des trois piliers de l’hygiène, euh... de l’hygiène de vie. Est-ce qu'on pourrait en parler un peu?

Neuman : Oui, ben ça effectivement, y a des choses qui sont bonnes pour tout le monde quoi qu’il arrive et quel que soit votre niveau de stressabilité, c'est toujours bon de travail sur des outils. Les trois piliers, c'est les trois piliers de l’hygiène de vie. C'est comme quand on construit une maison, ben y vaut mieux que le terrain soit sain et qu’on construise sur une base solide, une bonne base de béton par exemple. Le premier pilier, évidemment, c'est le sommeil, avoir une régularité dans vos horaires de sommeil. La plupart des gens dorment de 6 à 8 heures, mais pareil les besoins des gens sont différents. Le tout c'est par exemple, on sait que c'est correct quand on se réveille et qu’on n’est pas fatigué au réveil. Si dès le matin vous vous levez et que vous êtes fatigué, là c'est pas normal. Après y a la sieste qui peut être très bénéfique si vous avez des très très grosses journées ou des périodes où vous avez mal dormi. On sait que c'est très régénérant, il ne faut pas se culpabiliser de ça, on travaille beaucoup mieux si on la fait. La sieste doit être maximum 30 minutes et par exemple en début d’après-midi.

Katherine : Ça me semble très court une sieste de 30 minutes.

Neuman : Alors, moi je peux faire une petite parenthèse, j’ai ma technique. Pour faire ça, parce que quand on a que 30 minutes, moi avant par exemple, et c'est le cas de beaucoup de personnes avec qui je travaille, c'est juste le temps qu’il leur faut pour pouvoir entrer dans le sommeil.

Katherine : Oui exactement, pour me calmer, pour retourner mes pensées, oui.

Neuman : C'est ça. Alors moi j’utilise une application de méditation. Y a en anglais ou en français y en a une qui est gratuite en français qui s’appelle Petit bambou, en anglais c'est Mind Space, normalement c'est pour faire de la méditation, mais ça peut être bien aussi de la détourner. Et en fait, je me mets dans un fauteuil ou allonger et j’écoute ça. Et le fait d’écouter ça va pas faire que je fais de la méditation vraiment en fait. Ça va juste permettre à mon esprit de focaliser sur ce que dit la personne dans podcast ou dans l’émission, pour que je ne sois plus en train de pense à toutes mes pensées. Parce qu’à ce moment-là… c'est très bien de voir ses pensées, mais juste pas ce moment-là.

Katherine : Donc un peu une distraction focus.

Neuman : Ben c'est une distraction focus, mais c'est pas de la fuite pour le coup des pensées, mais c'est juste un moment de penser à toutes ces pensées qui ne nous font pas avancer. Y a des techniques pour penser à tout ça on en parlera après, mais là c'est juste qu’on veut dormir ou entrer dans ce calme, entre dans ce calme, donc ça ça aide beaucoup. Et la dernière chose je dirais faire un petit rituel du matin ça c'est bien aussi.

Katherine : Oui donc quand on se réveille le matin, on essaie de garder le même horaire, la même suite d’activité.

Neuman : Oui, un minimum par exemple, je décide que le matin je commence par me réveiller, je vais d’abord prendre une douche, après je me prends un thé ou un café, et après seulement je vais regarder mes mails, mes courriels.

Katherine : Donc vraiment se donner une petite structure.

Neuman : Exactement. Le deuxième pilier c'est la nutrition. Pourquoi la nutrition c'est important? Tout le monde le sait, c'est une bonne santé, etc. Mais au-delà de ça, on en parle de plus en plus, c'est que par exemple, le sucre a un impact très fort sur votre humeur. Et c'est pas que sur les enfants que ça surexcite, c'est pas vrai. C'est que en fait, si vous mangez trop de sucre dans la journée, surtout s’il n’est pas mélangé à d'autres aliments, ça va vous donner… ça va faire bouger votre glycémie à longueur de journée qui va faire comme des montagnes russes, ça monte, ça descend, ça monte, ça descend. D’abord, ça fatigue énormément le corps, ça vous empêche de vous concentrer correctement, et vous êtes beaucoup plus sensible à toutes les émotions et toutes les humeurs.

Katherine : OK! Vraiment!

Neuman : Oui, vraiment. Donc ça ne veut pas dire d’éliminer.

Katherine : Donc en consommant trop de sucre on devient trop sensible?

Neuman : Ben ça augmente la sensibilité et ça fatigue beaucoup, parce que en fait, votre corps, vous montez en hyperglycémie, et vous faites ce qu'on appelle derrière des hypoglycémies réactionnelles. Ce qui fait que quand vous êtes en hypoglycémie réactionnelle, c'est-à-dire après, vous avez juste envie de remanger du sucre qui après vous refatigue et vous faites ça toute la journée.

Katherine : Donc c'est un cercle vicieux.

Neuman : Oui. Donc on peut manger du sucre, mais raisonnablement, et ce que je vous invite à faire, c'est de ne pas le manger seul. Ça, c'est une petite astuce. Par exemple si vous voulez manger un petit biscuit, ben c'est mieux de le faire déjà au cours d’un repas, par exemple. Ou de le faire avec un grand verre de lait, des protéines, en tout cas des choses comme ça. Et bien sûr c'est toujours mieux de manger aux repas de tout, d’équilibrer et… Ce que je vous invite à faire, c'est de manger le plus simplement possible. Si les produits ne sont pas transformés, c'est beaucoup mieux.

Katherine : Oui

Neuman : Donc c'est toujours mieux de manger, voilà, faites vous-mêmes les choses ce sera toujours mieux et ça ne prend pas forcément beaucoup de temps.

Katherine : Et au niveau du troisième pilier?

Neuman : Le troisième pilier c'est l’activité physique bien sûr. Bon, on ne va pas répéter tous les bienfaits, mais là je parle au niveau de ce qui est de la santé mentale. Non seulement ça va vous permettre en fait d’aller gérer toutes ces émotions. Parce qu'en fait, les émotions, qu'est-ce qui se passe dans le corps c'est ça crée une réaction chimique et physiologique à l’origine, on va dire, c'était fait pour vous faire réagir physiquement les émotions, pour courir, pour vous battre, ce genre de choses. Sauf que de nos jours, c'est pu utile de courir ou de se battre contre la plupart des stress. Sauf si on vous attaque en pleine rue.

Katherine : Oui en effet.

Neuman : Sauf que cette tension elle reste dans votre corps et elle reste pendant plusieurs heures dans votre corps, on dit à peu près 6 heures. Donc, c'est très important de pouvoir l’évacuer régulièrement toute cette tension. Et le sport y a pas mieux pour ça. Et l’autre chose c'est qu'on sait aussi que ça va… non seulement ça va éliminer tout ça, mais ça va produire de la sérotonine. La sérotonine c'est euh... on n’a pas encore trouvé tous les biens faits encore, mais on sait que c'est exceptionnel pour justement retrouver son calme et avoir une humeur équilibrée. En plus ça donne aussi de la dopamine qui est l’hormone de la récompense. Donc, euh... c'est gagnant-gagnant.

Katherine : Tous ces piliers-là pour l’instant je le vois vraiment comme des éléments qu’on peut contrôler physiquement : le sommeil, c'est aller se coucher, la nutrition c'est nous qui choisissons qu'est-ce qu'on mange et l’activité physique c'est de bouger. Mais si on parle un peu de notre état mental, donc, le discours positif interne. Moi j’entends souvent que pour avoir un bon équilibre de vie il faut bien se parler. Donc on se répète des affirmations positives, on vit dans le moment présent, on médite, on garde la tête froide. Mais pour quelqu'un qui se met beaucoup de pression qui vit avec des grandes attentes envers soi-même, il me semble que ces conseils-là c'est un peu utopique. Comment est-ce qu’on peut graduellement intégrer un discours positif interne?

Neuman : Je pourrais parler pendant des heures, donc je vais essayer d’aller à des choses essentielles. Déjà comme vous avez dit y quelque chose d’important c'est de se rendre compte, c'est l’idée du perfectionnisme. J’entends beaucoup ça et j’ai beaucoup de personnes perfectionnistes qui viennent. C'est de se rendre compte qu’en fait le perfectionnisme on croit c'est presque un bon défaut, comment c'est perçu. Y faut revenir dessus parce que c'est pas le cas. Parce qu'il y a deux conséquences au perfectionnisme. C'est soit on en fait toujours trop et on s’épuise et on ne donne pas le résultat, soit c'est l’inverse et qu'on a tellement peur de ne pas atteindre ce qu’on veut atteindre qu’on ne le fait pas du tout. En tout cas c'est toujours un niveau d’exigence envers soi-même.

Moi souvent quand je demande à des personnes perfectionnistes quand est-ce qu'elles exprimeraient que c'est bon, ben en fait elles ne sont pas capables de me répondre parce que c'est jamais assez bon pour elles. Et puis l’autre chose c'est que ce rendre compte, alors c'est un peu dure à dire ce que je vais dire, mais tout ce que je dis je me le suis appliqué à moi-même et je travaille encore dessus et je connais ces problèmes. C'est que finalement perfectionniste se cache derrière parfois un peu ça, c'est qu’en fait c'est juste de la peur : peur d’échouer, peur de ne pas être à la hauteur, peur de tout ça. Et donc ça prend, ça va prendre du courage, mais je propose de devenir et de travailler, travailler donc ça prend du temps, et c'est peut-être le travail d’une vie c'est pas grave, à devenir optimaliste.

L’optimalisme à la différence du perfectionnisme c'est celui qui va produire un résultat, c'est ce qu’on veut au final.

Katherine : Oui

Neuman : Parce que souvent le perfectionnisme, ben y veut tellement faire de choses que finalement il n’arrive pas au résultat, ou il y arrive trop tard, ou trop loin.

Katherine : Y a jamais de fin de toute façon, ça peut toujours être mieux, meilleur ou plus efficace.

Neuman : Voilà. Alors moi y a une phrase d’un de mes professeurs qui m’a énormément aidée, et que je me répète régulièrement notamment quand je dois faire mes vidéos. C'est, « une action imparfaite plutôt qu’une parfaite inaction ». 

Katherine : Mieux vaut bouger que rien du tout.

Neuman : Oui. Et de toute façon aussi l'optimalisation c'est ça. On fait du mieux possible et on le fait, on le fait dans le bon délai et on fournit. Et après, y a qu’en faisant qu’on s’améliore. À travailler sur son courage, la peur d’échouer et de se rendre compte que tout le monde va échouer. Y aura toujours des ratés, mais si vous ne le faites pas du tout, vous échouez doublement.

Katherine : Oui pour pouvoir devenir meilleur il faut avoir des échecs, il faut apprendre de nos erreurs, il faut apprendre de nos…

Neuman : C'est ça. Après effectivement y a des techniques pour vous aider à ça, y en a plein, et ça se travaille, c'est comme une hygiène mentale à faire. C'est comme vous passez le balai chez vous, y faut passer le balai dans sa tête régulièrement. Y a un outil que je trouve extrêmement utile ça s’appelle : le flot de pensées. Je n’en ai pas parlé dans le webinaire, mais y rejoint ça. Quand vous avez des pensées c'est déjà les poser sur papier au lieu de vouloir absolument avoir un discours positif en disant… voilà. La première étape serait déjà de poser toutes vos pensées sur un papier. Y a tellement de pensées dans la tête et en fait quand on les écrits, on va se rendre compte qu’elles ne sont pas toutes vraies ces pensées.

Katherine : On écrit tout ce qui nous vient par la tête?

Neuman : On écrit tout, tout ce passe par la tête, tout ce que la tête se dit comme un greffier au tribunal. On écrit, on écrit, on écrit puis on va les regarder. Et déjà c'est de se dire que les pensées c'est pas nous. C'est pas parce que ça passe dans notre tête, c'est pour ça que je l’appelle « radio mentale » que c'est vraiment ce qu’on pense. Parfois c'est des trucs qu’on a entendu de notre éducation, de nos parents, comme d’autres choses, et c'est pas forcément… Et on ne s’en rend pas compte tant qu’on ne les a pas posés sur le papier, souvent.

Katherine : Est-ce qu'on se pose des questions par la suite?

Neuman : Exactement, bien entendu. Alors y a plusieurs façons de faire. Donc, dans le webinaire je vous parle  du SPECC. En fait le SPECC c'est « S » pour situation, « P » pour pensées, « E » pour émotions, « C » pour comportement et le deuxième « C » pour les conséquences. Ce qui se passe en fait c'est que n’importe quel fait qui arrive, et tout dans votre vie rentre dans une de ces catégories, il arrive un fait, un fait c'est une situation on va dire, vous dans votre tête vous racontez une histoire par rapport à ça. Cette histoire va engendrer des émotions, les émotions c'est comme un système d’alarme comme je vous ai expliqué qui vous pousse à agir ou à ne pas agir. Qui entraine, donc justement un comportement, et c'est les comportements qui vont engendrer les conséquences. Et à chaque fois en fait, ça vient valider ce que vous pensiez au départ. On a le temps pour un petit exemple?

Katherine : On peut faire un petit exemple oui.

Neuman : On fait un petit exemple, l’exemple fréquent c'est, je sais pas euh... vous obtenez un mauvais résultat, soit euh... à l’université, soit dans un dossier, mauvais résultat. Alors, est-ce que vous pouvez m’aider Katherine à faire cet exercice?

Katherine : Essayons.

Neuman : Qu'est-ce que vous penseriez?

Katherine : Donc je suis un échec.

Neuman : Je suis un échec OK.

Katherine : On va y aller avec le côté très dramatique.

Neuman : OK OK allons-y voilà le négatif, exactement, mais soyons réaliste c'est souvent comme ça. Après ça déclenche quoi comme émotion quand vous vous dites : je suis un échec.

Katherine : De la déception, de la colère, de la tristesse.

Neuman : Oui! Tout ça. Et quand vous sentez de la déception, de la tristesse, de la colère, ça vous donne envie de faire quoi comme comportement?

Katherine : J’ai envie d’aller m’écraser sur mon divan pis d’écouter Netflix pendant 2 heures.

Neuman : OK. Et ç’a quoi pour conséquence? De faire ça dans votre vie professionnelle?

Katherine : Bon je suis genre en retard sur des dossiers, euh... je deviens aussi un peu plus léthargique ou démotivée.

Neuman : Ça vient confirmer la pensée que vous aviez, vous êtes en échec.

Katherine : Oui, en effet.

Neuman : OK vous comprenez le principe. C'est bien la première étape, donc déjà, c'est par exemple quand on a mis ses pensées de se rendre compte quand on a une situation qui ne convient pas du circuit qu’on fait dans notre tête. Pourquoi je me comporte comme ça en général c'est parce que je pense d’une certaine façon. Ça c'est bien de le savoir, mais ça ne change pas les choses pour l’instant. C'est juste de se dire : ah OK, ben c'est normal que je sois dans mon divan à regarder Netflix, à penser ça de moi, parce que si déjà je pense que je suis un échec forcément ça s’explique. C'est déjà une bonne étape de comprendre ça. L’étape d’après, c'est de se dire : ben OK comment on change ça, c'est que vous demandez. Si je vous dis : Katherine non non non, c'est une situation effectivement, le fait qu’on peut pas changer, on est d’accord, la situation, c'est le seul truc dans tout ça qu’on ne peut pas changer dans tout ça on va dire. C'est les faits, les faits on ne peut pas les changer. Donc effectivement vous avez eu un échec, un mauvais résultat avéré, ça c'est avéré d’accord. Mais je vous dis, on va essayer de prendre l’autre extrême et je vous dis : non vous êtes la plus grande réussite du monde, Katherine  vous êtes exceptionnelle. Donc est-ce que ça génère une émotion positive ça? Vous dites : wow, c'est génial, je suis super je vais tout changer dans ma vie, c'est génial.

Katherine : Non, j’ai envie de rouler mes yeux.

Neuman : OK exactement. Pourquoi ça s’est passé ça, bien sûr c'est bien les pensées positives, mais c'est juste pas crédible à vos yeux. Donc si c'est pas crédible, ça fonctionne pas. Y faut être cohérent. Donc ce que je vous inviterais à faire c'est déjà de se rendre compte que : je suis en échec, ça c'est une pensée et c'est pas une situation. C'est-à-dire que c'est vous qui choisissez de penser ça. C'est une prise de position, c'est pas en fait une réalité, c'est une prise de position, comment on pourrait penser autrement. J’ai pas fait tout ce qu’il fallait, la prochaine fois, je sais que, je sais pas, je devrais travailler davantage ce point-là. Mais j'étais bien déjà, j’avais déjà fait telle et telle chose. Y me manque pour que ce soit encore meilleur de travailler sur tel point. Moi j’appelle ça la technique du Kayzen, c'est de voir trois choses positives qu’on a faites déjà et trouver un axe d’amélioration. Et ça pourrait être de se dire : ben je suis en train d’apprendre à devenir une meilleure plaideuse. Je suis en train d'apprendre.

Après c'est de trouver une pensée qui soit crédible pour vous. Par exemple au lieu de se dire, je suis en échec c'est de se dire : aujourd'hui je n’ai pas donné le meilleur de moi-même, mais demain je vais le faire. Ça pourrait être ça. Ça pourrait être : je suis en apprentissage, ça sert à rien d’essayer de faire quelque chose qu’on ne croit pas. C'est juste trouver les pensées qui vont vous donner l’étincelle, donc cette émotion, de vous mettre en action pour vous améliorer. Parce que l’objectif de la santé mentale… les gens croient que la santé mentale c'est de ne pas avoir de maladie mentale. C'est pas du tout ça. La bonne santé mentale, c'est faire en sorte que votre cerveau soit dans les meilleures conditions possible pour que vous puissiez réaliser ce qui vous tient à cœur dans la vie. Parce que tout part de votre tête.

Katherine : Et si, on en a parlé un petit peu plus tôt, si on a de la difficulté, justement, à gérer ses besoins, à être bien équipé pour vivre les étapes difficiles, est-ce qu'on pourrait parler un peu de burnout? Est-ce que c'est ça en fait un burnout? C'est qu’on est plus capable de gérer ses émotions?

Neuman : C'est pas juste ça. En fait le burnout c'est assez spécifique au travail, en fait le burnout, on peut être en très grand stress, on peut être en dépression, on peut être en charge mentale, mais le burnout il est très lié au travail et il est surtout, effectivement, c'est-à-dire que… c'est une évolution progressive de trop de stress, trop longtemps. Mais c'est surtout en lien avec un décalage entre ce que vous mettez comme énergie et comme désir dans votre travail et les résultats que vous en éprouvez. Le burnout, ç’a été euh... ç’a été développé, le mot a été créé dans les années 70, 80, c'était souvent auprès des bénévoles. Et on s'est rendu compte dans les années 80 justement qu’il y avait beaucoup d’avocats, surtout ceux qui travaillaient auprès d’un public défavorisé, qui étaient touchés par le burnout.

Ça atteint beaucoup plus les personnes d’abord perfectionnes, qui ont un très haut niveau d’exigence envers elles-mêmes, qui sont très impliquées dans leur travail, parce qu'elles ont un idéal par rapport à leur travail, qui ne comptent pas leurs heures. On va dire c'est des personnes fortes justement. C'est pas du tout pour de gens qui sont mous ou quoi que ce soit, au contraire c'est des gens très très forts et qui vont donner au-delà de leur force, au-delà de leurs heures pour un idéal. Et en fait vont se rendre compte que ben le résultat qu’elles attendent n’est pas forcément là. Et là ça va passer par différentes étapes. La première étape, ça va être l’épuisement physique et émotionnel.

Après y aura ce qu'on appelle la dépersonnalisation, ça existe aussi chez les médecins, on le voit beaucoup. C'est par exemple le médecin qui au lieu de parler du patient par son nom, va en parler à ses collègues en disant : ah ben c'est le monsieur avec la prostate capricieuse, ou qui va se moquer, qui a l’attitude cynique qui est un peu négative. Ça, c'est une technique de protection du cerveau, ben y a des avocats qui font ça aussi. Parce que en fait quand on est trop impliqué dans la relation avec le client ou le patient, ses demandes sont trop urgentes, trop stressantes. Donc le fait de mettre cette distance avec, le dépersonnalisé, va faire que c'est moins impactant pour le médecin ou l’avocat dans la relation d’aide.

En fait si ça continue encore et si y continue à aller plus loin, la troisième étape c'est ce qu'on appelle : la diminution de l’accomplissement de soi. C'est-à-dire qu’il va commencer à dire : de toute façon ce que je fais ça ne sert à rien, ça n’a aucune utilité, pourquoi je fais ça? Ça va même aller plus loin jusqu’à : de toute façon à quoi je sers. Et même : qu'est-ce que je vaux, je ne vaux plus rien. Mais tout ça, c'est évolutif, donc plus tôt c'est pris mieux c'est. Et même si ça arrive c'est correct, ça va, y a des techniques pour revenir. Mais y faut s’en rendre compte que c'est pas normal.

Katherine : Vous dites que justement y faut l’attraper dès le début, moi ce que je vois c'est est-ce que le burnout, c'est peut-être une accumulation. Je veux dire les gens qui sont en droit, y… commencent avec des études très exigences, y vont au Barreau, y font la course aux stages, c'est des premiers, y doivent toujours performer de plus en plus, est-ce qu’on voit plus de burnout dans les jeunes juristes ou les plus euh... je dirais aguerrit, est-ce qu'on le voit plus dans les étudiants ou si c'est vraiment tout… tous les gens peuvent être affectés à certains niveaux?

Neuman : Alors, déjà c'est de se rendre compte que le milieu juridique on est à peu près trois fois plus affecté que la population moyenne par le burnout. Parce que justement les études et les métiers juridiques requièrent, ces facteurs de risque dont je vous ai parlé, qui sont la très haute exigence, la disponibilité, les demandes qu’on a envers soi, et ce désir en plus d’aider l’autre. Souvent quand on a un [00:23:05] on veut sauver la veuve et l’orphelin, c'est tout ça qui augmente les choses. Donc, oui on est beaucoup plus touché, et effectivement, étrangement, ce sont les plus jeunes. C'est-à-dire qu’on s’est rendu compte que les plus touchés c'est ceux qui avaient moins de 10 ans d’activités.

C'est lié aussi à la vie actuelle, à la société actuelle avec les nouvelles technologies. Le fait qu’on puisse vous envoyer des courriels et des demandes à n’importe quelle heure, n’importe quand sur votre téléphone, et vous sentez l’obligation de répondre, ça vient aussi affecter les choses.

Katherine : Oui parce que le travail n’arrête jamais.

Neuman : C'est ça, mais donc, oui et non, peut-être qu’on peut justement apprendre et ça fait partie des outils que j’utilise, à poser des limites.

Katherine : Donc, en plus des trois piliers de l’hygiène de vie, qu'est-ce qu'on pourrait faire quotidiennement pour prévenir cet épuisement professionnel ?

Neuman : Y a plusieurs choses à faire. La première chose c'est de se rappeler pourquoi on fait les choses régulièrement, c'est de ne pas dire oui à tout tout le temps. Notamment on demande à la société, c'est de demander si c'est vraiment dans notre objectif, si c'est vraiment dans notre intérêt. C'est pas juste financier bien sûr, c'est-à-dire dans l’intérêt de la personne qu’on souhaite être profondément. Et après y a des exercices pour revenir à soi, comme la cohérence cardiaque, dont je parle dans le webinaire, qui est une technique qui est… tu utilises la respiration. Pourquoi j’aime beaucoup cette technique c'est parce qu'elle est extrêmement rapide à faire. Elle ne demande aucun matériel, aucun endroit rien du tout. Vous pouvez le faire n’importe où, n’importe quand. Et, ça demande 3 à 5 minutes sans entrainement.

C'est une technique en fait… Qu'est-ce qui fonctionne, c'est-à-dire quand on est en état de stress comme ça, comme je vous l’ai expliqué c'est tout le corps qui réagit. C'est un engrenage, le cœur qui bat vite. Sauf qu’on se dit que, on sait pas quoi faire, comme je dis, si je vous demande de calmer votre cœur quand il est trop énervé, ben, on sait pas comment faire.

Katherine : Non c'est ça, c'est un muscle qui est indépendant là.

Neuman : C'est ça. Par contre, comme tout le corps humain est un engrenage, pour information cette technique est extrêmement réputée, vraiment.

Katherine : Est-ce qu'on peut en faire un exemple sur les ondes ici?

Neuman : Oui, bien sûr on va le faire. En fait l’idée c'est que vous pouvez agir sur votre respiration qui va avoir un impact sur tout le reste de votre corps. En respirant à un certain rythme, vous allez calmer votre cœur et calmé et sécréter d’autres hormones. Bref ça va tout remettre en ordre. C'est comme si en fait vous êtes en stress, vous sécrétez de l’adrénaline c'est comme pour une voiture comme si vous aviez le pied qui est resté bloqué sur l’accélérateur. Donc c'est bien d’accélérer, mais si c'est tout le temps bloqué sur l’accélérateur ça va pas, si vous arrivez dans un virage ce serait bon de pouvoir freiner de temps en temps. D’accord?

L’autre chose c'est que quand on freine on récupère. Si on est tout le temps sur l’accélérateur, on va s’épuiser très très vite. On va tout bruler. Donc la cohérence cardiaque selon la façon dont on le fait, là la cohérence cardiaque ce que je vous fais, c'est un système d’équilibre. C'est pour retrouver justement, pouvoir faire accélérateur frein, de façon fluide. Alors pour le retenir on parle de 3, 6, 5. Comme 365 jours par an. C'est un moyen mnémotechnique. Alors 3 c'est le nombre de fois où il faudrait le faire par jour idéalement, parce que ç’a des effets très positifs, mais ça dure 4 à 6 heures les effets.

Katherine : OK on le fait environ à tous les repas.

Neuman : Idéalement, matin, midi et soir. 6 c'est le nombre de respirations complètes à faire par minute. C'est-à-dire qu’on va inspirer pendant 5 secondes, et expirer pendant 5 secondes. Ça, c'est la respiration équilibrée qu’on appelle ça. Le 5, c'est pour faire idéalement, 5 minutes à chaque fois. Mais honnêtement, si vous le faites 3 minutes, et même j’ai vu des gens qui font même juste une minute, mais une minute c'est un peu juste, mais même 3 minutes ça fonctionne vraiment bien. Tout ce calme en vous. Après bien sûr c'est mieux de s’entrainer à le faire quand on n’est pas encore en période de crise.

Katherine : Comme on le fait pour s’habituer, pratiquer un peu au préalable.

Neuman : Mais même si vous ne l'avez pas fait et que vous vous retrouvez en crise, essayez-le, ça va vous aider à redescendre. Est-ce que vous voulez faire l’essai?

Katherine : Oui, allons-y.

Neuman : Alors juste pour information si on a des auditeurs qui veulent voir, y a une application gratuite qui s’appelle : Respire relaxe, parce que c'est bien d’avoir un visuel pour vous aider à le faire. C'est une bulle qui monte et qui descend. Dernière information au début ça peut vous sembler long de respirer pour 5 secondes, parce qu'on est en stress et la cage thoracique elle est fermée. Alors c'est pas grave juste si vous arrivez au bout de l’inspiration, vous bloquez et vous attendez la fin des 5 secondes pour souffler. Quand vous soufflez, vous imaginez que vous avez une toute petite paille dans la bouche et vous soufflez comme ça dans la petite paille pour pouvoir tenir aussi les 5 secondes. OK?

Katherine : D’accord.

Neuman : Alors on va y aller, moi je vais compter, je vais dire inspirez, je compte 5 et après, quand je dis expirez je compte 5 encore. D’accord?

Katherine :  D’accord.

Neuman : On y va. Inspirez, 1, 2, 3, 4, 5 expirez, 1, 2, 3, 4, 5. Donc, faire ça pendant 3 minutes à 5 minutes, 3 fois par jour.

Katherine : Ah c'est assez simple!

Neuman : C'est très simple, mais c'est juste qu’il faut le faire. Ce que je trouve dommage c'est qu’en fait y a plein de techniques super simples, super faciles à faire, sauf que c'est comme se brosser les dents, il faut les faire régulièrement.

Katherine : Et on en fait une et ça mène à une autre habitude, qui mène à une autre habitude. Donc, il ne faut peut-être pas essayer de toutes les faire en même temps, mais si on commence une petite chose, un petit geste à la foi, on finit par avoir un bel ensemble.

Neuman : C'est ça, c'est ce qu’on appelle compound effect, l’effet cumulé. C'est-à-dire que pour avoir un résultat au lieu de croire que c'est de faire une grande chose qui va vous donner un gros effet, c'est l’accumulation de chaque petite chose que vous mettez en place chaque jour. Et, c'est ça, c'est, commencez juste par une bonne habitude, exactement comme vous l’avez dit, mettez-là en place. Ça prend, honnêtement, ça vraiment comme 3 mois à mettre en place et c'est correct. Donc, n’essayez pas de tout faire en même temps là. Juste, chaque habitude que vous mettez en place au lieu de vous dire c'est pour un moment, c'est pour la vie.

Katherine : Sur cette magnifique note, j’aimerais vous dire merci, Me Neuman, de vous être joint à nous.

Neuman : Avec grand plaisir Katherine.

Katherine : À nos auditeurs. Rendez-vous au cda.org/solution-bien-être, donc cda.org/solution-bien-être, pour écouter le webinaire de Me Neuman sur le stress et la santé mentale. Je vous invite également à aller visiter le site web ndcme.ca sous la section « cours » et de vous inscrire à celui intitulé : La santé mentale et le bien-être chez les membres de la profession juridique, un programme national d’autoapprentissage, créé par la Société des troubles de l’humeur du Canada, Bell cause pour la cause et l’ABC. Ce cours a été conçu pour offrir une formation aux juristes, aux juges et aux étudiants et étudiantes en droit, un soutien et des ressources pour les aider à comprendre les problèmes de santé mentale et de toxicomanie. N’hésitez pas à partager cet épisode sur vos réseaux sociaux et à nous suivre sur Twitter @nouvelles_abc. Pour nos épisodes précédents et futurs, abonnez-vous à Juriste branché sur Apple podcast, Stitcher et Spotify, et n’hésitez pas à nous laisser des évaluations sur cette plate-forme. Vous y trouverez également notre balado en anglais The Every Lawyer. À la prochaine.