Dans deux arrêts rendus le 25 novembre, la Cour suprême du Canada a confirmé l’importance respective du secret professionnel de l’avocat et du privilège relatif au litige, ainsi que la nécessité d’un libellé législatif clair en ce qui les concerne. L’ABC est intervenue dans les deux affaires.
Dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. University of Calgary, la question était de savoir si le Commissaire était compétent pour ordonner la production de documents à l’égard desquels l’université avait revendiqué l’existence du secret professionnel de l’avocat.
Qualifiant le secret professionnel de l’avocat de « droit substantiel qui est essentiel au bon fonctionnement de notre système de justice », la majorité a conclu que l’intention d’écarter le secret professionnel de l’avocat devrait être clairement énoncée par la législation, ce que ne fait pas la Freedom of Information and Protection of Privacy Act.
[É]tant donné l’importance fondamentale du secret professionnel de l’avocat, si le législateur avait voulu l’écarter, il aurait établi certaines sauvegardes afin de faire en sorte que la communication de documents protégés par le secret professionnel de l’avocat n’intervienne pas de manière préjudiciable au droit substantiel ou il aurait précisé que la communication au commissaire d’un document protégé par le secret professionnel de l’avocat emporte ou non renonciation au privilège.
Dans son mémoire (disponible uniquement en anglais), l’ABC soutenait que le secret professionnel de l’avocat est fondamental.
[traduction] Les juristes comprennent leur obligation de divulgation et son importance pour un système juridique efficace. Ils sont régis par le barreau auquel ils appartiennent. Ils ont juré de ne pas pervertir le droit en faveur ou au détriment de quiconque et d’avoir un comportement franc et intègre à tous égards. Laisser entendre que les avocats comprennent mal les droits de leurs clients ou les représentent sciemment de manière inexacte est un affront au système de justice. Dire qu’une personne doit divulguer au Commissaire des renseignements que son avocat considère comme protégés par le secret professionnel et qu’elle pourrait reconnaître le droit au secret professionnel de l’avocat après coup n’est pas rassurant.
Michele Hollins, ancienne présidente de l’ABC, représentait l’Association dans ce dossier, de pair avec James L. Lebo, c.r., du cabinet McLennan Ross LLP et Jason Wilkins, du cabinet Dunphy Best Blocksom LLP.
Dans l’arrêt Lizotte c. Aviva, Compagnie d’assurance du Canada, la question était celle de savoir si la législation peut écarter le privilège relatif au litige par inférence. Tel que déclaré dans le mémoire de l’ABC (disponible uniquement en anglais), un organe de réglementation peut-il se fonder sur un libellé ouvert et vague pour s’immiscer dans le dossier de l’avocat afin d’examiner sa stratégie, l’état de sa préparation en vue de l’audience et l’ensemble des autres communications effectuées et des renseignements recueillis aux fins principales d’un contentieux en cours ou prévu? Ou, la Cour devrait-elle affirmer à l’égard du privilège relatif au litige ce qu’elle a déjà affirmé à l’égard du secret professionnel de l’avocat, à savoir que [traduction] « des termes exprès sont nécessaires pour permettre au titulaire d’une fonction créée par la loi de passer outre au privilège »?
Selon les arguments de l’ABC, présentés par Mahmud Jamal, Alexandre Fallon et W. David Rankin du cabinet Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l., le privilège relatif au litige ne peut pas être écarté par inférence; argument accepté par la Cour suprême.
Après avoir réitéré que le secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif au litige sont distincts, le premier étant permanent et ayant pour objet de protéger une relation, alors que le second est temporaire et existe pour « assurer l’efficacité du processus contradictoire », la Cour a conclu que le privilège relatif au litige « constitue néanmoins un privilège générique et il fait naître une présomption d’inadmissibilité pour une catégorie de communications, soit celles dont l’objet principal est la préparation d’un litige ».
En l’espèce, l’assureur soutenait que ses documents étaient couverts par le privilège et la Cour a convenu qu’il avait le droit de le faire.
Il existe en effet un solide courant de jurisprudence établissant qu’une partie ne devrait pas être privée du droit de revendiquer le privilège relatif au litige sans qu’un texte législatif clair et explicite ne le prévoit [sic]. C’est l’importance fondamentale de ce privilège qui mène la Cour à exiger des termes explicites pour sa mise à l’écart. Il est indéniable que le privilège relatif au litige n’a pas le même statut que le secret professionnel de l’avocat, et il n’est pas aussi absolu que ce dernier. Il n’en reste pas moins que, comme le secret professionnel de l’avocat, le privilège relatif au litige est essentiel au bon fonctionnement du système de justice et il se situe au cœur du système accusatoire et contradictoire que le Québec partage avec les autres provinces.