L’accès en ligne aux documents de la Cour fédérale doit avoir des limites appropriées

  • 22 janvier 2020

Il est essentiel que le processus judiciaire soit transparent pour que la dĂ©mocratie fonctionne correctement. Cependant, « l’obscuritĂ© pratique » des dossiers sur papier et la confidentialitĂ© qu’ils offrent ont d’indĂ©niables avantages, dit le groupe de travail de l’ABC qui Ă©tudie une proposition de la Cour fĂ©dĂ©rale qui envisage de publier les dossiers de la Cour en ligne.

La Cour a demandĂ© Ă  l’ABC de donner son avis sur la proposition, dont l’objectif est d’accroĂ®tre la transparence, conformĂ©ment au principe de transparence de la justice et Ă  la garantie de la libertĂ© d’expression prĂ©vue Ă  l’alinĂ©a 2b) de la Charte des droits et libertĂ©s.

Le groupe de travail de l’ABC, constituĂ© de membres du ComitĂ© de liaison entre la magistrature des Cours fĂ©dĂ©rales et le barreau et de membres de plusieurs sections pertinentes, y compris la Section du droit de la vie privĂ©e et de l’accès Ă  l’Information et la Section du droit de l’immigration, dit qu’il faut trouver un Ă©quilibre entre l’accroissement de la transparence au moyen de l’accès en ligne aux dossiers de la Cour et la possibilitĂ© qu’un tel accès puisse nuire aux droits et aux intĂ©rĂŞts des participants. Dans son mĂ©moire (disponible uniquement en anglais) destinĂ© Ă  la Cour, le groupe de travail fait plusieurs recommandations visant Ă  protĂ©ger la vie privĂ©e le cas Ă©chĂ©ant. Il suggère en outre Ă  la Cour d’Ă©tablir un projet pilote pour mettre Ă  l’essai la souplesse, l’efficacitĂ© et le coĂ»t de cette initiative avant de la mettre en Ĺ“uvre.

Les documents de la Cour fĂ©dĂ©rale sont actuellement disponibles dans les greffes rĂ©partis dans tout le pays, fait remarquer le groupe, Ă  moins qu’ils ne portent la mention de confidentialitĂ©. Toute personne qui souhaite consulter les documents doit se rendre dans un greffe et les demander. Cela crĂ©e une forme de protection de la vie privĂ©e qui disparaĂ®trait avec leur publication en ligne en l’absence de protections adĂ©quates.

[TRADUCTION] « L’accès en ligne crĂ©Ă©e un risque d’utilisations nuisibles telles que la fraude, l’exploration des donnĂ©es, l’usurpation d’identitĂ©, la traque, le harcèlement, la discrimination, la persĂ©cution et autres formes d’abus », dit le groupe.

Selon les dires du groupe de travail, le fait d’exiger des personnes qui souhaitent accĂ©der aux documents en ligne qu’elles crĂ©ent un compte en utilisant leurs nom et adresse rĂ©els, et qu'elles fournissent des renseignements d’identification valides Ă  l’appui, faciliterait la responsabilisation et la sĂ©curitĂ©. La facturation de frais pour le service devrait [TRADUCTION] « dissuader les demandes frivoles ».

Le groupe de travail renvoie en outre Ă  la Directive sur la procĂ©dure n° 16 de la Cour canadienne de l’impĂ´t qui rappelle aux parties qu’« elles sont responsables de limiter la divulgation de renseignements personnels et confidentiels » tels que leur numĂ©ro d’assurance sociale ou des renseignements mĂ©dicaux de nature dĂ©licate, lorsqu’elles prĂ©parent les actes de procĂ©dure et autres documents qui devront ĂŞtre dĂ©posĂ©s au dossier judiciaire. Ă€ la liste dressĂ©e dans la Directive sur la procĂ©dure, le groupe ajouterait les documents d’identitĂ©, les renseignements financiers et fiscaux, ainsi que tout autre renseignement personnel qui pourrait permettre d’identifier des personnes Ă  des fins telles que l’usurpation d’identitĂ©, la traque ou le harcèlement.

Le contexte de l’immigration ajoute une facette beaucoup plus dangereuse aux rĂ©percussions habituelles de l’affichage de donnĂ©es confidentielles en ligne puisque des acteurs Ă©trangers auraient facilement accès Ă  des donnĂ©es qui pourraient, par exemple, ĂŞtre utilisĂ©es pour nuire Ă  la famille ou aux intĂ©rĂŞts commerciaux d’un candidat Ă  l’immigration dans son pays d’origine.

Le groupe de travail recommande de suivre le modèle australien qui classe les dossiers judiciaires en ligne dans les catĂ©gories de dossiers ouverts, dossiers Ă  consultation restreinte, ou dossiers confidentiels et traite l’accès Ă  chacune de ces catĂ©gories en fonction de critères diffĂ©rents.

Outre le fait d’exiger des personnes qui souhaiteraient consulter des dossiers qu’elles s’inscrivent et acquittent des droits, le groupe de travail recommande qu’il soit Ă©galement demandĂ© Ă  toute personne qui demande l’accès Ă  des documents dont la consultation est restreinte de fournir les raisons pour lesquelles elle demande de les consulter.

[TRADUCTION] « Une catĂ©gorie de documents Ă  consultation restreinte dans le contexte de l’immigration protègerait contre un accès illĂ©gal, y compris aux fins d’exploration des donnĂ©es et d’utilisation illĂ©gale de renseignements personnels et confidentiels. » Les tribunaux devraient fonder leur autorisation de consulter ces documents sur l’identitĂ© de l’entitĂ© les demandant et sur sa motivation. Le groupe recommande que les dossiers d’immigration ne puissent ĂŞtre publiĂ©s en ligne qu’après obtention d’une autorisation.

Le groupe de travail a fait d’autres recommandations, dont les suivantes :

  • les renseignements connexes Ă  des mineurs devraient jouir d’une protection spĂ©ciale,
  • les documents en ligne devraient ĂŞtre protĂ©gĂ©s contre l’exploration des donnĂ©es,
  • la documentation ne devrait ĂŞtre accessible qu’en passant par le site Web de la Cour fĂ©dĂ©rale et non au moyen de moteurs de recherche,
  • il ne devrait pas ĂŞtre possible de faire des recherches sur le site Web avec des mots-clĂ©s tels que VIH, ISIS ou Baha’ie.