L’une des 15 grandes prioritĂ©s fixĂ©es pour la nouvelle ministre de la Justice du Canada dans sa lettre de mandat est une directive pour la remise en vigueur du programme de contestation judiciaire.
On aurait peut-ĂŞtre pu s’y attendre.
Le programme de contestation judiciaire est une balle de ping-pong politique que se renvoient inlassablement les gouvernements libĂ©raux et conservateurs successifs. InaugurĂ© par les LibĂ©raux de Pierre Trudeau en 1978, il a d’abord Ă©tĂ© Ă©largi (1985) avant d’ĂŞtre annulĂ© (1992) par les Progressistes-Conservateurs de Brian Mulroney. Les LibĂ©raux de Jean ChrĂ©tien l’ont remis en vigueur en 1994, le constituant en entitĂ© indĂ©pendante sans but lucratif. Les Conservateurs de Stephen Harper l’ont de nouveau trucidĂ© en 2006, dĂ©clarant qu’il n’Ă©tait pas rentable. Neuf ans plus tard, le programme Ă©tait encore en phase de clĂ´ture (article en anglais), les Conservateurs s’Ă©tant engagĂ©s Ă ce que tous les dossiers en cours au moment de la clĂ´ture officielle du programme soient traitĂ©s intĂ©gralement.
Et maintenant, les Libéraux de Trudeau fils le remettent en vigueur.
C’est une bonne nouvelle pour les groupes Ă la recherche de l’Ă©galitĂ© et autres personnes marginalisĂ©es qui manquent de ressources financières pour remettre en cause le pouvoir gouvernemental.
L’ABC a Ă©crit au prĂ©sident du ComitĂ© permanent de la justice et des droits de la personne en 2006 pour indiquer que l’Ă©limination du programme de contestation judiciaire et de la Commission du droit du Canada « aura de graves consĂ©quences sur la primautĂ© du droit et sur l’administration de la justice dans notre pays ».
La lettre ajoutait :
« Il est inconcevable de penser que des reprĂ©sentants et reprĂ©sentantes dĂ©mocratiquement Ă©lus aient pu promulguer la Charte canadienne des droits et libertĂ©s sans s’attendre Ă ce que des Canadiens et des Canadiennes exercent ces droits et contestent les lois qui y portent atteinte. Cependant, en l’absence du Programme de contestation judiciaire, il existe un risque rĂ©el que ces droits deviennent simplement des « droits sur papier ».
Dans une autre lettre adressĂ©e au premier ministre et aux membres de son cabinet, l’ABC disait : « Votre gouvernement a justifiĂ© les rĂ©ductions imposĂ©es au Programme de contestation judiciaire en faisant valoir que ce programme “ne valait pas l’argent qu’il coĂ»tait”. Avec tout le respect qui vous est dĂ», cette justification donne une idĂ©e fondamentalement fausse du but et du fonctionnement de ce programme ».
Selon la lettre, on compte parmi les demandeurs qui se sont prĂ©valus du programme, des personnes handicapĂ©es, des groupes francophones minoritaires, des victimes d’agressions sexuelles, des groupes autochtones et des personnes homosexuelles.
Et la lettre d’ajouter : « Qualifier ces groupes de “tierces parties” engendre une mentalitĂ© de type “nous contre eux », qui n’a pas sa place dans la sociĂ©tĂ© canadienne ».
« Nous sommes tous homme ou femme, nous faisons tous partie d’une race et nous avons tous, entre autres, une langue maternelle, une nationalitĂ©, une orientation sexuelle et certaines capacitĂ©s physiques et mentales. Faire annuler des lois discriminatoires attĂ©nue les dĂ©savantages que connaissent en gĂ©nĂ©ral les groupes vulnĂ©rables. Nous profitons tous d’une sociĂ©tĂ© plus Ă©galitaire. »